Entretien avec le secrétaire de la section Tanger-Médina du Parti de l’Istiqlal JAMAL BAKHAT
Secrétaire de la section Tanger – Médina de son parti, le Dr Jamal Bakhat est actuellement Médecin chef du centre médico-légal, et chef de la division d’hygiène et contrôle sanitaire de la ville de Tanger.
Né à Tanger en 1963, Jamal Bakhat est titulaire d’un doctorat en médecine de la Faculté de médecine de l’Université Mohamed V de Rabat, d’un CES en médecine légale de la Faculté de médecine de l’Université Hassan II de Aïn Chok, diplômé en médecine catastrophe et en médecine du sport. Il est aussi président des œuvres sociales de la Commune urbaine de Tanger.
Jamal Bakhat est marié et père de trois enfants.

• L’occasion des élections est souvent source de mécontentements, surtout lorsque des personnages, comme dans bien des partis marocains, sont parachutés
• Il y a un critère qui ne figure pas dans le système de notation, relevant de la conscience du militant, de son engagement et de ses convictions personnelles
• Nous n’avons pas attendu la nouvelle loi sur les partis politiques et les quotas des femmes pour que la femme ait sa place
• Le PI n’a pas l’habitude de mentir au peuple marocain. Dans l’équipe Jettou, les jeunes ministres de notre parti ont tous brillé par leur dynamisme.
• Personne ne peut nier que l’affaire Annajat a été une grande escroquerie qui a fait énormément de dégâts.
• Volonté royale et action gouve
ementale s’inscrivent dans une complémentarité harmonieuse dont les retombées positives sont là.
• Il n’y a aucun mal, je le pense, à aspirer à ce que l’indépendance de notre justice soit renforcée.
• Si les élections sont libres et transparentes, je suis certain que le PI aura le plus grand nombre de sièges.
• Ce sont nos moyens humains, nos militants qui font notre force.
• Boycott : c’est en prenant le train de cette démocratisation en marche qu’on peut faire changer les choses et non pas en restant sur le quai.
NB : Les lecteurs bilingues auront remarqué que ces entretiens sont traduits ultérieurement dans la partie arabe du Jou
al de Tanger : un effort appréciable signé Achraf Laâroussi qui soumet la traduction aux invités interviewés. Ceux-ci peuvent apporter parfois des précisions ou illustrations nouvelles, ou mises à jour, ne figurant pas dans le texte d’origine. D’où l’intérêt de relire la version arabe qui est actualisée par les responsables des partis interviewés à la lumière des nouvelles données éventuelles et qui peut se révéler fort instructive.
ENTRETIEN :
Q : Une commission nationale de votre parti devait examiner le week-end de
ier la question des candidatures pour les élections du 7 septembre. Qu’en est-il de cette fameuse fiche de notation? L’avez-vous adoptée ici à Tanger ?
R : Laissez-moi tout d’abord rappeler l’objectif de cette décision, qui va dans le sens de la démocratisation inte
e du parti, où l’ambition de tous les militants est reconnue comme légitime. L’occasion des élections est souvent source de mécontentements, surtout lorsque des personnages, comme dans bien des partis marocains, sont parachutés, tandis que les militants, non seulement restent sur la touche, mais ont parfois l’obligation de soutenir et de faire campagne pour les nouveaux venus. Donc le PI a décidé de laisser le soin à ses représentations locales de recueillir les candidatures par le biais d’un système de notation, tenant en compte les critères de l’âge, la présence effective dans les sections ou les organes du parti, l’ancienneté dans les structures, les diplômes, les activités au sein du parti ou dans le cadre de la société civile…Je peux vous dire qu’il y a une douzaine de sollicitudes qui ont été présentées pour la circonscription de Tanger-Assilah. Elles sont étudiées par une Commission qui aura le de
ier mot. Il s’agit d’une commission mixte, composée de membres du Conseil national et du Comité central.
Q : Êtes vous candidat vous-même à l’accréditation ?
R : Non.
Q : Pourquoi pas ? N’avez-vous pas le bon profil ?
