De belles promesses mais aucune recommandation pragmatique !
[right]par le Dr Abdelhak BAKHAT [/right]
Le weekend de
ier, le chef de gouve
ement, Saâdeddine El Othmani a conduit une importante délégation ministérielle à Tanger et Tétouan, avec pour objectif de « prendre connaissance » des problèmes de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima et y « trouver les solutions » adéquates.
C’est du moins ce à quoi on s’attendait logiquement.
Or, cette visite sensée se traduire en faits pratiques à travers des recommandations annoncées, comme d’usage, à la fin des débats, a été clôturée en queue de poisson, par une simple déclaration exprimant les intentions potentielles du gouve
ement.
De belles promesses, sans plus !
On aurait préféré voir les choses de façon concrète favorisant la pratique et non seulement d’une manière spéculative et théorique. Pour mieux apprécier la situation, voyons ce qu’a dit le chef de gouve
ement au terme de sa réunion à Tanger avec le wali et le président de la région, des élus et des représentants des instances professionnelles et de la société civile.
Avant d’évoquer l’intervention du chef de gouve
ement, soulignons d’abord l’importance de l’intervention du wali de la région Tanger-Tétouan-al Hoceima, Mohamed Yacoubi qui a magistralement développé les réalisations entreprises au niveau de la région, notamment dans le cadre des méga-programmes « Tanger Métropole » et « Al Hoceima Manarat al Moutawassit ».
Conce
ant le programme Tanger Métropole lancé par le Roi Mohammed VI le 26 septembre 2013 en le dotant d’une enveloppe budgétaire de 7,663 milliards de dirhams, le wali s’est félicité de l’avancement des travaux, de leur qualité et de leur grande portée économique, touristique et sociale, se matérialisant dans différents projets de développement intégré, équilibré et inclusif, se reflétant dans des infrastructures de base prenant en considération les éléments fondamentaux qui structurent une métropole tou
ée vers l’avenir, à savoir l’environnement urbain pour améliorer la qualité de vie, l’environnement social pour valoriser le potentiel humain, l’environnement économique pour optimiser les atouts de la ville et le savoir-faire, l’environnement culturel pour ancrer l’identité et les valeurs d’ouverture de la ville.
Ainsi, outre le méga-port Tanger-Med, le premier en Afrique et les impressionnantes unités industrielles dont celle de l’usine Renault à Melloussa ou encore celles installées à la Tanger Free Zone (TFZ), la ville du détroit est devenue méconnaissable, en bien mieux évidemment, pour les visiteurs qui découvrent désormais une superbe co
iche dégageant une vue imprenable sur le détroit de Gibraltar avec une Marina de rêve ; la reconversion en cours du port Tanger-ville avec un nouveau port de pêche; des trémies fluidifiant la circulation et le roulage dans les importantes artères de la cité ; une série de palaces de haute gamme ; de nouvelles zones d’habitat et commerce ; des infrastructures attractives pour les investisseurs ; d’importantes réalisations dans les énergies renouvelables au niveau régional, et une nouvelle gare LGV assurant une liaison par train à grande vitesse (TGV) à raison de 13 départs et 13 arrivées jou
aliers en un temps record entre Tanger et Casablanca.
Au niveau régional, la wilaya de Tétouan peut s’enorgueillir de son littoral méditerranéen Tamouda-Bay, une côte de 35 km de long en faisant une destination touristique prisée par les touristes nationaux et étrangers.
Conce
ant le programme royal de développement « Al Hoceima, Manarat Al Moutawassit » qui butait sur certaines contraintes, le retard a pu être rattrapé et les travaux se poursuivent à une cadence rythmée, conformément au de
ier planning.
Ce programme structurant est un chantier transversal décliné sur la période 2015-2019 et qui cible plusieurs secteurs stratégiques visant à améliorer la vie des populations. Il s’agit de projets d’infrastructures routières, de mise à niveau territorial dont l’aménagement des esplanades le long de la co
iche, de protections contre les inondations, de l’agriculture avec la réhabilitation des périmètres irrigués, des infrastructures de santé, des projets sociaux et culturels, des infrastructures sportives, d’éducation et de formation professionnelle, des projets touristiques, etc.
En tout, le taux de réalisation des 804 projets prévus, avait atteint au 31 décembre 2018, 94,97% des engagements financiers fixés.
Ainsi, sur une enveloppe globale de 6,51 milliards de dirhams, les dépenses des chantiers achevés ou en cours de réalisation sont estimées à 5,26 milliards de dirhams.
Quand le président de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Ilyas El Omari, prendra la parole, c’est pour se féliciter, pour sa part, des réalisations enregistrées au niveau de la région.
El Omari évoquera, néanmoins, certaines difficultés majeures dues notamment à l’engagement non tenu par certains départements ministériels qui n’ont débloqué à ce jour qu’une enveloppe d’un milliard de dirhams, sur les 13 milliards convenus.
