Les relations entre la France et le Maroc sont pluriels, faites de liens humains, économiques et politiques. Du fait de leur vivacité, elles ont connu, au cours de l’histoire, des épisodes de brouille sporadiques. Depuis novembre 2021, c’est l’affaire des visas qui a distendu les relations entre Paris et Rabat, à laquelle s’ajoute la question du Sahara Marocain.
Si la brouille est peut-être plus profonde cette fois, le déplacement, jeudi 15 décembre courant de la ministre française des Affaires étrangères dans le Royaume aurait-elle permis un rapprochement ?
Où en est-on donc
aujourd’hui ?
par le Docteur Abdelhak BAKHAT
La dernière brouille entre les deux pays date d’un peu plus d’une année, plus exactement depuis le mois de septembre 2021, lorsque la France avait décidé de réduire de 50% le nombre de visas accordés au Maroc, au motif que le Royaume refusait de délivrer des laissez-passer consulaires nécessaires au retour de ses ressortissants expulsés.
Ce durcissement n’a pas été sans conséquences. Il a jeté un froid dans les relations entre les deux grands alliés, jusqu’à aboutir à une situation alarmante, celle de ne plus disposer d’ambassadeurs, sachant que l’’ambassadrice de France à Rabat, Hélène Le Gal, a quitté son poste pour un autre au sein de l’Union européenne, pendant que l’ambassadeur du Maroc à Paris, Mohamed Benchaâboun, a été nommé à la tête du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.
C’est dans ce contexte extrêmement tendu que la Chambre marocaine des représentants a accueilli, un groupe de politiciens et d’hommes d’affaires français pour discuter de certaines questions qui étaient programmées.
A l’occasion, les deux parties ont évoqué le principal problème de l’heure auquel étaient confrontés le Maroc et la France : celui des visas. Les parlementaires français ont appelé à « sortir » de ce contexte qui empoisonne les relations franco-marocaines, considérant qu’il faut trouver des solutions qui soient acceptables par tous ».
Néanmoins, la situation est restée tendue jusqu’à la visite au Maroc, le 15 décembre courant, de la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, et la désignation du nouvel ambassadeur français au Maroc, Christophe Lecourtier.
Simultanément la ministre française Catherine Colonna a annoncé la fin de la crise concernant l’octroi des visas Schengen, affirmant : « Nous avons pris les mesures, avec nos partenaires marocains, pour restaurer une relation consulaire» dans le domaine migratoire ». En outre, elle a indiqué que le président français, Emmanuel Macron, effectuera une visite au Royaume au cours du premier trimestre de 2023.
La question qui s’est alors légitimement posée aux observateurs, est celle de savoir « qu’implique ce réchauffement diplomatique pour le Royaume ?
C’est le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, qui a apporté une réponse indirecte, mais claire et ferme. « Il n’y a pas de crise maroco-française. Aujourd’hui, il y a le besoin de rénover et d’adapter cette relation », a-t-il souligné au cours d’une conférence de presse donnée à Rabat, avec son invitée, Mme la ministre française Catherine Colonna.
De plus, le ministre Marocain a précisé que « grâce à la vision du Roi Mohammed VI, le Maroc a évolué en interne, sur le plan économique, politique, etc. Grâce à cette même vision royale, le Royaume a renforcé davantage son déploiement à l’international et a diversifié ses partenariats ».
M. Bourita a ajouté : « la France a aussi changé, et notre environnement géopolitique régional a changé. Cette relation, tout en gardant ses fondamentaux solides, a donc besoin de tenir compte de ces évolutions, que ce soit au niveau des mécanismes, de l’approche ou du contenu de notre coopération. La relation doit s’adapter à ces évolutions » dira-t-il.
Commentant le déclenchement et le déroulement de la crise, le ministre Marocain a rappelé que « Lorsque les mesures unilatérales ont été prises, le Maroc s’est interdit de commenter officiellement, par respect à une décision souveraine et unilatérale, prise par les autorités françaises. Aujourd’hui, la décision de reprise est une décision, encore une fois, unilatérale que le Maroc, encore une fois, respecte et ne commentera pas officiellement », dira M. Nacer Bourita, ajoutant : « Madame la Ministre a évoqué cette dimension humaine qui est fondamentale pour nos relations, une décision unilatérale au début puis -encore une fois- une autre décision unilatérale qui va dans le bon sens et c’est tant mieux. !» dira-t-il, estimant qu’ : « Il n’y a pas de crise maroco-française, Madame la Ministre l’a expliqué, Il y a le besoin de rénover et d’adapter cette relation ».
Adapter, c’est le mot !
Ainsi, pour faire évoluer les choses et avancer, la relation doit s’adapter aux évolutions et changements, dira le ministre, laissant comprendre qu’il faut qu’une porte « soit ouverte ou fermée », allusion faite à la position claire de la France vis-à-vis de l’affaire du Sahara Marocain.
La ministre française a bien saisi le message. « Je l’ai dit, et vous voyez qu’on aborde cette adaptation nécessaire vraiment dans un esprit positif, constructif et je dirai volontariste. Oui, c’est un atout de voir que le Maroc a pu évoluer, a pu développer aussi, dans la région et au-delà, un rôle qu’il n’avait pas, il y a quelques années » dira-t-elle, précisant que « le Maroc connaît la position de la France qui est claire et constante » concernant cette question et que son pays soutient le cessez-le-feu et les efforts de l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU.
En attrapant la balle au vol, le Chef de la diplomatie marocaine rétorque que la France a, depuis le début, été pionnière dans l’appréciation et le soutien au plan d’autonomie. Néanmoins, il est bien clair qu’elle est consciente de l’importance du Sahara pour le Maroc, pour le peuple marocain et pour les forces vives de la nation marocaine.
