Dimanche 26 juillet 2020. Fin d’après-midi.
A cette heure, des milliers d’estivants reviennent des plages qu’elles ont investies ce weekend, en réponse à la sollicitude du gouvernement de booster le tourisme national.
De très nombreuses familles ont ainsi quitté leur résidence habituelle pour se rendre loin, voire très loin, comme ces milliers de vacanciers qui ont rejoint pour quelques jours, la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima où ils occupent une résidence de vacances ou un hôtel.
Soudain, à 17 heures, un communiqué conjoint des ministères de la Santé et de l’Intérieur est rendu public, annonçant l’Interdiction de quitter ou de se rendre dans 8 villes à partir de ce même dimanche à minuit. Il s’agit de Tanger, Tétouan, Fès, Meknès, Casablanca, Berrechid, Settat et Marrakech.
Cette interdiction qui tombe comme une douche froide, entre en vigueur, sans aucun préavis, à quelques jours de l’Aïd Al Adha, est applicable le jour même et l’ultimatum prend fin au bout de quelques heures, c’est à dire à minuit. Du jamais vu !
Le communiqué des deux ministères appelle les citoyens au respect de ces nouvelles restrictions. Les contrevenants risquent des sanctions sévères prévues par la loi, précise-t-on, ajoutant que « Sont exclues de cette décision les personnes à besoins médicaux urgents, les personnes travaillant dans les secteurs public et privé munies d’ordres de mission délivrés par leurs responsables, à condition d’obtenir une autorisation spéciale de déplacement délivrée par les autorités locales. Cette interdiction ne s’applique pas, non plus, au transport de marchandises et des produits de base qui se déroule dans des conditions normales et fluides pour approvisionner les citoyens en leurs besoins quotidiens ».
Ainsi, les milliers de visiteurs répartis à travers le royaume avaient juste le temps de boucler leur valise en vitesse et de trouver un moyen de locomotion pour rentrer chez eux : voiture, autocar, train, taxi.
Tout cela semble relever d’une inexplicable improvisation. Du moins à première vue.
Mais, imaginons ce qui a bien pu se produire pour déclencher une pareille mesure–catastrophe ?
Logiquement, la décision de fermer plusieurs villes ne peut, certes, découler que d’une situation sanitaire alarmante présentant une réelle urgence. Ce n’est nullement contestable !
Ce qui intrigue, par contre, c’est la manière très limitée dans le temps et la précipitation avec lesquelles a été menée cette opération, aussi justifiée soit-elle.
Toujours est-il qu’un vent de panique s’est emparé des personnes tenues de rejoindre leur lieu de résidence, parfois situé à des centaines de kilomètres. Avant minuit.
Aussitôt, routes et autoroutes sont prises d’assaut. Des cohues d’automobilistes, des embouteillages, des bouchons, des accidents, des morts, des blessés et un désordre indescriptible sont signalés de toutes parts, à travers le royaume. Notamment à l’entrée et à la sortie des villes, et dans les stations de péage des autoroutes.
Des gares routières et ferroviaires, des stations de taxis et même des fiefs de transporteurs clandestins sont assaillis par des hordes de citoyens soucieux de regagner, à tout prix, leurs villes de résidence.
Le lendemain lundi 27 juillet, beaucoup de Marocains étaient encore sur les routes.
Tout cela à cause d’une improvisation déroutante ? Pourquoi ?
Nous savons, certes, que le gouvernement El Othmani ne fonctionne pas en équipe, et que plusieurs ministres ont affirmé ne pas être au courant de ces mesures, mais, cette fois, on a l’impression que l’Exécutif est englué dans des sables mouvants et qu’en essayant d’en sortir, il s’y enfonce davantage.
Sinon, qu’est-ce qui a bien pu conduire à cette précipitation ?
En fait, ce dimanche 26 juillet, le royaume a enregistré 633 nouveaux cas de coronavirus, portant à plus de 20 000 le nombre de personnes infectées dans le pays. Alors que les mesures de confinement avaient commencé à être assouplies, l’état d’urgence a été prolongé jusqu’au 10 août. Selon le chef du gouvernement Saad Eddine El Othmani, les Marocains n’ont pas assez respecté les gestes barrières.
On peut aussi admettre que cette fermeture intervient quelques jours avant l’Aïd Al-Adha, célébré le 31 juillet. On craint, en effet, que cette fête religieuse, sociale et affective qui est célébrée généralement en famille, puisse favoriser la propagation du Coronavirus dans des foyers familiaux. C’est pour cela, d’ailleurs, que les très nombreux salariés, dont des milliers de femmes travaillant dans les zones industrielles et zones franches à Tanger, ont été empêchés de quitter la ville.
Mais tout cela justifie-t-il cette hâte démesurée a qui engendré des drames et coûté la vie à certaines victimes des voyages précipités.
Quelques heures supplémentaires ou même un jour de plus n’auraient-ils pas facilité les choses ?
Pour ce qui est du rétablissement à la normale ou de l’allègement de la situation, aucune annonce officielle n’est faite jusqu’à présent.