Un champion pas comme les autres, un sportif pas comme les autres, un homme pas comme les autres :Yassine Derkaoui, un tangérois ayant vécu durant plusieurs années entre la Thailande et l’Indonésie. Sa vie est toujours partagée entre le défi, l’aventure et le danger dans le seul but de satisfaire sa vocation de naviguer tout seul en pleine mer. Continuellement, il se livre à une profonde méditation qui le prive du sommeil pour réfléchir et trouver une « tactique »,un plan de travail afin d’éviter les nombreux obstacles qui sont ,à vrai dire ,les ennemis de la navigation. Traverser tout un océan dans un petit bateau à voile sans moteur, est une performance qui dépasse la condition humaine. Impossible de lâcher la voile en pleine mer, sinon le pire est à redouter.
Q-Qui est Yassine Derkaoui ?
R-Un marocain né à Tanger dans une famille qui adore la mer dans une ville qui se trouve entre l’Océan Atlantique et la Méditerranée.
Q-Avez-vous un parent ou un proche professionnel de mer ?
R- Oui, mon père était un commandant maritime. Il commandait le grand bateau Limadet (disparu actuellement) qui reliait Tanger à Malaga.
Q- Y avait-il son influence sur votre vocation ?
R-Effectivement ! C’était lui qui m’avait inscrit à l’école de voile au Yachting club royal de Tanger quand j’avais huit ans.
Q-La navigation à voile , qu’est-ce que c’est exactement ?
R-C’est un sport nautique qui se fait individuellement sur un petit bateau à voile sans moteur. Il s’agit d’un bateau olympique appelé dans le terme technique « dériveur ».
Q- Pourriez-vous expliquer le nouveau vocabulaire « dériveur » ?
R- Voilier dépourvu de lest fixe et muni d’une dérive. (Ce terme désigne généralement des embarcations légères et sportives, destinées à la plaisance ou à l’enseignement de la voile.)
Q-Peut-on parler d’entrainements intensifs avant toute compétition ?
R-Bien sûr ! Mais il existe une différence avec les autres sports qui insistent sur la préparation de la condition physique dans les entrainements. A la navigation à voile, on travaille le physique et le cerveau.
Q-Vous êtes détenteur du premier record mondial de navigation à voile .Qu’en dites-vous ?
R-Je suis fier de ce titre qui rend honneur à mon pays le Maroc que je représente toujours. Si je ne dépends d’aucun club, si je suis libre de tout engagement avec une formation, je participe à toutes les compétitions mondiales avec le drapeau marocain. Je suis le premier record mondial avec 393 km pour 77 heures de navigation continue (jour et nuit).J’ai obtenu ce record dans une mer appelée Andaman entre la Thaïlande et l’Indonésie.
Q-En traversant cette mer, y avait-il des obstacles pour vous ?
R-Il y avait des difficultés et des obstacles qui auraient pu provoquer de graves accidents. A titre d’exemple, je signale le passage des bateaux de pêche clandestins sans lumière et les gros poissons. Dans toutes les traversées de navigation à la voile, la vie du sportif est en péril.
Q-Après 77 heures en pleine mer, comment était votre état de santé ?
R-J’étais vraiment très malade après les efforts fournis. Je me rappelle avoir perdu la peau de mes cuisses et jambes. En plus, j’avais des hallucinations très difficiles dans la mesure où je voyais les lettres et les chiffres danser.
Q-Est-il vrai qu’avant la compétition de traversée, vous êtes soumis à un grand régime alimentaire ?
R- Oui ! Avant et pendant le voyage, je ne me nourris que de figues, dattes, noix, amandes. Il faut à tout prix éviter d’aller en toilettes pour ne pas perdre de temps. Trois jours sans faire ses besoins, le pratiquant de la navigation à voile trouve de sérieuses difficultés.
Q-Qui se charge des lourdes dépenses que vous avez ?
R-Les sponsors. Pour le moment, j’ai pour soutien Tanger-Med. Quant aux clubs qui m’ont aidé, je cite le Yachting club royal de Tanger et celui d’Agadir. Le premier m’a offert un bateau, le second le matériel nécessaire. Moi, j’ai travaillé pour remettre le bateau à neuf et l’équiper par la voile.
Q-Vous vous entrainez ces derniers jours dans quel but ?
R- Mon record mondial vient d’être égalé dans le monde. Il est temps que je le dépasse. Maintenant, j’ai un autre objectif qui consiste à me lancer dans une autre expérience :la traversée de l’Océan. Mon itinéraire, qui commencera dans un mois selon les conditions météorologiques, sera Tanger-El Jadida-Agadir avec un nouveau record mondial en vue.
Q-Avez-vous participé dans une compétition internationale avec la sélection nationale marocaine ?
R-La Coupe du monde à la Rochelle en France.