par le Docteur Abdelhak Bakhat
Les années scolaire et universitaire 2021-2022 ont pratiquement démarré simultanément avec le nouveau gouvernement et le nouveau parlement. C’est donc une nouvelle expérience qu’on s’apprêtait à vivre sous la houlette de deux nouveaux ministres : Chakib Benmoussa, pour
l’Education nationale, le Préscolaire et les Sports, et Abdellatif Miraoui pour l’Enseignement supérieur, la Recherche scientifique et l’Innovation
On espère donc percevoir l’école marocaine sous de nouveaux auspices, rompant avec les politiques antérieures de gestion, sinon en ce qui concerne les infrastructures dont certaines carences se transmettent de génération en génération pour, dit-on, une insuffisance de moyens pour faire face à de lourdes charges.
Et cela fait partie d’un ensemble complexe qui nécessite une profonde restructuration, comme c’est le cas pour département de la Santé.
D’ailleurs, au Maroc, les départements de l’Education et de la Santé ont, depuis toujours, été considérés comme les parents pauvres de l’Etat.
Concernant les cycles primaire et secondaire, l’année scolaire 2021-2022 s’est ouverte sur une déclaration prometteuse du ministre Benmoussa affirmant vouloir travailler à « l’amélioration de la qualité de l’enseignement primaire, afin de permettre aux élèves de mieux se faire former».
En attendant, la rentrée scolaire s’est annoncée, dès le début, sous haute tension, vu son report au 1er octobre avec un prolongement jusqu’au 8 juillet 2022 et bien au-delà pour les examens, ce qui a déplu aux parents d’élèves, notamment ceux envoyant leurs enfants dans des écoles privées, se voyant dans l’obligation de payer, aussi, la mensualité supplémentaire du mois de juillet, alors qu’ils avaient déjà payé inutilement pour le mois de septembre.
Le ministre Benmoussa s’est déclaré impuissant devant ce problème du fait de la Loi n°06.00 ne donnant à son département aucune possibilité d’intervenir afin de déterminer les taxes et frais applicables au secteur privé de l’enseignement.
La multiplication des écoles privées dont les frais d’inscription et de réinscription sont jugés trop élevés cette année par les familles et qui sont, en outre, dispensées de paiement de taxes, s’explique par les résultats de plusieurs études et rapports qui ont démontré la faiblesse des élèves de l’école publique dans plusieurs matières, notamment scientifiques et dans les langues étrangères.
Ceci a donné lieu à un fait nouveau positif : les élèves bénéficient, cette année, de cours de soutien gratuits prodigués par leurs établissements scolaires publics, à raison de deux heures par semaine et par matière. Une session de rattrapage est programmée entre les 15 et 19 juillet pour toutes les branches
Autre particularité, cette fois négative, de cette année scolaire : ce sont des milliers de cas positifs au coronavirus qui ont été détectés, provoquant la fermeture d’une centaine d’établissements scolaires à travers le pays.
En outre, la pandémie du Covid 19 a imposé l’adoption d’un mode d’enseignement exceptionnel : les élèves vaccinés se sont vu proposer un enseignement présentiel à 100%. En revanche, pour les non-vaccinés, ils devaient suivre un enseignement à distance, ce qui a encore déplu aux parents qui voulaient que leurs enfants suivent un enseignement présentiel, estimant que le niveau scolaire des élèves a énormément baissé au cours des deux dernières années. D’où l’engouement des parents à faire vacciner leurs enfants pour pouvoir suivre une année scolaire normale sans trop de perturbations liées à la persistance de la pandémie.
Autre constat déplorable : quelque 300 000 élèves quittent l’école chaque année, ce qui, selon le ministre Benmoussa, «affecte négativement les indicateurs de développement humain dans notre pays étant donné le lien étroit entre la réalité du système éducatif et la position du Maroc dans les rangs du développement humain, en général ».
