Pourquoi un Nouveau Modèle de Développement ? Qu’est-ce qui va si mal chez nous qui puisse nécessiter un tel changement ?
Sujet d’actualité, le Nouveau Modèle de Développement qui est au cœur des débats et des espoirs, obéit à plusieurs considérations. Si le royaume a connu une période de réformes agressives, portées essentiellement par le Roi, selon une vision qui a permis d’aboutir à un développement rapide du pays durant les 20 dernières années, la mise en œuvre de nouveaux plans s’impose, aujourd’hui, afin de passer à la vitesse supérieure.
Dans son discours prononcé devant les membres des deux Chambres du Parlement à l’occasion de l’ouverture de la première session de la 2ème année législative de la 10ème législature, en octobre 2017, le Roi avait indiqué que : « Si le Maroc a réalisé des progrès manifestes, mondialement reconnus, le modèle de développement national, en revanche, s’avère aujourd’hui inapte à satisfaire les demandes pressantes et les besoins croissants des citoyens, à réduire les disparités catégorielles et les écarts territoriaux et à réaliser la justice sociale ».
C’est de là qu’est partie l’idée du « Nouveau Modèle de Développement » qui devrait constituer une délivrance pour tout Marocain, dans la mesure où ce plan aspire à être la solution aux diverses problématiques et aux maux structurels que le pays a dû traîner, depuis des années, dont notamment la faiblesse de la bonne gouvernance (corruption, économie de rente et conflit d’intérêt); l’absence de confiance des citoyens en les institutions et les instances élues, et le déséquilibre spatial entre les régions, entre autres.
A partir de là, on pouvait définir les critères de performances d’actions correctives, productives et durables à entreprendre et, ainsi tracer un benchmarking sur le nouveau modèle de développement inclusif, compétitif et intelligent permettant d’instaurer un système dont la portée retombera positivement sur l’ensemble de la population, à travers le respect des libertés et droits fondamentaux, la dignité humaine, une égalité des chances pour tous, l’accès à l’emploi, aux soins médicaux, à la scolarisation des enfants et à l’habitat social.
On pourrait ainsi rattraper, par ricochet, les retards sur les plans économique et social, et faire du Maroc un véritable pays émergent.
Le mal est profond et les membres de la commission ad hoc dont le rapport a été présenté au Roi, le 25 mai écoulé, avaient pour mission de tracer des pistes à suivre et proposer des solutions adaptées à l’amélioration du quotidien des Marocains, citadins et ruraux.
Nul doute donc que le nouveau modèle de développement ouvrira une étape permettant de réaliser les priorités économiques et sociales devant mettre le citoyen au cœur de l’équation. L’enjeu est d’opérer une véritable rupture avec les pratiques précédentes et de favoriser la convergence de politiques porteuses de changements favorables à une revalorisation du pays.
Majoritairement, le moral des couches de la société semble profondément atteint, d‘où la nécessité de s’accrocher à l’espoir de voir le « Nouveau Modèle de Développement » faire sortir le Maroc et les Marocains de ce douloureux statu quo, loin de tout clientélisme et des menus calculs politiques qui n’ont, jusqu’à présent, apporté aucune plus value probante pour le citoyen marocain, notamment celui situé à bas échelle qui se saigne de plus en plus pour garantir un niveau minimum d’éducation et de santé à ses enfants, sachant que, même si l’on considère que, selon les statistiques, le revenu moyen a augmenté, le pouvoir d’achat des Marocains baisse continuellement…ce qui ne se ressent évidemment pas chez la minorité de la couche privilégiée.
En attendant que le contenu de ce rapport soit analyse par des experts et rendu public, nous supposons que, logiquement, la Commission ad hoc propose une stratégie à long terme de l’économie et de la société dans toutes ses composantes, déclinée en politiques publiques, en stratégies sectorielles incluant l’Enseignement, la Santé, l’Agriculture, le système fiscal, et les chaines de valeur dont essentiellement l’entrepreneuriat et l’investissement national et étranger, pourvoyeurs d’emploi et créateurs de richesse et de valeur, devant mettre fin, ou du moins atténuer, à terme, les inégalités sociales et territoriales, ce qui impliquerait, ipso facto, une promotion de la régionalisation, permettant aux régions qui produisent le plus de richesses, de les répartir de façon équilibrée aux zones en difficulté, tout en profitant des atouts de chaque région.
