Européenne d’influence au service de la Nation France
Je suis Lyonnaise et j’ai quitté cette ville quand j’avais 22 ans. J’ai donc passé une grande partie de ma vie à Paris pour les études et mon métier. Mais je suis plutôt Francilienne (Ile de France), je vis dans les Yvelines, à Maison Lafitte, je suis dans ce qui devient le Grand Paris. Mes trois enfants sont universitaires, dans la capitale.
Doit-on vous appeler Madame la Consule ou bien Madame la Consule Générale?
Madame la Consule générale. Il y a deux niveaux dans les consulats. Et Tanger avec Agadir a été élevé Consulat général il y a quelques années. C’est en fonction de la visibilité que l’on veut donner et aussi en fonction de l’importance du territoire.
Vous êtes diplomate de carrière et Tanger est votre première mission à l’étranger?
C’est ma première mission de terrain. Je suis entrée au Quai d’Orsay en 1987. Et c’est effectivement ma première expatriation. Pour des raisons personnelles je ne pouvais pas bouger jusqu’à ces de
ières années. J’ai par contre beaucoup bougé dans mon administration, ce qu’on appelle la mobilité fonctionnelle, je ne me suis donc jamais ennuyée et j’ai eu le sentiment de progresser. Il est vrai que quand on choisit cette administration c’est pour partir, quand on ne peut pas le faire, il faut apprécier des fonctions motivantes qui vous font connaitre la maison que l’on sert et travailler sur des sujets de la diplomatie. Notamment, le sujet influence.
Votre de
ière fonction était dans cet univers de l’influence?
Je m’occupais de la mission des fonctionnaires inte
ationaux en charge de la promotion de la France dans les institutions, organisations bilatérales et Européennes. Sur quelles fonctions devons-nous être présents, sur quelles disciplines, à quels niveaux de responsabilité, telles étaient les enjeux à évaluer pour adapter la présence des représentants de la France. Dans l’intérêt de notre pays, de son positionnement, de sa capacité à influer, dans les secteurs politiques notamment afin de placer l’expertise française, l’influence en fait c’est de l’expertise. Nous pratiquions un accompagnement, et j’ai fait de très belles rencontres de jeunes gens qui iront loin parce qu’ils ont une intelligence et un tempérament qui dépasse les craintes.
Arrive le moment où vous êtes prête pour une mission à l’étranger, vous aviez formulé une liste de destinations?
J’avais formulé des vœux essentiellement dans des villes du Maghreb. J’avais pu apprécier cette région dans le cadre de mes fonctions précédentes. Je n’avais pas choisi Tanger car le poste n’était pas disponible, mon prédécesseur était au milieu de sa mission et d’un coup, le poste s’est libéré et j’ai dit oui tout de suite. Aucun regret, je suis ravie.
Vous connaissez maintenant la petite communauté française locale?
La circonscription du consulat s’étend très loin jusqu’à Nador, c’est donc pour moi une occasion enrichissante de parcourir et de connaitre le Nord du royaume. Les deux grandes fonctions du consulat sont, le suivi de notre communauté avec les services état civil, avec un fonctionnement que l’on peut comparer à une petite mairie, avec un volet social. L’autre domaine c’est la délivrance des visas pour faciliter la fluidité des mouvements entre les deux pays. Et puis, sous la direction de l’ambassadeur, j’interviens aussi dans une mission d’influence. A Tanger nous sommes au cœur de la diplomatie économique, politique, culturelle parfois. C’est la volonté du Ministre de voir sous l’autorité des Ambassadeurs les Consuls généraux satisfaire à cette mission, que je connais pour l’avoir pratiquée comme je vous l’ai précisé. C’est un rôle de facilitateur en fait entre un interlocuteur en France et les Marocains.
Des partenariats anciens sont actifs entre la Région PACA et le Nord du Maroc, vous intervenez dans ces échanges?
Il est vrai que des accords de coopération sont tissés depuis de nombreuses années. Il y a deux petites semaines, un colloque sur les risques naturels s’est tenu, rassemblant des intervenants des deux rives de la Méditerranée, j’y étais. Des interventions très précises et importantes ont été partagées sur comment informer les populations de ces risques. J’étais dans mon rôle du devoir de protection que nous devons à nos compatriotes an cas de crise. Nous avons un plan de sécurité qui nous permet d’intervenir en cas de difficultés. Et le risque premier dans cette région est de l’ordre sismique et d’inondation qui peut impacter notre communauté. Nous devons donc être parfaitement informés afin d’être réactifs rapidement.
Vous avez lu le rapport du Président Vauzelle, Président de PACA qui est un optimiste de l’union des pays méditerranéens.
Quelle est votre regard?
