Entretien avec le membre du Conseil national du PSU FOUAD EL OMARI
ier congrès de ce parti en février 2007.
Né en 1974, dans l’un de ces villages ‘’enclavés’’ de la province d’Al Hoceima, Fouad El Omari a obtenu sa licence en droit à l’Université Mohamed V de Rabat, où il a milité au sein de l’UNEM, ainsi qu’au sein de la section de Rabat de l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH)
Se réclamant d’une famille de gauche, de père en fils, Fouad El Omari est un activiste irréductible de la ‘’cause amazigh’’. Il est président, à ce titre, de l’Association Touiza, inte
ationalement connue pour son grand festival méditerranéen.
Fouad El Omari est directeur d’une société de BTP à Tanger.
Il est célibataire.
• Union PSU, PADS, CNI : Le processus unificateur engagé est irréversible, et les commissions mises en place à cette fin travaillent sans relâche.
• Candidatures communes : Aucune décision à propos des têtes de listes ne pourra être prise sans concertation avec les bases locales, par le biais de la structure commune accordée.
• Aujourd’hui, le défi consiste à faire réconcilier les Marocains avec la politique et les institutions. Ce n’est pas une tâche facile.
• Nous sommes un parti en perpétuelle mutation, non pas dans le sens de la scission mais celui de l’union.
• Les réformes constitutionnelles sont essentielles, et demeurent l’unique moyen de consolider la monarchie constitutionnelle en tant que système politique.
• Non seulement nous sommes présents avec les masses, mais nous nous considérons porteurs de leurs préoccupations.
• Boycott des élections : On ne va pas attendre que les choses changent d’elles mêmes et laisser le champ libre à ceux qui font tout pour que rien ne change.
• Ce n’est pas le degré de piété qui fait forcément le bon citoyen. Je reproche au PJD et à la politique islamiste en général, ce discours religieux qu’on met en avant à base de slogans, pour chercher à arriver au pouvoir.
ENTRETIEN :
Q : Le PSU, le PADS et le CNI étaient sensés annoncer leur union le 13 mai, au cours d’un meeting où les trois partis devaient rendre publics, leurs candidatures communes aux prochaines élections et le symbole unifié choisi à cet effet. Ce meeting n’a pas eu lieu. Que s’est-il passé ?
R : Il ne s’est rien passé. L’union est toujours en marche. Le meeting en question a été reporté au 27 mai courant pour des raisons ‘’techniques’’. Pour tout vous dire, cet ajou
ement est dû à un contretemps en relation avec la disponibilité de la salle où on devait célébrer la réunion : la salle Ibn Yassine de Rabat, qui a été retenue pour une manifestation sportive. Le processus unificateur engagé est irréversible, et les commissions mises en place à cette fin travaillent sans relâche sur les questions des statuts, des candidatures, de la communication…etc.
Q : Qu’en est-il au niveau de la coordination entre le PSU et les deux autre partis sur le plan local ? Est-il vrai qu’il a été décidé de céder la tête de liste, pour les circonscriptions électorales de Tanger- Assilah et Fahs-Anjra, aux militants du PADS ?
R : Pour notre part, le PSU a demandé à toutes les sections d’établir un rapport sur l’état des lieux dans les différentes provinces. Ce que nous avons fait, ici à Tanger, et, j’en suis certain, dans les autres provinces aussi. Pour ce qui est de la coordination locale, elle est en voie de mise en place. Il ne faut pas oublier que le PADS devait tenir son congrès national le mois de
ier. À Tanger aussi, il y a eu le congrès provincial de ce parti, juste après le congrès national. Quant à nos camarades du CNI, ils sont en train de se ressaisir après les problèmes inte
es qu’ils ont connus. C’est vous dire les contraintes et difficultés qui ont empêché les commissions de coordination d’être déjà pleinement opérationnelles. Mais les structures qui n’étaient pas encore parachevées le seront très bientôt. Ceci dit, conce
ant les têtes de listes, rien n’est encore, ‘’officiel’’, pour ainsi dire. Nos camarades du PADS et du CNI vous diront la même chose, j’en suis certain. Une chose est sûre : aucune décision à propos des têtes de listes ne pourra être prise sans concertation avec les bases locales, par le biais de la structure commune accordée. Mon vœu à moi, c’est que la gauche démocratique puisse obtenir un siège ici à Tanger. C’est même fort possible si on s’y met sérieusement.