Comme solution d’urgence, le ministre annone que son département travaille pour réduire considérablement le phénomène de déperdition scolaire. Cela passe, dira-t-il, par la prise de plusieurs mesures fixées dans le Programme national de développement de l’Enseignement primaire.
D’autre part, le ministre Benmoussa affirme vouloir améliorer, voire réformer l’école publique, à travers divers mécanismes d’écoute et de rencontres communicatives avec les citoyens les impliquant dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une feuille de route 2022-2026 ayant pour finalité l’aboutissement à «une école de qualité pour tous », incluant des infrastructures modernisées offrant un cadre épanouissant.
Au niveau du développement du capital humain, le ministre souligne le rôle du corps enseignant, composante majeure de la transformation du système éducatif national. « A cet effet, la valorisation, la formation et l’engagement des enseignants constituent des axes majeurs du projet de feuille de route », dira-t-il.
Autre épine dans le pied de Benmoussa, celle du mouvement de grève prolongée de près de 25 000 enseignants dits « contractuels ».
Cela remonte à 2016, lorsque le gouvernement avait eu recours à la contractualisation pour combler le déficit en enseignants. Depuis lors, leur revendication est toujours la même : intégrer la fonction publique, au même titre que leurs collègues rattachés au ministère de l’Education nationale.
Si le ministre Benmoussa semble ouvert au dialogue, sa marge de manœuvre pourrait bien être limitée.
D’autre part, en raison de la conjoncture économique mondiale et de la flambée des prix du papier dans le marché international, les imprimeurs et les éditeurs nationaux annoncent une augmentation du prix des manuels scolaires.
Les problèmes propres à l’Enseignement supérieur se focalisent surtout sur l’incompatibilité de certaines formations universitaires avec les exigences du marché du travail, ce qui pousse des étudiants à décrocher au milieu de leur cursus à l’université.
Le marché de l’emploi évolue avec une cadence très rapide et ses besoins changent d’une année à l’autre exigeant des compétences spécifiques alors que l’on estime que les programmes éducatifs ne suivent pas en matière de formation de compétences humaines.
Selon le Haut-Commissariat au plan (HCP), le chômage touche 3,3 % des personnes n’ayant aucun diplôme, contre 16,7 % des diplômés. Souvent, ces derniers sont contraints d’accepter un poste en deçà de leur niveau d’éducation. Ce constat, à la fois paradoxal et inquiétant, interroge sur l’efficacité de l’enseignement et de la formation, ainsi que sur sa capacité à valoriser le potentiel humain, estiment des experts.
Le ministre Abdellatif Miraoui explique qu’il s’agit d’une des priorités du ministère, qui se traduit par la place centrale de l’étudiant au sein de la nouvelle vision stratégique que ce département met en œuvre dans le cadre du Plan national d’accélération de la transformation de l’écosystème de l’enseignement supérieur.
Cette année, un problème particulier et inattendu a surgi : celui des étudiants de retour de l’Ukraine en guerre. Ils sont au nombre de 7200 étudiants, dont 75 % poursuivant des études de Santé. La problématique de leur intégration au Maroc s’est posée principalement au niveau de la capacité d’accueil insuffisante dans les facultés nationales de médecine dentaire et de pharmacie. Le même problème s‘est posé, avec moins d’acuité, pour les facultés de médecine, les instituts d’ingénierie, les facultés et écoles d’économie et de gestion.
En outre, l’intégration des facultés marocaines très sélectives, est conditionnée par la réussite aux examens d’entrée, d’autant, dira le ministre Miraoui, que «Nous accueillons chaque année 1.000 médecins marocains diplômés de l’Ukraine. Ils passent deux années de stage et un examen d’habilité pour pouvoir disposer de l’équivalence de leurs diplômes».
Pour le ministre Abdellatif Miraoui, il existe des pistes de solutions permettent aux étudiants rentrés d’Ukraine la poursuite de leurs études des pays amis tels que la Roumanie, la Hongrie et la Bulgarie.
D’ailleurs, nombreux sont les étudiants qui auraient déjà rejoint des facultés relevant de l’Europe de l’Est.