Je suis très optimiste aussi. Le Bassin méditerranée est une réalité, nous avons une histoire commune, des valeurs communes, et il y a des enjeux communs. Je rejoins complètement le Président Vauzelle sur la priorité formation professionnelle des jeunes. C’est un très joli sujet. Ici au Maroc il y a des exemples à suivre, par exemple le centre de formation qui jouxte l’usine Renault. Ce centre dont le but premier était de former les futurs employés de la marque automobile est aujourd’hui, alors que le recrutement est dans un rythme normal, un centre qui va ouvrir sur des formations d’autres secteurs que l’automobile. On y remarque le dynamisme des formateurs et le plaisir dans le transfert de la connaissance. La formation des jeunes, c’est une banalité mais c’est l‘avenir.
Vous, spécialiste de l’influence, vous constatez la fierté des jeunes formés ?
Quand on regarde les étudiants qui sont allés dans les écoles ou les universités françaises, ils construisent une relation entre les deux pays très forte, vigoureuse, animée par tous. Ils sont fermement francophones et francophiles. On peut parler d’attractivité car nous nous comprenons. C’est très important et nous avons beaucoup travaillé sur la manière de faciliter la mobilité étudiante, dans le respect bien sûr des règles de délivrance des visas. Depuis quelque temps nous délivrons des visas de circulation aux jeunes Marocains qui sont diplômés d’une structure française. C’est la manière de maintenir ce lien fort entre les deux pays.
Vous pensez que les jeunes Marocains ont encore le désir fort d’apprendre la langue française?
Je prends pour exemple, la coopération entre les lycées Regnault et Moulay Youssef, il y a un réel désir d’apprendre le français, un engouement des jeunes satisfaisant. Par ailleurs, lors de mes visites à Nador, A Al Hoceima ou Tétouan, j’ai collecté des demandes d’aides pour faciliter l’enseignement da la langue. Il y a donc une attente. Il y a des dispositifs peu coûteux et performants qui peuvent répondre aux attentes, nous les soutenons dans la mesure de nos possibilités.
Cette année, le consulat a ouvert ses portes aux citoyens français appelés aux u
es pour les élections européennes ? Il y a eu foule?
Nous avons eu un taux de participation satisfaisant de 25%. Nous avons pu accueillir des Marocains naturalisés Français qui venaient voter pour la première fois, ce furent des moments de rencontres très chaleureuses, animés qu’ils étaient d’un élan de citoyenneté française avec une participation à la démocratie dans un scrutin qui désigne des représentants à l’Union Européenne.
Vous-même, êtes une européenne convaincue, vous accueillez l’Ambassadeur d’Allemagne et le Consul d’Espagne dans le cadre du ve
issage d’une exposition à l’Institut Cervantes.
L’ambassadeur d’Allemagne m’a effectivement demandé d’occuper le parc du consulat pour la réception qu’il souhaitait organiser à la suite du ve
issage de l’exposition, de l’autre coté de la rue. Cette année est l’année du centenaire da la guerre de 1914, les 70 ans de la fin de l’occupation de la France, c’est une initiative pour moi évidente, d’accueillir positivement sa demande en temps que diplomate et Européenne, dans le cadre de l’amitié franco-allemande et franco-espagnole. Le fait que ce soit l’Ambassadeur qui reçoive dans un coin de la France, c’est un symbole de convivialité et de partage. Je suis active dans toutes les manifestations de décloisonnement, c’est un combat permanent chez moi de faire tomber les barrières.
Vous préparez le 14 juillet, la fête nationale dans le jardin du consulat?
Comme l’an de
ier, nous serons dans le Ramadan, nous organisons donc la fête en fin de jou
ée. Je ne peux pas vous en dire plus car il y aura quelques surprises. C’est une fête de rassemblement et avec l’équipe du consulat nous avons fait en sorte que nos invités soient dans un moment de partage convivial et festif…..Nous célèbrerons avec ceux qui nous accueillent la fête de la République française.
Vous n’avez jamais ressenti du coté des Marocains le sentiment de subir une nouvelle colonisation de la part des Français.
Les Français qui sont ici ne le sont pas en colonisateurs mais en partenaires et amis. Personne n’ignore le fait que nous sommes chaleureusement accueillis. Personnellement je n’ai rien entendu de pareil. Je reste persuadée qu’il y a une très bonne cohabitation sincère. Tous, comme moi, pensent en permanence que nous avons une grande chance de vivre dans ce pays et à Tanger en particulier. C’est un vrai confort pour moi de pouvoir faire mon travail de façon sereine, dans un respect mutuel.
Vous n’avez jamais eu l’envie de refaire la valise pour repartir, pas d’attaque dépressive?
Non, vraiment non ! Je peux accueillir ma famille dans une demeure de caractère entourée d’une végétation superbe. J’ai 28 ans de maison, vous avez compris que j’étais mure et préparée pour une mission de terrain et sincèrement avec l’équipe du consulat, nous travaillons avec la fierté de servir notre pays dans un endroit magnifique. Je me sens agent publique, j’ai le sens en moi de l’intérêt général et ici, je peux l’exprimer pleinement.
Propos recueillis par NM