Depuis plusieurs semaines, le port de Tanger Med suffoque sous le poids des camions. Cette infrastructure stratégique de notre économie est confrontée à une congestion sans précédent, paralysant les flux commerciaux et menaçant l’activité industrielle.
Une réunion élargie, organisée le 10 mars dernier par la CGEM, sous la présidence du gouverneur de Fahs Anjra, a rassemblé les principaux acteurs de la chaîne logistique portuaire afin d’évaluer la situation et d’identifier des solutions.
Un constat alarmant
Le compte rendu de cette rencontre dresse un constat alarmant : les activités d’importation et d’exportation sont quasiment à l’arrêt, provoquant des pertes considérables et la détérioration de produits périssables. Pire encore, un arrêt total de la production menace, alors que plus de 2 600 camions transportant des pastèques en provenance de la Mauritanie et du Sénégal restent bloqués aux portes du port.
Face à cette crise, plusieurs mesures ont été proposées pour fluidifier la circulation des camions, réduire les délais d’attente et améliorer la gestion du trafic. Parmi elles : le renforcement des bureaux de contrôle pour accélérer le traitement des demandes, la création de nouvelles infrastructures comme les plateformes d’export et d’import (SAS EXPORT en mars 2025 et SAS IMPORT en avril 2025), l’extension du parking de dépotage et la mise en place d’une cellule de veille sous l’égide du gouverneur.
Ces initiatives permettront d’alléger temporairement la pression sur le port et d’améliorer la fluidité du trafic. Toutefois, elles restent des solutions conjoncturelles, qui ne s’attaquent pas aux causes profondes du problème. À mesure que les volumes commerciaux augmentent et que les standards logistiques évoluent, il devient urgent d’adopter une approche plus durable et intégrée.
L’intelligence artificielle, un levier incontournable
Si les solutions proposées restent majoritairement conventionnelles, elles omettent un élément clé : l’intelligence artificielle (IA). À l’heure où le Maroc, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI (Que Dieu l’assiste), s’est engagé dans une stratégie de digitalisation avec la feuille de route « Maroc Digital 2030 », il est essentiel de repenser la gestion logistique à l’aune des nouvelles technologies. Ainsi, l’intégration de l’IA et de l’Internet des Objets (IoT) dans la chaîne logistique portuaire permettrait d’optimiser durablement les opérations. Des ports de renommée mondiale comme Singapour et Rotterdam utilisent déjà ces outils pour fluidifier le passage des camions et anticiper les engorgements.
Des technologies éprouvées aux multiples avantages
L’adoption de solutions innovantes basées sur l’IA et l’IoT offrirait plusieurs bénéfices concrets. Elles peuvent permettre :
- La réduction des formalités administratives et les erreurs humaines, par l’introduction des Pré-autorisation numérique et documentation électronique ;
- L’établissement des systèmes de pesage en mouvement, éliminant les arrêts inutiles des camions ;
- L’introduction des Capteurs et étiquettes RFID, pour un suivi précis des cargaisons et une inspection automatisée ;
- Et la mise en place des portails de numérisation du fret par rayons X et gamma, permettant des contrôles douaniers rapides et sécurisés.
Ces technologies, déjà éprouvées ailleurs, pourraient révolutionner la gestion des flux au port de Tanger Med. Pourtant, elles restent absentes des recommandations actuelles.
Les blocages actuels ne sont pas qu’un problème logistique ; ils témoignent d’une modernisation inachevée. Si les solutions traditionnelles apportent un soulagement immédiat, elles ne suffisent pas à bâtir un système résilient et évolutif. L’intelligence artificielle ne doit pas être perçue comme une option futuriste, mais bien comme une nécessité immédiate pour un port qui aspire à être un leader régional.
Dans un monde où les échanges commerciaux s’intensifient, le Maroc doit choisir entre de simples ajustements temporaires et une transformation structurelle. L’IA ne résoudra pas tout, mais elle est indéniablement une pièce maîtresse de l’avenir logistique du pays.
Reda Temsamani