Q : Pourtant, l’hebdomadaire Assahifa, qui est proche de vous, avait annoncé qu’à Tanger, c’est le PADS qui sera tête de liste…
R : Moi je vous dis ce qu’il en est en fonction des décisions responsables qui ont été adoptées. Je sais qu’il y a eu des informations publiées dans la presse. Mais que ce soit Assahifa ou un autre jou
al, tant que les instances responsables n’ont pas tranché, tout ce qui est publié relève de la spéculation médiatique pure et simple.
Q : Vous m’excuserez de vous faire cette remarque, mais le PSU est à peine visible à Tanger où vous n’avez même pas de local…
R : La situation du PSU à Tanger n’est pas une exception à l’échelon national, ni sur le plan local, en comparaison d’ailleurs avec celle de la plupart des partis politiques. Vous me concéderez, j’en suis sûr, que l’État a quelque chose à voir là dedans aussi. On a vu ce qui se passait avant, lorsqu’on a cherché à affaiblir certaines forces en pré – fabriquant quelques partis. On a encouragé l’émergence d’une société civile diversifiée, c’est bien. Mais il ne fallait pas le faire au détriment des partis politiques. Avec les fraudes électorales que notre pays a connues depuis 1976, les gens se sont de plus en plus éloignés de la politique et des partis. Aujourd’hui, le défi consiste aussi à faire réconcilier les Marocains avec la politique et les institutions.
Ce n’est pas une tâche facile. En ce qui nous conce
e, au PSU, je n’ai pas besoin de vous rappeler les étapes par lesquelles nous sommes passées dans notre lutte pour la démocratisation du pays, mais aussi pour l’union des forces de la vraie gauche démocratique. Ce qui n’était au début qu’un simple rêve a commencé à prendre forme. Aujourd’hui, de grands pas sont franchis depuis l’OADP (Organisation d’action démocratique populaire) en passant par le GSU (Gauche socialiste unifiée). Nous avons pu tirer les bonnes leçons de nos lacunes passées en matière de gestion des conflits inte
es et nous assistons aujourd’hui au retour parmi nous de ceux qui avaient émis des réserves et pris des distances. Mais lorsque vous dîtes que nous sommes à peine visibles, il faut nous entendre : en terme de local, d’adhérents détenteurs de la carte du parti, je vous le concède, avec cette circonstance atténuante que je viens d’expliquer, qui est valable pour d’autres partis, mais qui est peut-être assez accentuée en ce qui nous conce
e, eu égard à la dure répression que nous avons subie et cet enthousiasme unioniste qui nous a toujours animés. Mais en terme de présence de militants, porteurs de nos idées au sein du tissu associatif et dans la société civile en général, vous vous trompez : nous sommes bien là, et en nombre non négligeable. Nous sommes un parti en perpétuelle mutation, non pas dans le sens de la scission mais celui de l’union. Nous sommes très optimistes, car nous avons réussi à transmettre cette vision aux forces de gauche avec lesquels nous avons beaucoup d’affinités, et le futur est très prometteur à cet égard.
Q : S’il est vrai que vous êtes capables au sein du PSU, contrairement à beaucoup de partis politiques, non seulement de reconnaître vos courants inte
es, mais aussi de les gérer, il n’en est pas moins vrai que vous demeurez, pour beaucoup d’observateurs, un parti élitiste, d’intellectuels de gauche, éloigné des masses populaires.