R : Je pense que la question du profil n’est pas suffisante. Ce ne sont pas d’ailleurs les compétences qui manquent dans notre parti. Il y a un critère qui ne figure pas dans le système de notation, relevant de la conscience du militant, de son engagement et de ses convictions personnelles. Il faut qu’il sache, lorsqu’il prétend à cette candidature, qu’il devient porteur d’une responsabilité lourde et délicate : celle de représenter ses concitoyens au parlement de la nation. Une responsabilité qui suppose, s’il gagne les élections, plus de sacrifices et de disponibilité vis-à-vis de l’institution et des électeurs.
Q : Un nom revient ces de
iers temps sur la scène tangéroise, celui de Abdeslam Arbaïne. Aurait-il présenté une sollicitude d’accréditation lui aussi ?
R : Monsieur Abdeslam Arbaïne est un militant qui jouit de beaucoup d’estime et de considération au sein du parti, eu égard à son important parcours politique. Il est aujourd’hui président de la Chambre de commerce de Tanger. Ce parcours lui a valu aussi une grande popularité parmi ses concitoyens. Je pense que, s’il manifeste sa volonté de se présenter, il aura de toute évidence le large appui dû à sa stature.
Q : Le secrétaire général de votre parti, Abbas El Fassi, remplira-t-il sa fiche comme tout le monde ? S’il se représente à Larache, ne risque-t-il pas, une fois de plus, de heurter la sensibilité de Abdellah Bakkali ?
R : En sa qualité de secrétaire général du PI, je suis certain que M. Abbas El Fassi ne peut en principe que donner l’exemple, en présentant sa sollicitude comme tout le monde. Quant à sa candidature à Larache, si elle se produit, je ne crois pas qu’elle susciterait le moindre problème avec le grand militant Abdellah Bakkali, secrétaire général de la Jeunesse istiqlalienne. Bien au contraire. Celui-ci sera le premier à lui apporter son appui, j’en suis convaincu. Les militants du PI, comme tout le monde, peuvent avoir des différences de points de vue, discuter ensemble, et même hausser le ton parfois. Mais ils sont disciplinés dès qu’il s’agit de décisions prises et adoptées. Ces décisions les engagent au-delà de leurs ambitions personnelles, aussi légitimes soient-elles, car elles relèvent de l’intérêt général.
Q : Qu’en est-il pour la liste nationale des femmes ? Allez vous reconduire les mêmes figures de 2002 ?
R : Au sein du PI, la femme marocaine a toujours eu sa place, avant même l’indépendance du Maroc. Et nous n’avons pas attendu la nouvelle loi sur les partis politiques et les quotas des femmes pour que la femme ait sa place. Lors du de
ier congrès extraordinaire, la femme a eu une présence suffisamment forte pour être dans toutes les structures. Pour ce qui est de la liste nationale, ladite commission mixte tranchera aussi. Je pense que certaines militantes pourront être reconduites, mais que de nouvelles figures émergeront probablement de cet élan de rajeunissement qui anime le parti.
Q : Le PI est l’une des composantes de la majorité sortante et du gouve
ement Jettou. Il est normal donc qu’il donne le bilan de sa participation à cette équipe. Comment évaluera-t-il la contribution de ses ministres lors de la campagne électorale ?
R : Effectivement, la campagne mettra en avant les performances de l’exercice actuel, mais aussi les lacunes. Le PI n’a pas l’habitude de mentir au peuple marocain. Dans l’équipe Jettou, les jeunes ministres de notre parti ont tous brillé par leur dynamisme. Que ce soit Ghallab à l’équipement avec les grands chantiers engagés, Diouri au tourisme avec les nombreuses zones d’aménagement de villages touristiques, ou encore Hjira sur le plan du logement et de la lutte contre l’habitat insalubre.
