Réalisée par Joseph Marando, la photo de la première de couverture du n° 23 de La Pensée de midi, « Tanger, ville frontière », en dit long sur la nostalgie qui imprègne rivages et hommes. Quel « horizon d’attente » pour celui qui, burnous aveugle et silencieux, tournant le dos à la ville, contemple l’infini, promesse de l’ailleurs ? Attente, suspens, les yeux assis sur l’horizon désert.
Résumé
Tanger est une ville où les deux rives de la Méditerranée se touchent des yeux.
Ville frontière, Tanger n’est plus seulement une ville internationale, comme elle le fut jadis, mais une ville transnationale. « C’est-à-dire qu’elle vit au quotidien dans un espace temps très peu national », comme le souligne Michel Péraldi qui a dirigé ce nouveau dossier de La pensée de midi.
Cité à nulle autre pareille, Tanger est traversée et débordée par de nombreuses frontières. Ce sont les multiples facettes de cette ville complexe que ce livre se propose de dévoiler. A partir des contes cruels et savoureux de M’Rabet, de récits singuliers, d’histoires de vie comme celle d’Elena Prentice ou à l’heure du cocktail chez Paul Bowles, qui témoignent d’un cosmopolitisme toujours vivace, de la « calle del Diablo » et des lucioles de la nuit tangéroise décrites par Mona Kezari et Abdelmajid Arrif, des rebelles de la mondialisation, qui cherchent à traverser la frontière vers l’Europe comme une bravade et un défi trop souvent mortels (Mercedes Jiménez Alvarez), des jeux subtils à propos du respect des bonnes mœurs ou des spéculations dans la Casbah (Carole Viché, Julien Le Tellier et Catherine Mattei), sans oublier ce qui fait le mythe de Tanger dans sa relation au cinéma (Simona Schneider), ou sa réalité d’une ville entre deux mers, confrontée à l’invisible ou trop visible présence d’un mur, dans le récit de Driss Ksikes. Tanger, une ville aimantée par sa relation à la frontière…
Extrait du livre : Petite introduction en forme de chronique subjective…
J’ai découvert Tanger à l’occasion d’une rencontre en octobre 2005. Il y soufflait un vent froid pareil au mistral, la ville était sombre et désespérément vide. Tout Tanger semblait avoir migré dans les cafés face aux écrans de télé. Une foule exclusivement masculine assistait en direct au match qui ce soir-là opposait le Barça (Barcelone) au Real Madrid. Je crois que le Barça a gagné, ce qui n’a pas eu une grande importance sur l’humeur de la ville, comme tentait de me l’expliquer un peu plus tard un jeune Tangérois : une moitié de la ville est pour le Real, l’autre pour le Barça, et les moitiés s’inversent chaque année.
Une part de Tanger vit donc aujourd’hui dans un espace-temps transnational euro-méditerranéen.
Bonne Lecture !