R : Si l’on entend par ce qualificatif «d’élitistes» le fait qu’une élite prenne l’initiative de chercher à rassembler autour d’un projet de société, c’est tout à fait normal. C’est le rôle des élites de le faire. Je dirais même que c’est leur responsabilité. Mais dire qu’à ce titre, nous sommes éloignés des masses populaires, c’est faux. C’est même absurde. Car les masses populaires sont notre raison d’être. Qu’est ce qu’un parti qui ne communique pas avec les masses ? Je ne vais pas revenir sur ce qu j’ai déjà expliqué sur l’éloignement des citoyens de la politique, la perte de confiance…etc. Non seulement nous sommes présents avec les masses, mais nous nous considérons porteurs de leurs préoccupations, et nous militons pour qu’elles soient mises en avant dans toute politique de développement économique et social. La tâche d’encadrer des gens qui ont perdu confiance est rude. Le cumul des déceptions en est responsable. L’État assume comme je l’ai dit sa part de responsabilité, mais aussi les partis politiques opportunistes qui ont tiré profit de la situation antérieure.
Q : Les réformes constitutionnelles passent-elles à occuper le second plan pour ce qui est de vos priorités, à l’instar de vos camarades du PADS qui semblent plus enclins aujourd’hui à revendiquer en premier lieu la transparence du scrutin ?
R : Pas du tout. Au même titre que nos alliés au sein du rang de la gauche démocratique, avec lesquels nous partageons aujourd’hui une vision d’avenir, nous considérons les élections comme un front de lutte pour la poursuite de la démocratisation du pays et de ses institutions. Et si nous cherchons à obtenir des sièges lors de ces élections, c’est aussi dans cet objectif. Les réformes constitutionnelles sont essentielles, et demeurent l’unique moyen de consolider la monarchie constitutionnelle en tant que système politique, en adaptant les textes aux exigences des principes fondamentaux de la démocratie, de l’état de droit et aux valeurs universels des droits humains. À cet égard, il n’y a pas d’autre alte
ative que d’adapter la constitution pour qu’elle soit en harmonie avec le processus de démocratisation du pays. Que ce soit par une vraie séparation des pouvoirs qui est un pilier essentiel pour l’édification de l’état de droit ; ou par la consécration de la souveraineté du peuple qui élit ses représentants avec le renforcement de la démocratisation des institutions législatives, exécutives et de l’indépendance de la justice. Pour y arriver, il ne s’agit pas uniquement de rester dans son petit coin, et de lancer des slogans, sinon, de mettre la main à la pâte et de travailler pour le changement.
Q: Annahj Addimokrati d’une part, et la Jamaâ d’Al Adl Wal Ihssane d’autre part, ne partagent pas cet avis. Ils ne veulent pas cautionner par leur participation ce qu’ils qualifient de ‘’démocratie de façade’’. Mais eux, ils ne restent pas dans leur petit coin. Ils font campagne ouvertement pour le boycott, en avançant leurs arguments et en subissant la répression des autorités.
R : Nous respectons la décision d’Annahj Addimokrati, cela va de soi. Mais nous ne partageons pas les prétextes invoqués pour le boycott, car nous les considérons insuffisants pour justifier une prise de position aussi radicale. De la même manière que nous sommes en désaccord avec eux sur d’autres sujets tels que la monarchie ou le dossier du Sahara. Nous estimons que, si nous voulons être proches des citoyens, il n’y a pas d’autre alte
ative que de ‘’nous mouiller’’. On ne va pas attendre que les choses changent d’elles mêmes et laisser le champ libre à ceux qui font tout pour que rien ne change. En tant que démocrates, cependant, nous respectons leur point de vue ainsi que celui de la Jamaâ d’Al Adl Wal Ihssane. Leur droit à la libre expression est incontestable et en aucun cas le PSU ne pourrait justifier de quelle que façon que ce soit le harcèlement ou la répression qui pourraient les toucher. Pour les gens de la Jamaâ, la question est de savoir s’ils sont démocrates eux-mêmes ! En tant que citoyen, je condamne toute répression visant leur droit à s’exprimer librement. Mais je dois ajouter quelque chose de très important. D’abord, l’action politique devrait se développer à travers des propositions sérieuses pour solutionner les problèmes de la population et non pas par des Fatwas religieuses. Quant à la légalité ou non des actions et conduites contestées par les autorités, je pense que c’est à la justice de le déterminer.
