Les migrants Subsahariens de passage à Tanger vivent une double-crise : l’une liée au Coronavirus et l’autre aux conséquences socio-économiques de l’État d’urgence sanitaire.
Malgré quelques élans de solidarité, cette population se retrouve abandonnée à elle-même, sans autre perspective que la lutte pour la survie. Les plus vulnérables, notamment les femmes et les adolescents font preuve d’inventivité pour lutter contre la pandémie, subvenir à leurs besoins les plus élémentaires dont celui de s’assurer un toit.
« En ce moment, nous ne savons pas comment faire pour payer le loyer. Si à la fin de ce mois de mai, nous n’avons pas de quoi payer, nous serons obligés d’aller dormir dans la forêt ». Telle est la douloureuse confession d’Adesina, paraissant abattue au côté de sa camarade Abigail.
Ces deux jeunes filles, âgées d’un peu moins de la vingtaine, originaires du Nigeria, sont arrivées à Tanger en 2018, après un dur périple à travers le désert, dans l’espoir de pouvoir rejoindre le sol européen.
Les deux Nigérianes, rencontrées au quartier M’sallah, le regard fuyant d’adolescentes tourmentées, n’osent pas trop entrer dans les détails des conditions de vie qu’elles mènent en ces moments difficiles.
Elles ne sont pas, non plus, disertes sur leur avenir, comme, d’ailleurs, quatre autres migrants guinéens rencontrés le même jour.
A une question concernant le dérouler-type de leur journée, Abigail soupire : « C’est très difficile », avant de remercier une généreuse passante qui lui a glissé une pièce de monnaie dans la main.
Après quelques hésitations, les deux jeunes filles finissent quand même par se confier : leur survie dépend de la mendicité et des aides de quelques associations actives : « Il y a deux semaines, nous avons reçu l’aide d’une association caritative, confie Adesina en réajustant son masque protecteur contre le virus Covid 19, avant de poursuivre : « Nous avons reçu de quoi manger pour quelques jours ; pour le reste, on se débrouille en mendiant, dès le lever du jour jusqu’en début d’après-midi ».
Désormais incertaines sur leur projet européen, les deux candidates à l’émigration n’ont aucune certitude sur leur avenir. Le rêve qui les a attirées à Tanger, considérée comme la porte du vieux continent, semble ne plus être une obsession, du moins, dans l’immédiat.
Le Covid 19 et ses conséquences sur leurs conditions de vie ont fait naitre, pour elles, d’autres priorités immédiates. Cela ne les empêche pas, pour autant, d’exprimer quelques désirs comme celui d’acquérir des compétences pouvant leur permettre de pratiquer autre chose que la mendicité. Toute la question est de savoir comment réaliser une telle ambition en cette période où les soutiens associatifs sont très sollicités et les possibilités de formation sont freinées par la pandémie.
En espérant des jours meilleurs, les deux jeunes Nigérianes comme le reste des nombreux autres Candidats Subsahariens à l’émigration, implorent Dieu afin que les élans de générosité leur parviennent.
Certes, la mobilisation associative essaie, tant bien que mal, d’alléger leur fardeau. Mais, de toute évidence, cela s’avère insuffisant et les aides ne parviennent pas toujours à toucher l’ensemble des personnes ciblées.
Signalons que, dans une déclaration faite au quotidien français « Le Monde », le sociologue Mehdi Alioua estime à, au moins « 20.000 », le nombre de migrants et immigrés qui se trouvent en ces temps du Covid 19 dans une «situation d’urgence humanitaire ».
Par Sali Bouba.O