Un grand hommage pour le grand écrivain et philosophe Albert Camus, titulaire du Prix Nobel de la littérature en 1957, à l’occasion de la présentation de l’un des livres de l’écrivain par la Jeune Association « Jossour », qui, par la même occasion, présente la jeune tangéroise Alâa Hdideche pour son travail sur Albert Camus et son roman L’Étranger, objet du débat de cette évasion littéraire qui sera organisée le 29 septembre 2024, à 17 h, au café littéraire Chrifa, sise à, Bab el-Assa, Kasbah de Tanger.
La question posée à Mlle Alâa Hdideche sera la suivante :
Question : « Peut-on dire que Meursault (héros du roman) est quelqu’un qui réagit aux sollicitations, que son cerveau est absent et qu’à cause de cela, il commet ce qu’il n’aurait pas dû commettre ? »
Le roman d’Albert Camus s’articule autour de trois événements majeurs : le décès de la mère de Meursault, le meurtre de l’Arabe et la condamnation à la mort du personnage. La narration interne faite par le personnage lui-même nous permet d’avoir un point de vue interne et un accès à ses sentiments et à ses pensées pour nous faire notre propre idée quant au tempérament du personnage. Ainsi, les réactions, les dialogues et la nonchalance du personnage nous donnent l’impression qu’il s’agit d’un être absent et étranger à la société.
Il est vrai que Meursault ne fait que réagir de manière impersonnelle voire mécanique aux sollicitations qu’il reçoit : lorsqu’il est sollicité à l’enterrement de sa mère, il ne fait que suivre les rituels d’un enterrement sans vraiment les conscientiser. Lorsque Marie lui demande en mariage, il se contente de répondre « oui » sans aucune motivation ou enthousiasme, mais uniquement parce qu’il n’y voit pas d’inconvénient. Et pareillement, lorsqu’il commet le meurtre, il fait clairement preuve d’une absence de conscience morale. Bien qu’on puisse « justifier » le premier tir par un « manque de discernement », Meursault tire encore 3 autres coups malgré un moment de répit durant lequel il était censé prendre conscience de son acte. Et même quand il s’agit de sa propre mort lorsqu’il va être condamné, il n’accorde aucune importance ni à son acte commis ni au contexte dans lequel il se trouve, c’est-à-dire devant une cour de justice. Quand son avocat, le procureur et le juge lui demandent d’expliciter ses motivations qui l’ont poussé à commettre un meurtre, Meursault répond de manière brève, aléatoire et en tenant des propos en totale inadéquation avec la demande du tribunal. Il ne tente même pas de se défendre, et c’est donc ce qui aggrave sa situation et qui pousse le procureur à proposer dans son cas des circonstances aggravantes qui ne peuvent aboutir qu’à la peine de mort.
Cependant, vers la fin du roman, nous pouvons observer une prise de conscience du personnage, et même pour la première fois une réaction plus que consciente et une volonté d’agir. En effet, contrairement à tous les événements qui ont précédé, Meursault prend pour la première fois conscience de la mort. Cela se produit dans sa cellule lors de l’attente de la sentence : il dit : « Une centaine de secondes où le battement de ce cœur ne se prolongerait plus dans ma tête », il fait donc une représentation extrêmement physique de ce qui va lui arriver, donc une réelle prise de conscience de sa situation. On retrouve des passages similaires où la prise de conscience est encore plus intense. Des moments où il réalise qu’il est vivant et du temps qu’il lui resterait à vivre s’il n’était pas condamné à mort. Il prend conscience de deux intensités opposées, être vivant et être mort. Il s’agit là de la philosophie de Camus qui nous explique l’absurdité de la vie. Le fondement de l’absurde est que nous avons une envie éperdue de vivre et nous devons mourir. Lorsque l’aumônier vient le solliciter afin de le convaincre de prier Dieu, Meursault peut enfin s’affirmer, dire ce qu’il pense réellement et rompre le ton neutre et froid bien connu du début du récit. Et donc, il rejette totalement les sollicitations de l’aumônier et affirme son refus d’une solution par la religion. Car l’aumônier vient lui proposer une consolation avec la mort pour une vie ultérieure qui viendrait après celle-ci. Le discours de Meursault est en fait le discours philosophique de Camus qui consiste à considérer la mort comme une annihilation de la vie de l’être humain et qui le réduit au néant.
En guise de conclusion, nous pouvons dire qu’en effet, le cerveau de Meursault était bien absent tout au long du récit. Que le personnage se contentait de réagir d’un ton formel et inexpressif aux sollicitations externes en suivant les codes de la société. Et ainsi, une absence de moralité et de bon sens peut déboucher sur un meurtre qui reste ambigu, injustifié et absurde. C’est uniquement durant l’attente de la sentence dans sa cellule qu’il y’aura un éveil de conscience et une présence d’esprit chez Meursault.
La sollicitation de L’aumônier, peu de temps avant l’exécution à mort de Meursault, permet à celui-ci de prendre conscience de son état et de refuser l’idée d’une consolation avec la mort de manière religieuse. Donc la sollicitation de l’aumônier a une importance dans le roman puisqu’elle permet d’exprimer la position philosophique de Camus concernant l’absurdité de la mort à travers le refus de Meursault.