par le Docteur Abdelhak BAKHAT
Chambre de maternité dans un hôpital marocain – Photo : DR
Soigner et guérir les lacunes de la Santé publique
Dans son dernier discours du Trône, SM le Roi Mohammed VI a tracé les contours d’un Etat social, se félicitant des efforts déployés par le Royaume dans la lutte contre les effets de la pandémie du Covid-19 et évoquant deux projets d’envergure. Il s’agit de la généralisation de la protection sociale et de la mise à niveau du système de Santé.
«Nous avons lancé plusieurs projets qui visent à atteindre la souveraineté sanitaire et à assurer la sécurité et la sûreté des citoyens », a annoncé le Souverain.
Quoique que l’on sache que le droit à l’accès aux soins est fondamental, chacun sait que le système de la Santé, au Maroc, décrié de toutes parts pour ses failles structurelles et humaines, présente plusieurs lacunes dont, notamment, des problèmes de logistique et une pénurie de personnel soignant, ce qui est à l’origine d’une crise de confiance entre le secteur de Santé publique et le patient Marocain.
En fait, il faut reconnaître qu’il y a des problèmes qui, cumulés, justifient le jugement critique et chronique de la population.
Cela se vérifie réellement dans le fait que lorsque l’on fait appel aux services de Santé, on se rend compte que le secteur accuse des retards en termes de performances : centres de soins insuffisants, éloignés et sous-équipés, ressources et équipements non ajustés aux besoins réels, prise en charge lente et rendez-vous donnés sur des semaines, voire des mois, productivité faible d’un personnel non motivé, qualité des soins non garantie,
Vu ces profonds déficits chroniques, des moyens financiers et de bonne gouvernance sont donc à mobiliser de façon prioritaire si l’on aspire à une mise à niveau du système de Santé, préalable à la viabilité de la protection sociale à laquelle on appelle.
C’est pour cela qu’une sérieuse réforme s’impose aujourd’hui, rompant avec celles qui ont échoué précédemment, et c’est là qu’intervient le projet de loi-cadre 6-22 qui repose sur quatre principaux piliers convergeant vers la promotion du système de santé afin qu’il soit à la mesure des espérances de la population.
– Le premier pilier concerne une bonne gouvernance hospitalière et la planification territoriale de l’offre sanitaire.
Cette bonne gouvernance se décline en plusieurs niveaux devant veiller à la continuité de l’action de l’État sur le plan sanitaire et à l’évaluation de la qualité des services des établissements de santé, entre autres.
– Le deuxième pilier porte sur la facilitation de l’accès aux services médicaux, l’amélioration de la qualité des hôpitaux nationaux et la répartition équitable des services hospitaliers à travers le territoire national, incluant le monde rural.
A ce propos, outre un plan national qui concerne 2.088 établissements de Santé, des schémas régionaux d’offre de soins sont programmés pour déterminer les priorités d’investissement dans les différentes régions du Royaume, à travers la construction d’un Centre hospitalier universitaire (CHU) dans chaque région afin qu’il soit la locomotive des structures sanitaires régionales,
Il existe actuellement 7 CHU, entre actifs et en cours de lancement, comme celui de Tanger.
Le plan prévoit la création de trois autres CHU à Errachidia, Guelmim et Béni Mellal, cela outre la création de nouvelles infrastructures de soins aussi bien locales, que provinciales et régionales, et la mise à niveau de 1.400 centres de Santé de proximité au cours des 18 prochains mois, ce qui requiert un record de vitesse, rompant avec la nonchalance du passé et les reports injustifiés.
– S’agissant du troisième pilier, il vise la valorisation du capital humain, partant du fait que les ressources humaines constituent une priorité dans cette réforme qui aspire à faire en sorte que les personnels médical et paramédical ne quittent pas le système sanitaire public national
Il s’agit de valoriser les effectifs du secteur et réduire le manque criard de spécialistes de santé, de les motiver, et de faire revenir les médecins marocains qui résident à l’étranger, ce qui semblerait utopique, sachant que 600 médecins partent tous les ans à l’étranger, et tout le monde sait pourquoi.
On ambitionne de porter le nombre des professionnels de la Santé de 68.000 actuellement à 90.000 à l’horizon de l’année 2025.
L’objectif final est d’atteindre le quota de 24 professionnels de la Santé pour chaque 10.000 habitants à la même échéance de 2025 et celui de 45 pour 10.000 en 2030.
A terme, il s’agirait d’accroitre le nombre des étudiants en métiers de médecine, de pharmacie et de médecine dentaire. Pour ce faire, on prévoit la création de trois nouvelles facultés ainsi que l’extension des cadres des stages pratiques afin qu’ils englobent les structures sanitaires régionales.
Ainsi, on compte assurer les ressources humaines en multipliant par deux le nombre des médecins et par trois celui des lauréats des écoles d’infirmiers.
– En ce qui concerne le quatrième pilier, il porte sur la digitalisation du système de santé au même titre que les différents services de l’administration publique, ce qui a pour but de répertorier les citoyens et faciliter leur accès aux prestations médicales. Pour chaque patient, des identifiants personnels seront attribués pour lui permettre de disposer d’un même registre médical dans tous les hôpitaux.
Ce système numérique permettra de fluidifier l’accès du citoyen aux services de santé et le rattacher au système informatique de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), dans le but de lui attribuer une Carte sanitaire numérique qui permettra de suivre le processus de traitement du patient, depuis le centre de santé de proximité jusqu’au CHU.
Ajoutons à ces dispositions, un autre volet relativement nouveau, celui de la gestion rationnelle des pandémies et de la prévention des risques sanitaires, comme c’est le cas relativement réussi, adopté contre le Coronavirus.
La réforme du système de Santé au Maroc repose aussi sur un autre projet aussi important, dépendant du degré de collaboration entre les secteurs public et privé. Les concertations entre le ministère de la Santé et les syndicats et représentants du secteur privé sont en cours, dans l’objectif d’unifier les visions des deux secteurs, partant du fait que le secteur privé est considéré comme une partie intégrante du système national de la Santé.
L’objectif principal de cette synergie de complémentarité public-privé, est de rapprocher les prestations de santé du citoyen Marocain, et optimiser la mobilité à l’échelle territoriale. Néanmoins les demandes du secteur privé nécessitent une étude approfondie afin d’être en phase avec le chantier de la protection sociale qui permettrait aux cliniques privées d’entrer dans leurs frais à travers les diverses caisses, mutuelles et autres assurances, tout en épargnant le patient.