En effet, le système économique actuel ne parvient pas à réduire les inégalités entre les différentes couches de la société et à atténuer les disparités spatiales entre les régions du Royaume.
Ce système saturé qui comporte plusieurs problématiques de développement économique (faible croissance, déficit commercial, taux de chômage élevé, endettement public alarmant, dynamique insignifiante pour l’amélioration du climat des affaires et pour le soutien et l’accompagnement des petites et moyennes entreprises, entre autres) nécessite une véritable refonte basée sur une logique de rupture avec le passé, loin des solutions de dépannage ou de rallongement inefficacement adoptées jusqu’à présent.
Certes, les investissements réalisés dans le domaine des infrastructures ont connu un élan durant les deux dernières décennies, mais les différents placements et financements n’ont pas eu de répercussions suffisantes sur l’ensemble de la société marocaine en matière de satisfaction des besoins singuliers des citoyens aussi bien au niveau de la ville que du monde rural.
Au contraire, on vit avec le risque de disparition qui plane sur la classe moyenne, le déclassement social pour plusieurs catégories sociales, la paupérisation de la masse qui descend crescendo sous le seuil de la pauvreté.
Pire ! On a vu naître une génération frappée d’un désespoir patent façonné par plusieurs facteurs négatifs dont essentiellement l’arrêt d’études imposé, le chômage, l’exode rural, une crise sociale qui perdure et divers dysfonctionnements qui frappent la société comme la consommation de drogue, qui ont enfanté la délinquance juvénile, l’insécurité et l’agressivité devenues monnaie courante sur la voie publique.
Le nouveau modèle de développement s’impose d’abord et surtout comme un impératif à la croissance socio-économique, et à la défense des intérêts de la population et de ses besoins élémentaires garantissant au citoyen une vie décente, ce qui ranimera, peut-être, sa confiance dans les institutions nationales, à condition que les mentalités de certains responsables évoluent dans le bon sens car, on a souvent le très pénible sentiment que la responsabilité est éludée lorsqu’il s’agit de la gestion des affaires publiques. Tout se passe comme si personne n’était responsable de rien ou de quiconque.
Le tout s’est davantage compliqué par une atonie incarnée par l’arrivée du parti de la justice et du développement (PJD) au pouvoir.
Ainsi, avec un modèle de développement affichant un taux de croissance de 2,7% que le pays réalise depuis 2012, et nonobstant le lancement de politiques sectorielles vouées à l’inefficacité, en l’absence de cohérence, on assiste à une faillite des services de base de l’Etat, résultat d’une mauvaise gestion de la chose publique, se reflétant dans un déficit économique et social.
Par exemple, le panier de la ménagère qui constitue le premier souci de la famille marocaine, devrait inclure, outre le volet alimentaire, l’habitat décent l’éducation, la santé, et, pourquoi pas les vacances et l’ensemble des besoins élémentaires. Ce qui n’est malheureusement pas le cas encore.
En fait, Les Marocains n’ont de respect, d’affection et d’admiration que pour leur Roi, étant conscients que le Souverain applaudit seul alors qu’une main seule ne peut applaudir.
Il est indéniablement reconnu par tous que, depuis 20 ans, derrière chaque événement apportant un rayon de soleil à ce pays, on trouvera toujours la touche et l’empreinte du Roi.
Pourtant, le Maroc est doté de structures étoffées pour l’Administration ; les villes et communes disposent de conseils élus ; les budgets sont votés et distribués, mais en dehors de cela, rien ne marche vraiment comme on le souhaiterait. On connaît parfaitement bien nos gouvernants et nos représentants du peuple, pour ne compter sur leur efficacité, quand on a besoin d’eux.