Et répondant à la ministre qui a soutenu qu’« une relation bilatérale a besoin d’adaptation et de rénovation, le ministre Bourita a souligné, avec une force probante que « Le dossier du Sahara a connu récemment des évolutions importantes, l’environnement du dossier régional et géopolitique lui-même a connu des évolutions. Et sans remettre en cause des fondamentaux auxquels le Maroc est attaché, le Royaume n’est pas pour une solution en dehors de l’ONU, ni pour une solution imposée, mais il considère qu’il est temps de définir des positions par rapport à l’objectif des processus onusiens et non par rapport aux processus eux-mêmes. Ceux-ci n’étant pas un objectif en soi, ils doivent nous amener à une solution. Il est donc fondamental que des pays qui sont proches de cette région, qui ont une très bonne connaissance de ce dossier puissent contribuer à la définition de cette zone d’atterrissage, ou de cette perspective de solution,» dira le ministre Marocain, soulignant que, durant ces trois dernières années, il y a eu des évolutions fondamentales dans les positions de pays proches de la France, soit géographiquement soit politiquement.
« C’est dire qu’il faut sortir de la zone grise autrement », soutient M. Nasser Bourita allusion faite au discours royal du 20 août 2022, à l’occasion du 69e anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, qui était d’une clarté abrupte. Sans nommer un pays en particulier, le Souverain a appelé les partenaires du Royaume à clarifier leur position. En étant direct, le Roi s’adressait aux pays amis, avec à leur tête la France, qui a timidement soutenu l’initiative marocaine d’autonomie.
Aussitôt, on se pose la question suivante : pourquoi tant d’hésitations pour le Président français Emmanuel Macron ?
La réponse est simple : autant il tient à garder ses bonnes relations avec le Maroc, un pays stratégique, sûr, mûr et pacifique , apprécié partout dans le monde en Occident comme en Orient et partenaire économique de taille, entre autres, autant le Président français, Emmanuel Macron tient, d’un autre côté, à préserver ses relations avec l’Algérie voisine du Maroc dont l’obsession maladive est de se frayer un accès à son pays à travers le territoire Sud du Maroc, et qui se montre généreuse envers quiconque appuierait cette convoitise d’aliéné.
Ainsi, le régime algérien qui s’affiche en ennemi juré du Maroc, tisse des relations folles et douteuses basées essentiellement sur des dons de gaz.
Cette flagrante dilapidation des richesses gazières du pays aide aussi l’Algérie à entretenir un semblant de «guérilla » stérile contre le Royaume voisin à travers un bras armé appelé « polisario « dont des dirigeants douteux, à l’allure de mercenaires à la solde d’Alger, rêvent d’occuper le Sahara Marocain.
Cette affaire devenue une priorité première pour le Maroc, pour son Roi et pour Son peuple est mise à profit par certains pays pour convoiter le gaz algérien.
C’est dans cette optique qu’ Emmanuel Macron, tient à préserver ses relations avec le régime juteux algérien.
Mais, une chose est sûre : continuer à corser le bras de fer avec le Maroc serait une erreur stratégique de la France, d’autre part consciente des potentialités économiques du Royaume. Il est donc peu probable, qu’en fin de compte, la France puisse se soumettre aux pressions d’Alger pour changer ses positions politiques envers le Maroc, en contrepartie du gaz. C’est ce qui explique ce tangage d’Emmanuel Macron entre Alger et Rabat, veillant à garder un pied dans chaque camp !
C’est pour cela qu’au moment où la ministre des Affaires étrangères française Catherine Colonna décollait dernièrement de Rabat, le ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin atterrissait à Alger. Ce ministre français venu seul, a affirmé à son arrivée : « La France et l’Algérie ont ouvert une nouvelle page de leurs relations. À la demande d’Emmanuel Macron, je me rendu à Alger afin d’évoquer avec mon homologue et le Président Tebboune la coopération de nos deux pays dans les domaines migratoire et de la sécurité. » dira le ministre dans sa déclaration.
En réalité, cela n’a trompé personne puisque Gérald Darmanin ést venu pour « rassruer » le régime algérien sur les « résultats de la démarche » de la ministre française des Affaires étrangères lors de sa visite à Rabat.
Ainsi, à voir les choses de près, Macron semble balancer d’un pied sur l’autre sans vraiment trouver un équilibre à ses acrobaties. Peur, d’une part, de fâcher le Président Tebboune et peur, d’autre part, de perdre le Maroc,
Toujours est-il que la récente visite à Rabat de la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, semble s’inscrire dans le cadre de la préparation de la visite d’État annoncée au Maroc, du Président français Emmanuel Macron : « Nous sommes déterminés à écrire une nouvelle page ensemble, où nous avons besoin l’un de l’autre ». C’est bien dit ! Toutefois pour cela il faut bien tirer au clair l’origine de toutes les crispations qui règnent depuis quelque temps.
Pour la ministre française « le Maroc est un grand pays, un pays ami et un partenaire d’exception. Un pays avec lequel on a tissé au fil des siècles une relation d’une densité et d’une qualité exceptionnelle. Je crois même qu’entre Français et Marocains, il y a quelque chose de singulier, d’unique. C’est une relation qui ne se compare à aucune autre ».
C’est bien dit en langage diplomatique ! Mais le Maroc considère qu’il est plutôt temps de définir des positions « claires » vis-à-vis du problème du Sahara Marocain, adaptables aux attentes légitimes du Maroc et où la langue de bois n’a plus de place… !