«Nous sommes à la veille de la saison estivale et nous n’avons aucune visibilité», s’insurge Rkia Alaoui, à la tête du groupe Accor pendant une quinzaine d’années et actuellement présidente du Conseil régional du tourisme à Tanger-Tétouan-Al Hoceima et directrice générale du Marina Smir Hotel & Spa. Interview.
Entretien
H24 Info : L’année 2020 est décrite comme la pire qu’a connue le secteur touristique. Quel bilan en tirez-vous ?
Rkia Alaoui : La région de Tanger, Tétouan et Al Hoceima accuse une forte saisonnalité, à savoir que nous travaillons surtout l’été et notre clientèle est principalement constituée de nationaux. Une part de marché qui a d’ailleurs été boostée par la fermeture des frontières et l’arrivée de nouveaux touristes nationaux qui avaient pour habitude de voyager à l’étranger.
Certes nous étions en pleine pandémie, mais nous ne sommes pas restés les bras croisés. Nous avions donc réalisé avec les professionnels et les opérateurs concernés des montages de produits et circuits pour promouvoir la destination, même hors saison.
Mais par la suite, il y a eu les fermetures de certaines villes, à savoir Tanger et Tétouan, qui ont tout stoppé net. Nous naviguions alors à vue et cela s’est traduit par la baisse de tous nos indicateurs.
Aujourd’hui des mesures d’assouplissement sont annoncées. Pensez-vous qu’elles pourront sauver la saison actuelle ?
A notre niveau nous sommes prêts. Nous avons lancé plusieurs outils et réfléchi à plusieurs stratégies pour un «rebranding» de la région. Nous travaillons d’arrache-pied et nous jouons le jeu, mais à un moment donné, on dit ça suffit. Nous avons besoin d’une stratégie qui soit visible, nous ne pouvons plus continuer comme ça.
On nous parle de décisions d’assouplissement, mais elles ne sont pas claires. Il n’y a aucune communication, nous ne savons pas ce qui va se passer et les décisions se prennent à la dernière minute. Nous voulons qu’il y ait des décisions tranchées et une communication nette à ce sujet.
La situation est compliquée et pas seulement au niveau régional ou national, mais mondial. Mais aujourd’hui on peut se dire que nous sommes un peu plus à l’aise pour avoir une vision, grâce notamment à la bonne gestion de la campagne nationale de vaccination.
Nous voudrions dans ce sens avoir un peu plus de visibilité, même si c’est à moyen terme. Mais on ne peut pas être à la veille de la saison, sans savoir si les nationaux auront le droit de circuler, si les plages seront accessibles et si l’opération Marhaba aura lieu ou non.
En effet, Tanger est la porte d’entrée pour des millions de Marocains résidents à l’étranger. Mais le doute plane encore sur la tenue de l’opération Marhaba…
Nous en avons parlé il y a quelques mois et nous sommes toujours à ce stade d’incertitude, sans qu’on puisse nous dire si l’opération aura lieu ou non.
Les Marocains résidents à l’étranger représentent une bonne partie de nos clients. Ces Marocains veulent venir et ont hâte de pouvoir rendre visite à leurs proches. Aujourd’hui, personne ne sait si nous leur ouvrirons ou pas nos frontières. Ces Marocains iront certainement ailleurs et ce n’est pas que ce nous cherchons, car il s’agit d’une clientèle importante pour nous.
Il faudrait que toutes les mesures qui leur sont actuellement imposées soient assouplies. Par exemple nous ne pouvons pas leur imposer une quarantaine de 10 jours. Nous ne sommes plus à ce stade.
L’instauration d’un pass sanitaire au Maroc est à l’étude et pourrait être déployé dans les prochains mois. Le recours à ce nouveau document vous paraît-il être réalisable ?
Nous n’avons pas été concertés, bien que nous soyons les premiers concernés. Nous connaissons nos régions et le profil des consommateurs. Je ne dirai pas que c’est trop compliqué à mettre en place, mais s’il s’agit d’une initiative qui va être prise et menée correctement pourquoi pas.
Pour nous l’essentiel c’est que les choses bougent. Ce n’est pas un non catégorique, mais il faut pouvoir penser à toutes les complications qui pourront en découler.
Nous avons fait l’expérience des autorisations de déplacement. Et donc je pense qu’il ne faudrait pas que ce soit à la tête du client.
Il nous faut avant tout des solutions qui puissent permettre dans un premier temps aux nationaux de circuler librement. Il faut que ces solutions soient ficelées et bouclées par tous les intervenants du secteur.
Par ailleurs, il faut souligner que pendant tout ce temps, nous sommes restés à l’écoute et en contact avec les marchés émetteurs. Nous avons eu des visioconférences avec certains opérateurs, pour leur montrer qu’ils peuvent avoir confiance, avec notamment cette campagne de vaccination qui fonctionne bien, la situation épidémiologique qui est maîtrisée. Nous sommes donc sur la bonne voie, il ne manque plus que le feu vert du gouvernement.