Q : Pourtant Taoufik Hjira a été hué par la foule à douar Laaskar à Fès…
R : On ne peut pas plaire à tout le monde quand on gouve
e, car il y a toujours des mécontents. Il faut accepter la critique lorsqu’elle est objective, bien fondée. L’incident anecdotique auquel vous faîtes référence ne devrait cependant pas détou
er l’attention du bilan hautement positif dans son ensemble, de M.Hjira, qui s’est investi corps et âme dans la politique de lutte contre l’habitat insalubre, de la restructuration des quartiers, du logement social…
Q : À sidi Moumen, on a vu que rien n’a été fait entre le 16 mai 2003 et le 11 mars 2007…
R : Il y a plusieurs Sidi Moumen au Maroc. Et je ne vous apprendrai rien en vous disant que dans les politiques de ce genre, il y a un agenda, des priorités…etc. Il n’y a pas de baguette magique qui puisse tout changer d’un seul coup.
Q : Mais nous savons que ce n’est qu’après le discours royal du 20 août que l’alarme avait été donnée pour ce qui est de la lutte contre l’habitat insalubre. De la même manière que pour les grands projets, que ce soit au niveau de l’équipement ou du développement des infrastructures touristiques, c’est le roi en personne, avec son équipe de collaborateurs, qui supervise les chantiers… Vos ministres ne peuvent pas s’attribuer l’honneur de ces réalisations.
R : Il est évident que la volonté royale est derrière tous ces chantiers. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais il est faux de croire que tout ce qui s’est fait ou qui est en train de se réaliser n’implique pas le gouve
ement. Car il y a systématiquement une concertation avec le gouve
ement, toutes composantes comprises, pour traduire la volonté royale en actions concrètes, aboutissant à des résultats. Volonté royale et action gouve
ementale s’inscrivent donc dans une complémentarité harmonieuse dont les résultats sont là.
Q : Votre secrétaire général est présent dans le gouve
ement sortant, comme ministre d’état sans portefeuille, après avoir été ministre de l’emploi sous le gouve
ement antérieur. À ce de
ier titre, il a été très critiqué pour l’affaire Annajat, au point que plusieurs voix ont demandé sa démission.
R : Personne ne peut nier que l’affaire Annajat a été une grande escroquerie qui a fait énormément de dégâts. Mais malheureusement, plusieurs critiques et ‘’pseudo analyses’’ étaient de mauvaise foi et visaient particulièrement la personne de M. Abbas El Fassi, pour nuire à son image, et à travers lui au PI. La responsabilité incombait au gouve
ement, avec à sa tête l’ancien premier ministre (El Youssoufi). Elle incombait aussi au ministre de l’intérieur (Jettou) et au ministre des affaires étrangères (Benaïssa). La responsabilité était donc partagée et il est injuste de la faire assumer entièrement à un seul homme. M Abbas El Fassi a eu d’ailleurs plusieurs occasions de s’expliquer en long et en large sur ce sujet, même au cours de grands meetings populaires.
Q : Dans l’actualité, les polémiques qui opposent Abbas El Fassi au ministre de la justice Bouzoubaâ, par déclarations médiatiques interposées, donnent une idée sur la détérioration des rapports au sein de l’alliance gouve
ementale actuelle.
R : En tant que médecin légiste, responsable du centre médico-légal de Tanger, j’ai des rapports quotidiens avec la Justice. Je vous assure que je vois tous les jours des personnes probes, intègres, respectueuses des lois et soucieuses de l’équité. Ce serait malhonnête de ne pas l’admettre. Mais comme partout, il y a des ‘’brebis galeuses’’. Pas seulement au Maroc, partout dans le monde. Mais je ne pense pas que ces sorties médiatiques, auxquelles vous faîtes allusion, soient à même de rompre les liens solides qui nous unissent avec nos alliés de l’USFP au sein de la Koutla. C’est un nuage passager qui est d’ailleurs déjà en train de se dissiper. Je suis certain qu’au fond, les deux hommes, malgré leurs divergences conjoncturelles, se respectent mutuellement. Ceci étant, il n’y a aucun mal, je le pense, à aspirer à ce que l’indépendance de notre justice soit renforcée.