La preuve la plus éloquente en est lorsqu’une visite royale est annoncée dans telle ou telle ville. A ce moment-là, comme par miracle, tout le monde se réveille. Des essaims d’employés communaux se mettent en action, les responsables locaux montrent leurs talents sur le terrain, les drapeaux sont plantés hauts et flottants, les boulevards et rues sont balayés, les ronds-points sont miraculeusement fleuris, la sécurité est présente et active dans les coins et recoins. Tout baigne dans l’huile…
Et dès que le Souverain est reparti, l’ordre immuable de l’immobilisme, du laxisme, du laisser-aller reprend pleinement ses droits !
Certes, des têtes tombent souvent en ces occasions et tous craignent le courroux royal, mais, il est rare de voir les successeurs des évincés faire beaucoup mieux et plus que leurs prédécesseurs. Cela s’est déjà vu même au niveau ministériel où on a vu tomber des têtes qui retrouvent le courage et l’audace de réapparaître aujourd’hui à l’approche des législatives.
De plus, lorsqu’il s’agit d’élus locaux, aux compétences managériales et administratives très approximatives, leur incurie est préservée par la durée de leur mandat électif.
La mauvaise gouvernance est vécue dans plusieurs domaines, avec la dilapidation des deniers publics ; l’enrichissement rapide de certains responsables qui ne possédaient pas, à l’origine, des moyens économiques leur permettant de s’engraisser outre mesure ; des salaires exorbitants ; des pensions de retraite injustifiées pour ministres et parlementaires ; des avantages incommensurables comme les innombrables voitures de service distribuées à tour de bras, avec bons de carburant ; l’attribution de postes de haut niveau obéissant au népotisme politique et autres liens familiaux ou amicaux et, par-dessus tout, la corruption et l’impunité qui minent les rouages de l’administration, les empêchant de tourner rond.
Autre point culminant : l’absence de corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes.
Cette multitude de facteurs et leur étendue sur un plan transversal permet de comprendre les causes générales des dysfonctionnements qui frappent la gouvernance.
Que l’on ne s’étonne donc pas si la grande majorité des citoyens de ce pays n’accordent ni confiance, ni crédit à la classe politique qui fait élire des nullards lors de chaque scrutin.
Qu’on ne se plaigne donc pas de l’abstention aux élections et des urnes boudées par les électeurs. Que l’on ne proteste pas lorsque le Marocain lambda exprime toute sa défiance envers les composantes de l’administration et des corps élus.
Avec un peu de dignité et un soupçon d’honneur, les préposés qui se reconnaîtront devraient déposer leur démission. Comme nous savons qu’ils ne le feront pas, nous leur conseillons de s’efforcer, au moins, de mettre de côté leur incivisme, parfaire la qualité des services destinés aux usagers et veiller à la bonne gestion des affaires publiques, basée sur la simplicité et l’efficacité. Ils doivent faire valoir l’intérêt de la Nation sur l’intérêt personnel et cesser leurs petits calculs d’opportunistes faisant peu cas des principes et de la dignité.
Evidemment, l’implication citoyenne demeure essentielle et les citoyens devront apporter leur pierre à l’édifice des redressements escomptés.
Leur rôle premier est de désigner du doigt les dysfonctionnements et de dénoncer les brebis galeuses.
La tâche de la commission de réflexion autour du Nouveau modèle de Développement n’a certainement pas dû être de tout repos. Elle avait la délicate et vitale mission de poser les jalons pour un Maroc nouveau comme le veut le Roi et le peuple.
L’heure a sonné pour ces politicards, toutes tendances confondues, qui ne se sentent pas dignes de la confiance du Roi et du peuple de s’écarter du chemin pour laisser travailler des gens qui ont pour noble objectif de réparer les dégâts commis par ces opportunistes qui ont fait leur beurre des années durant… !
Ils ont fait beaucoup de mal et de dégâts à ce pays et à ce peuple, et s’en sortent à bon compte. Alors maintenant, au moins, qu’ils aient un minimum de dignité pour s’effacer de la scène avant qu’un vent d’assainissement ne souffle pour les balayer !
Dr Abdelhak BAKHAT