Q : Qu’est ce qui pourrait vous rapprocher d’un parti comme Al Badil Al Hadari, et qu’est ce qui vous éloigne d’un parti comme le PJD ?
R : Personnellement je ne me sens proche ni d’Al Badil Al Hadari ni du PJD en raison tout simplement du référentiel religieux qu’ils invoquent, ce qui est, je le pense, une forme déloyale d’aborder l’action politique.
Q : Chez Al Badil Al Hadari, on respecte dit-on la laïcité, sans la partager bien sûr…
R : Nous revendiquons pour le Maroc la diversité de son identité islamique, amazigh, arabe, africaine, méditerranéenne. C’est un pays où la liberté de culte est garantie historiquement et constitutionnellement. Je ne veux pas être ‘’droitdelhommiste’’ outre mesure et discuter de l’article 18 de la déclaration universelle des droits humains, car il faut être réaliste et responsable. Sur fonds de la montée du fanatisme religieux, ce ne serait pas intelligent d’en rajouter, dans l’état actuel des choses, par ce qui risque d’être interprété comme un outrage à la spiritualité des personnes et des institutions. Ce qui ne nous empêche pas de dire, en toute clarté, que ce n’est pas le degré de piété qui fait forcément le bon citoyen. Je reproche au PJD, et à la politique islamiste en général, ce discours religieux qu’on met en avant à base de slogans, pour chercher à arriver au pouvoir. C’est anti-démocratique, dès lors qu’on n’est pas clair dans son projet, et que l’on cherche à emprunter la voie de la démocratie et des u
es pour imposer un modèle d’une toute autre nature.
Q : Le PJD est donné favori par des sondages. Selon le de
ier, réalisé à sa propre commande, il obtiendrait 40% des sièges…
R : Il est temps à mon avis que les sondages fassent l’objet d’une attention sérieuse, pour être, ne fut-ce que relativement, crédibles conformément aux normes mondialement approuvées en cette matière. Or il n’est pas établi que tous les sondages qu’on n’a pas cessé de nous balancer, aux Marocains que nous sommes, aient été réalisés selon les critères objectifs de rigueur. Quoi que, du de
ier sondage rendu public par le ministère de l’intérieur, je pense que le pourcentage des indécis, 56%, est peut-être l’unique élément qui semble le plus proche de la réalité. Ce qui veut dire que pour la campagne électorale, il y a du pain sur la planche. Mais les citoyens de 2007 ne sont plus les mêmes que ceux de 2002. Je pense que les gens sont de plus en plus avertis et exigeants, et qu’ils ne se laisseront duper cette fois-ci, ni par les discours «rouillés», ni par les slogans démagogiques. Il faut inspirer l’optimisme et la confiance en l’avenir. Non pas par les promesses à la tout va, et les programmes-types qui donnent cette impression genre : « Comment apprendre à présenter un programme électoral en 5 jours », mais par une vision pragmatique, s’appuyant sur un diagnostic de fond, et offrant des solutions innovantes et efficaces aux problèmes prioritaires de la société marocaine.
Q : Un mot pour terminer sur l’association Touiza que vous présidez et la candidature de Tanger à l’expo 2012 ?
R : Je travaille dans cette association, motivé évidemment par mes propres origines, conscient de la marginalisation et de l’injustice que la langue, la culture, voire l’identité amazigh ont subies. Je suis doublement enthousiaste du fait que le PSU se préoccupe de cette question. En tant que président de Touiza, j’ai assisté à toutes les réunions d’information et de soutien relatives à la candidature de Tanger pour l’Expo 2012. La mobilisation de la société tangéroise, malgré toutes les remarques qu’on puisse formuler, reste remarquable. Espérons que la chance sera de notre côté. Espérons aussi que l’on puisse récupérer cet élan général et solidaire pour d’autres causes à caractère social dans l’avenir.
Entretien réalisé par
ABDEL ILAH ABBAD
abbadabdel@gmail.com