Q : Comment entrevoyez-vous le paysage politique national à l’horizon post-électoral. Des sondages avancent le PJD comme vainqueur des prochaines législatives. Qu’en pensez-vous ?
R : Il est encore trop tôt à mon sens, pour s’aventurer, dans ce genre de pronostics, surtout lorsqu’on sait que ces sondages d’opinion ont une crédibilité très relative. Ce n’est pas moi qui vous apprendrai que le PI est l’un des plus grands partis du Maroc. Notre parti a une présence importante dans le monde rural où le PJD par contre est pratiquement inexistant. Nos structures couvrent l’ensemble du territoire national de Tanger à Lagouira. Si les élections sont libres et transparentes, je suis certain que le PI aura le plus grand nombre de sièges. C’est vous dire que nous ne sommes pas un parti de circonstances et d’occasions.
Q : Un parti aussi qu’on dit très riche avec beaucoup de moyens.
R : Notre plus grande richesse, ce sont nos militants. Nous ne sommes pas un parti né de la de
ière pluie, tout le monde le sait. Nos ressources sont ce qu’elles sont et c’est une bonne gestion de ces ressources qui permet de les rentabiliser. Mais je réitère que ce sont nos moyens humains, nos militants qui font notre force.
Q : Que faut-il faire, selon vous, pour que la participation soit plus significative en septembre prochain ?
R : L’unique manière d’intéresser les électeurs, c’est d’abord la transparence. Il faut que les gens récupèrent la confiance perdue. L’argent sale a tué l’intérêt des citoyens. On devrait les réconcilier avec les institutions en récupérant la crédibilité perdue. Ceux qui continuent à monnayer leur vote doivent être conscients que ceux qui achètent leur voix cherchent leurs intérêts personnels et qu’une fois élus, ils leur tou
eront le dos.
Q : Quelle incidence auront d’après vous les appels au boycott d’Al Adl Wal Ihssane et d’Annahj Addimokrati sur la participation au prochain scrutin ? Et que pensez-vous du bras de fer entre la Jamaâ islamiste et les autorités ?
R : D’abord, en tant que personne respectueuse du droit d’expression pour tout le monde, j’estime que ces deux formations ont le droit de dire ce qu’elles pensent, même si je suis loin de partager leurs idéologies respectives. Mais je ne pense pas que leur appel au boycott aura un impact important, car les gens sont conscients de l’enjeu de la participation au processus de démocratisation du pays. C’est en prenant le train de cette démocratisation en marche qu’on peut faire changer les choses, et non pas en restant sur le quai. Pour ce qui est de la Jamaâ, je dois dire que je suis contre tout harcèlement autoritariste, que ce soit avec ces gens là ou avec d’autres. Mais je dois dire aussi qu’il y a des lois qui régissent l’activité associative et partisane: le Dahir de 1958 avec les modifications qui y ont été apportées. C’est un acquis, il faut l’admettre, même si nous demeurons exigeants en matière des libertés publiques. Mais si les lois existent, c’est pour être respectées.
Q : Sur quoi insisterez-vous lors de la campagne électorale, particulièrement ici à Tanger ?
R : D’abord sur les grands problèmes du pays. Les questions du développement économique et social, l’éducation, l’emploi, la santé…À Tanger, l’accent sera mis sur le développement humain. Des pas importants ont été franchis en matière de mise à niveau de la ville qui s’en trouve métamorphosée. Il faut agir dans le sens de la mise à niveau de l’élément humain qui est incontou
able dans toute politique de développement durable.
Q : Je crois que je n’ai pas besoin de vous demander, pour conclure, si vous soutenez la candidature de Tanger pour abriter l’Expo 2012.
R : Absolument. Le PI, avec toutes ses composantes, appuie cette candidature, car l’événement aura d’excellentes retombées sur tous les plans. Sauf qu’il est important, à mon sens, de se tou
er un peu vers les quartiers périphériques et les classes défavorisées pour harmoniser la mise à niveau enclenchée.
Entretien réalisé par
ABDEL ILAH ABBAD
abbadabdel@gmail.com