par le Docteur Abdelhak BAKHAT
Le Maroc a été frappé, cette année, par un retard prolongé des pluies qui s’est soldé par une sécheresse structurelle, une catastrophe qui fait craindre une sévère pénurie d’eau potable cette année, conséquence du changement climatique et d’une gestion hydrique inefficiente.
L’objectif idéal serait de garantir la desserte en eau potable pour l’ensemble des citoyens et couvrir les besoins des secteurs agricole, industriel, touristique et autres, en eau, sans pour autant épuiser les réserves des barrages ou celles des nappes phréatiques.
Outre le programme national pour l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation 2020-2027, d’un coût global de 115 milliards de dirhams, divers autres programmes sont déployés avec, pour principal objectif, la gestion des ressources en eau à travers la construction , à ce jour, de 148 barrages où le taux de remplissage n’est actuellement que de 34%, avec un volume de 5,3 milliards de m³, sur une capacité totale de 19 milliards de m³,
Ainsi, pour contenir aujourd’hui les effets dévastateurs de la sécheresse, le gouvernement a débloqué, à la mi-février dernier, un programme volumineux d’aide au secteur agricole. Mais, à long terme, il est nécessaire de changer la vision du Royaume sur la question de l’eau. Le changement climatique est réel, le Maroc passe aujourd’hui de la phase de pénurie à celle de rareté de l’eau, et le pays n’a pas d’autre choix que celui de se préparer à y faire face.
Avec seulement 600 m3 d’eau par habitant et par an, le Maroc se situe largement sous le seuil de la pénurie hydrique. A titre de comparaison, la disponibilité en eau était quatre fois supérieure dans les années 1960. Au-delà des facteurs environnementaux, la forte demande en eau et la surexploitation des nappes phréatiques contribuent à faire pression sur les ressources hydriques,.
Aujourd’hui, le constat n’est pas rassurant car nous sommes confrontés à un stress hydrique sans précédent, ce qui nécessite la mise en place d’un plan d’urgence pour atténuer les effets dévastateurs du manque ou de l’insuffisance d’eau et un nouveau plan à moyen et long termes pour contrecarrer une situation qui s’annonce catastrophique pour l’avenir.
On remarquera que, malgré les actions successives lancées, jusque-là, par les pouvoirs publics, les tensions restent fortes face à un déficit hydrique sévère à cause de la faiblesse du volume des barrages, surtout quand on sait que 80 % de ces ressources sont utilisées pour l’irrigation.
Si, pour le moment, le niveau des réserves en eau est encore susceptible d’alimenter, dans des conditions à peu près normales, certaines villes du pays, il n’en demeure pas moins que des cités comme Oujda et Marrakech, et plusieurs autres agglomérations, pourraient connaître, pendant l’été prochain, de grandes perturbations au niveau de l’approvisionnement en eau potable.
Pour faire face à cette situation préoccupante, le gouvernement annonce avoir pris une batterie de mesures urgentes. On peut citer le renforcement des opérations de prospection des nappes à travers la réalisation de 1.800 forages et puits destinés à l’exploitation des eaux souterraines pour l’alimentation de quelque 820 centres ruraux et 18.000 douars reculés touchés par le stress hydrique.
A noter que la couverture des zones rurales par des canaux de distribution d’eau est de 98%, et 40% de la population de ces zones dispose d’un raccordement à l’eau, contre 100% en milieu urbain.
On prévoit aussi la construction de 92 stations de traitement et, en cas de disponibilité, avoir recours aux eaux usées traitées, pour l’irrigation.
Mais, toutes ces mesures palliatives d’urgence ne suffiront pas à résoudre le problème dans sa globalité, car il nécessite de gros moyens, comme le dessalement de l’eau de mer exigeant temps et gros moyens.
Le Royaume mise effectivement sur le dessalement de l’eau de mer pour remédier au déficit hydrique. Mais la mise en chantier de ce programme est confrontée à « des retards ». La station de dessalement de Casablanca est toujours en chantier et ne sera opérationnelle que d’ici 2026-2027.
Toutefois, grâce à ses deux façades maritimes, le Maroc a fait des progrès significatifs dans le domaine des énergies renouvelables, tant solaires qu’éoliennes, qui devront permettre de dessaler l’eau à moindre coût. Ainsi, d’importantes stations ont été lancées dans les régions du sud (Laâyoune et Sidi Ifni). De plus, la nouvelle station, réalisée dans le cadre d’un partenariat public-privé dans la région de Chtouka Aït Baha, est appelée à assurer l’approvisionnement en eau potable d’Agadir et à contribuer à alimenter le secteur agricole, grâce à l’irrigation des exploitations s’étendant sur plusieurs hectares.
À Dakhla, le projet de dessalement de l’eau à travers l’exploitation de l’énergie éolienne est également prévu. Il permettra d’assurer l’approvisionnement en eau potable et l’irrigation de grandes zones agricoles sans faire appel aux réserves de la nappe phréatique. De la sorte, on maintiendra son niveau actuel tout en assurant un approvisionnement en eau pour le secteur agricole, ce qui contribuera à améliorer les revenus des petits et moyens agriculteurs de cette région.
En plus, une vingtaine de stations au total verront le jour dans les années à venir.
Les pouvoirs publics se veulent, malgré tout, rassurants, en annonçant que les sociétés chargées de la gestion déléguée de l’eau dans les grandes villes seront approvisionnées d’une manière régulière et durable, à l’exception des villes d’Oujda et de Marrakech, qui pourraient faire face à un certain déficit hydrique.
D’autre part, partant du fait que l’information, l’éducation et la sensibilisation des différents publics ont un grand rôle à jouer pour que l’eau soit véritablement un bien commun disponible et accessible à tous, économiser l’eau devient un acte citoyen et de solidarité nationale
Ainsi, une grande campagne de sensibilisation est lancée parmi les citoyens, sur la nécessité d’économiser l’eau
Un premier axe de cette campagne consistera à lutter contre les gaspillages de l’eau dans les situations courantes de la vie quotidienne et de sensibiliser aux coûts pour les foyers marocains sur leur facture d’eau.
Signalons qu’une simple fuite dans une chasse d’eau peut consommer jusqu’à 220 000 litres d’eau potable par an avec un coût de 1.900 dirhams sur la facture d’eau annuelle, et le lavage hebdomadaire d’une voiture à « grande eau » peut nécessiter jusqu’à 26 000 litres d’eau par an.
Une deuxième partie de ladite campagne de sensibilisation permettra de mettre en évidence les gestes simples et les bonnes habitudes en matière d’économie d’eau potable. Installation de « mousseurs » qui ne coutent que quelques dirhams et qui permettent d’économiser jusqu’à 50% de l’écoulement direct du robinet ; le lavage de la vaisselle quotidienne dans un récipient plutôt qu’en direct sous le robinet, peut faire économiser jusqu’à 80% d’eau. Ou encore, sur la façon simple de vérifier régulièrement son l’installation pour détecter s’il n’y a pas de fuites.
Le troisième axe de la campagne consiste à valoriser les «bonnes pratiques » dans l’agriculture, l’industrie, les activités touristiques, mais également dans les collectivités locales et dans l’administration pour œuvrer à la sensibilisation de protéger ce bien commun qu’est l’eau.
Cette large campagne de sensibilisation sera déployée sur les télévisions nationales et sur les réseaux sociaux dans l’objectif de toucher toute la population.