Chaque année, à l’approche du mois sacré, portés par les douces brises spirituelles, nombreux sont ceux qui se précipitent pour accomplir la Omra et réaliser des actions caritatives, espérant ainsi obtenir la miséricorde et le pardon de Dieu. Certains pensent que le pieux adorateur, fervent dans son rapprochement de son Seigneur, et le pécheur en quête d’expiation pour ses péchés peuvent, grâce à ces actes, se libérer de leurs charges et bénéficier du pardon divin. Pourtant, ils oublient que beaucoup rêvent de visiter la Maison de Dieu sans en avoir les moyens. Pourquoi alors ne pas offrir ces Omras en aumône plutôt que d’en multiplier le nombre et d’en faire un sujet de vantardise ?

Le mois de Ramadan est avant tout un mois de culte et de jeûne, dans sa définition la plus simple, consisté en une abstinence de nourriture et de boisson pendant une durée déterminée. Pourtant, sa récompense est immense auprès de Dieu, tant pour ses bienfaits spirituels que pour ses retombées dans ce monde et dans l’au-delà. Sur le plan terrestre, il permet de ressentir le mal pauvre, cet être épuisé qui, ne possédant parfois qu’un seul repas par jour, travaille sous un soleil brûlant ou un froid mordant pour l’obtenir. Pendant ces jours, nous devenons tous égaux, partageant ensemble la même épreuve et prenant conscience de la fragilité des uns et des autres. Le jeûne nous prive temporairement des bienfaits matériels de ce monde, mais pour les plus démunis, cette privation est permanente.
Hélas, ce que nous observons ces dernières décennies, avec l’essor des médias et des réseaux sociaux, c’est que du mois de Ramadan, il ne reste plus que le « NOM ». L’adoration est devenue une mode, et la mode s’est transformée en traditions dont nous ignorons l’origine.

Au lieu de se précipiter vers la prière et la dévotion, certains se ruent vers les boutiques, renouvelant leur mobilier, leurs ustensiles de cuisine et leurs vêtements. Puis survient le grand désastre : l’achat compulsif et excessif de toutes sortes d’aliments et de boissons, un phénomène qui se répète chaque année. Beaucoup établissent même un budget spécifique pour ces dépenses exagérées, une tendance qui touche non seulement les riches, mais aussi les plus modestes, qui, parfois, s’endettent ou adhèrent à des associations financières pour se conformer à cette image sociale qu’ils jugent « appropriée et moderne ». L’endettement et les crédits sont devenus un fléau dont souffrent de nombreuses sociétés. Certains achètent plus que nécessaire, succombant à leurs envies sans réfléchir aux difficultés financières qu’ils auront à affronter par la suite. Plutôt que d’opter pour des quantités raisonnables et utiles, ils se livrent à une consommation effrénée. Pendant ce temps, ailleurs, des gens meurent de faim, tandis que d’autres gaspillent sans retenue, achetant et cuisinant avec excès, obéissant à leurs regards plus qu’à leur raison.
Le comble de cette surconsommation se manifeste dans l’habillement. Certaines familles s’imposent à elles-mêmes l’achat de nouvelles tenues pour le début du Ramadan, le mi- mois, Laylat al Kadr, l’Aïd, sans oublier les visites familiales chez les proches et les beaux-parents. Ce phénomène alimente les rivalités, notamment entre belles-sœurs ou belles-filles, chacune cherchant à afficher la plus belle et la plus coûteuse des tenues.
Quant aux pratiques religieuses, elles sont devenues une simple apparence. Les femmes se ruent sur des tapis de prière brodés et ornés de pierres précieuses, des exemplaires du Coran richement décorés, assortis à leurs abayas, lesquelles ont remplacé la traditionnelle djellaba. Les parfums, quant à eux, envahissent les mosquées à un point tel qu’il devient difficile d’y respirer.
Et enfin, la nouvelle tendance qui s’est imposée dans nos foyers : la décoration du Ramadan. Nous, Marocains, quel rapport avons-nous avec les lanternes et les inscriptions en bois ou en plastique qui envahissent les salons pour être exhibées sur les réseaux sociaux ? Ces ornements sont perçus, par ceux qui les affichent, comme un symbole de modernité et de prospérité, alors qu’ils sont tout sauf un élément du culte prôné durant ce mois sacré.
Sommes-nous en train de vivre encore le Ramadan de nos ancêtres, ou bien celui de l’ère des réseaux sociaux ?