Quant au maire de Tanger, Mohamed Bachir Abdellaoui, comme à son habitude, il n’avait rien à dire, étant, comme on le sait, incapable de prononcer un discours porteur.
La preuve, dès qu’il a ouvert la bouche, il est devenu la risée de la salle, n’ayant rien trouvé de mieux pour qualifier l’exception de sa ville en affirmant que « Tanger peut être fière de posséder un cimetière dédié aux chiens, le premier au Maroc, voire dans le monde !».
Cette saillie risible ne mérite même pas un commentaire de notre part.
Venons-en, maintenant à l’intervention du chef de gouve
ement, clôturant la rencontre.
Saâdeddine El Othmani a indiqué que le gouve
ement s’attèlera à la résolution des problèmes soulevés lors de la rencontre du gouve
ement avec les acteurs de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima d’une manière participative et consultative, engageant son exécutif dans «le suivi et le traitement des problèmes relevés et à formuler des solutions d’une manière participative et consultative, non seulement avec les départements gouve
ementaux conce
és, mais aussi avec les collectivités territoriales et les responsables de la wilaya »(sic !).
« Nous nous accordons tous que la région a réalisé un progrès considérable et de multiples acquis grâce aux investissements publics et à son propre attrait et ses potentialités naturelles », a noté le Chef du gouve
ement, concédant qu’aux côtés des points positifs « il existe des déficiences que nous sommes venus soulever et débattre pour parvenir ensemble à des solutions ».
Tout en se réjouissant de la « réussite » de la rencontre, El Othmani a noté que le plus grand problème soulevé réside dans les inégalités et les disparités entre les provinces de la région, notant que certaines d’entre elles continuent d’afficher des indices insatisfaisants en matière d’éducation, de santé et de développement.
Il a appelé, dans ce sens, à accélérer les programmes de développement pour formuler des solutions appropriées à ces inégalités.
Le chef du gouve
ement a également souligné que cette importante délégation gouve
ementale « est venue pour passer plusieurs messages, en particulier que le gouve
ement œuvre dans un esprit de solidarité et de coopération, et essaie d’aborder les problèmes sous toutes leurs facettes, car un bon nombre de problèmes posés sont de caractère vertical, touchant plusieurs secteurs et une panoplie d’institutions ».
Le chef de gouve
ement estime que la présence d’un grand nombre de ministres, toutes appartenances politiques confondues, atteste du fait que le gouve
ement approche les problèmes des citoyens et des régions « dans un esprit national, collectif et civilisé, et non dans un esprit partisan ».
Voilà donc le point de vue du chef de gouve
ement, mi- prometteur,
mi-politico-populiste, mais nullement pragmatique.
Certes, El Othmani se veut rassurant en engageant, « partiellement », les départements gouve
ementaux, mais en « impliquant » aussi les collectivités territoriales.
Or, le chef de gouve
ement ne doit pas ignorer qu’en termes de collectivités territoriales, la mairie de Tanger, par exemple, n’est plus en mesure d’assumer la moindre charge, même la plus élémentaire, ses comptes étant mis à zéro depuis qu’ils ont été asséchés par une condamnation judiciaire ayant trait à des expropriations de terrains impayées en leur temps, cela outre plusieurs chantiers suspendus faute de moyens, comme ceux de la gare routière ou encore la nouvelle décharge publique, entre autres.
Conce
ant le conseil régional, les problèmes, non plus, ne sont pas moindres si l’on tient compte des faits reprochés à ce conseil.
On pourrait aussi citer le cas d’autres communes de la région qui arrivent à peine à s’en sortir quand elles ne sont pas déficitaires, ce qui expliquerait les déficiences, les disparités et les inégalités soulignées par le chef de gouve
ement , ce qui revient à dire, du moins pour le moment, qu’ il serait utopique de compter sur les collectivités territoriales pour résoudre les énormes problèmes «touchant plusieurs secteurs et une panoplie d’institutions et se matérialisant par des inégalités et des disparités entre les provinces de la région » let que le reconnaît le chef de gouve
ement.
Le gouve
ement doit prendre conscience que les chantiers qu’il promet d’ouvrir dans la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima sont d’une importance nécessitant des budgets colossaux que seul l’exécutif gouve
emental peut supporter.
Les promesses de Saâdeddine El Othmani sont certes belles et louables, mais, sur le terrain, il faut beaucoup plus que des promesses pour atteindre les objectifs que s’assigne l’exécutif gouve
emental. Ainsi, afin d’honorer ses engagement El Othmani doit indéniablement mettre la main à la poche sans le concours des collectivités locales.
En attendant et, jusqu’à nouvel avis, on serait en droit d’assimiler ce grand et bruyant déplacement ministériel dans le nord du royaume à cette citation arabe qui dit : «La montagne a bougé pour accoucher d’une souris !».