Mohamed Lagraini : Penseur juridique spécialisé en sciences criminelles
Episode 1 : La vérité réelle et juridique de la cybercriminalité.
Il est notoirement connu que l’humanité connaît actuellement des progrès inédits en matière de la technologie d’information et des réseaux de communication par internet. En fait, cette technologie a été créée pour être un moyen de bien-être de l’humanité et pour faciliter l’échange des données et de l’information à large portée.
Cependant, au fil des temps et dans l’absence des normes législatives qui fixent les règles régissant l’usage de l’internet, des personnes ont eu recours à un mauvais usage de cette technologie en l’utilisant à des fins qui ne sont pas conforme avec les principes de la loi et de l’ordre public. Ceci a abouti à l’apparition de nouveaux actes criminels. Il s’agit des cybercrimes qui constituent une menace dangereuse pour la stabilité des personnes et des communautés.
L’avènement de ce dangereux type de crime a accompagné les transformations continues qui marquent la technologie de l’informatique et le domaine des systèmes de traitement automatisé des données. De ce fait, certains concepts du crime ont changé aussi bien sur la forme qu’au fond. Les nouveaux crimes se diffèrent des crimes classiques sur le point de l’environnement ou des personnes (acteur et victime). Ces actes criminels peuvent porter atteinte aux établissements et systèmes de l’État[1].
A cet effet, la communauté internationale s’est précipitée pour renforcer ses efforts dans le but de mettre un terme aux dommages causés par le cybercrime aussi bien au niveau provincial qu’au niveau international, pour traiter les problématiques juridiques, sociales, économiques, politiques, etc.., dont en particulier la capacité des législations nationale et internationale à cerner ce nouveau phénomène, en l’occurrence les infractions liées au monde numérique virtuel (ou cyberspace).
Le cybercrime figure parmi les phénomènes sociaux les plus dangereux qui se sont manifestés nettement vers la fin du 20ème siècle et le début du 21ème siècle. Il se réalise à l’aide de la nouvelle technologie de communication et de la toile d’araignée.
En fait, le cybercrime constitue un problème social récent qui menace la stabilité et la sécurité de la société et des particuliers. Il concerne exclusivement les sociétés contemporaines du moment que ces dernières se distinguent par rapport aux sociétés anciennes par un énorme progrès scientifique dans divers domaines : industriel, économique, social, politique, juridique… que les civilisations anciennes n’ont pas connu.
Par conséquent, sur le plan du fait et du droit, il était évident que les politiques pénales modernes, dont la politique pénale marocaine, s’orientent vers la protection et la lutte contre tous les actes susceptibles de créer un climat d’instabilité au sein de la société[2], y compris l’atteinte à l’intégrité des données personnelles via ce qu’on appelle les toiles d’araignée. D’une part, elles sensibilisent sur le danger de tels crimes récemment créés et, d’autre part, instaurent un ensemble de règles juridiques
pénales dans l’espoir de lutter contre le cybercrime et de mettre un terme à ses effets.
Sur le plan de la coopération internationale, concernant la lutte contre les crimes d’une manière générale et le cybercrime en particulier, plusieurs conventions internationales ont été ratifiées dont la Convention de Budapest de 2001 qui contient plusieurs principes procéduraux et thématiques fixés pour faire face aux infractions récemment créées. Cette convention a été ratifiée par le Maroc en 2014[1]. La Convention Arabe sur la lutte contre les cybercrimes signée au Caire en 2010 a été également ratifiée par le Maroc en vertu de la loi 75.12 du 13 mars 2013.
Outre son désir d’exprimer son appartenance à la communauté internationale à l’instar de la plupart des systèmes juridiques pénaux contemporains par la ratification des conventions internationales, le législateur pénal marocain a œuvré pour améliorer l’arsenal juridique national qui consiste à criminaliser les actes portant atteinte au système du traitement automatisé de données. Aussi a-t-il adopté en 2003 la loi 07.03 concernant les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé de données qui prévoit des dispositions répressives contre tout acte susceptible de perturber le fonctionnement habituel des systèmes du traitement automatisé de données.
Dans le but de protéger l’espace numérique, le législateur pénal marocain ne se limitait pas à la loi 07.03 concernant les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé de données, mais il s’est hâté d’adopter des lois pénales parallèles qui régissent les transactions digitales telles la loi 53.05 relative à l’échange électronique de données juridiques du 30 novembre 2007, puis la loi 09.08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel du 18 février 2009, en passant par la loi 31.08 édictant des mesures de protection du consommateur, publié au Bulletin officiel numéro 5932 le 07 avril 2011. Cette loi assure une protection juridique au consommateur faisant usage des moyens électroniques.
Les législations pénales se succédaient telle la loi 05.20 relative à la cybersécurité du 04 Dou Hijja 1441 de l’hégire, correspondant au 25 juillet 2020[2], qui vise à protéger les systèmes d’information spécifiques aux établissements, exploitants
des réseaux et fournisseurs et prestataires de services de l’internet, ainsi que les prestataires de services de communication dans le cadre de ce qu’on appelle « la cybersécurité ».
Ensuite, vient la loi 43.20 relative aux services de confiance pour les transactions électroniques qui a été promulguée par dahir n°1.20.100 du 16 Joumada I 1442 de l’hégire, correspondant au 31 décembre 2020, et publiée au Bulletin officiel n°6951 le 11 janvier 2021.
Aussi l’intervention législative au Maroc devient-elle un moyen important pour la protection des usagers des systèmes d’information, aussi bien pour les personnes physiques que pour les personnes morales ou followers, correspondants, opérateurs ou autres. Cette intervention figure parmi les plus importants mécanismes de la politique pénale rationnelle dans le but de lutter contre la cybercriminalité. A cet effet, plusieurs chercheurs en matière de droit considèrent que l’adoption des «lois spécifiques à l’internet » constitue généralement une priorité pour le législateur pénal tant que l’intelligence technologique et numérique est en développement continue, d’où la nécessité d’un système juridique efficace qui accompagnera ces développements et répondra à tous les changements qui pourraient apparaître à l’époque de la cybercriminalité[1].
(Dans le prochain épisode, nous passerons en revue le contexte historique de la cybercriminalité avant de traiter la définition du cybercrime).
[1] En l’occurrence le crime terroriste
[2] Dans ce contexte, le législateur pénal marocain dispose dans l’article premier du Code pénal ce qui suit : « La loi pénale détermine et constitue en infractions les faits de l’homme qui, à raison du trouble social qu’ils provoquent, justifient l’application à leur auteur de peines ou de mesures de sûreté ».
[3] Dahir n° 1.14.85 du 12 Rajab 1435 (12 mai 2004) portant promulgation de la loi n°136.12 approuvant la Convention sur la cybercriminalité, signée à Budapest le 23 novembre 2001, et le Protocole additionnel à ladite Convention, signé à Strasbourg le 28 janvier 2003.
[4] Voir le Bulletin Officiel n° 6904 – 9 Dhou al-Hijja 1441 de l’hégire (30 juillet 2020).
[5]Article numérique intitulé «قراءة في قانون 05.20 المتعلق بالأمن السيبراني» (Lecture de la loi 05.20 relative à la cybersécurité), rédigé par TouhamiZarouki, publié sur le site Al-Bahit Al-Qanouni le 20 mai 2021, via le lien suivant : https://www.allbahit.com/2021/05/0520.html »