C’est l’une des conclusions-phares qui se dégagent de l’étude de la « Cnuced » sur le transport maritime 2021 récemment publiée.
Le port de Tanger Med se positionne non seulement parmi les meilleurs mondiaux, mais confirme surtout son leadership au niveau continental en maintenant à distance la concurrence sud-africaine et égyptienne sur les principaux indicateurs d’activité et de productivité.
Sur le critère crucial du temps de séjour au port que scrutent les grands armateurs mondiaux, Tanger Med affiche une médiane de 1,04 jour toutes catégories de navires confondues et 0,76 jour pour les porte-conteneurs, le cœur de l’activité de transbordement. Cela veut dire que la moitié des navires y décharge sa cargaison et reprend la mer quasiment le même jour. Les porte-conteneurs, eux, mettent «seulement» 16 heures pour décharger et charger les boîtes EVP (équivalent vingt pieds). Sur cet indicateur, le port marocain réalise une bien meilleure performance que la médiane mondiale qui s’élève respectivement à 1,07 jour pour les navires et 0,84 jour pour les porte-conteneurs. Comme pour les avions dans les aéroports, moins de temps passé au port par les navires signifie moins de charges pour les armateurs et, donc, plus de rentabilité.
En améliorant sa productivité, Tanger Med aimante tout naturellement les armateurs qui y dépêchent le meilleur de leurs flottes. Le plus gros porte-conteneurs, ayant desservi en 2021 la plateforme, chargeait 24.000 boîtes EVP. C’est cinq fois et demi plus grand que le plus gros porte-conteneurs ayant accosté à Port-Saïd, en Égypte, et plus de trois fois, pour Durban, en Afrique du Sud. Sur la productivité, le port marocain devance largement ses deux principaux concurrents en Afrique.
Le séjour médian des porte-conteneurs au port de Durban est de 2,71 jours dont les performances ont été plombées par une succession de grèves de dockers. C’est trois fois moins bien que Tanger Med. Port-Saïd, en Égypte, est plus proche avec un délai médian de 0,93 jour pour les porte-conteneurs, baromètre essentiel de la productivité des ports de transbordement. Le commerce maritime en Afrique s’élevait à 1,3 milliard de tonnes en 2021, en hausse de 5,6% par rapport à 2020. Le continent représentait 6,9% du volume mondial des marchandises chargées et 5 % des déchargements.
A noter une forte progression du trafic conteneurisé entre pays en développement, tels que l’Afrique subsaharienne vers l’Amérique latine et les Caraïbes. Ces mouvements représentaient 12,5% du fret mondial. Malgré un blocus de six jours du canal de Suez en mars 2021, l’Afrique du Nord a enregistré une croissance stable des escales de porte-conteneurs, soutenue par l’attractivité et le dynamisme de Tanger Med et Ain Sokhna, en Égypte, souligne la Cnuced. Entre 2019 et 2021, les escales de porte-conteneurs à Tanger-Med sont passées de 2.652 à 3.195 et à Ain Sokhna de 59 à 217.
En revanche, les escales à Port-Saïd – l’un des plus grands ports de la région – ont décroché 3.516 à 3.393. Les taux de fret au comptant ont particulièrement bondi sur les grandes routes maritimes qui desservent les régions en développement. Les chargeurs marocains s’en sont plaints constamment car il était presque impossible de répercuter cette inflation sur les clients.
Entre décembre 2020 et décembre 2021, sur la route Shanghai-Afrique du Sud (Durban), le tarif par conteneur équivalent 20 pieds (EVP) est passé de 2.521 dollars à 6.450 dollars, et sur la route de Shanghai à l’Afrique de l’Ouest de 5.291 à 7.452 dollars. Les armateurs ont mis à profit la remontée des taux de fret pour réorienter leur capacité vers les régions les plus rentables avec des conséquences immédiates. En Afrique, par exemple, entre juillet 2020 et juillet 2021, la capacité moyenne a diminué de 6,5%. Cela a contribué à l’augmentation des taux de fret des conteneurs, les tarifs aller simple de la Chine vers l’Afrique passant de 2.000/2.500 dollars à 4.000/5.000 dollars par EVP.
De la vigilance face au puissant oligopole d’armateurs
Le transport maritime par conteneurs a été transformé par la consolidation horizontale par le biais de fusions et d’acquisitions. Les grands armateurs ont également poursuivi l’intégration verticale en investissant dans l’exploitation des terminaux et d’autres services logistiques. Entre 1996 et 2022, la part des 20 principaux transporteurs a augmenté leur part de la capacité de transport de conteneurs, qui est passée de 48 % à 91 %. Et au cours des cinq dernières années, les quatre plus grands transporteurs ont augmenté leurs parts de marché pour contrôler plus de la moitié de la capacité mondiale.
Le nombre d’armateurs a baissé dans 110 pays, relève la Cnuced qui s’inquiète de l’effet de la consolidation du marché sur la réduction de la concurrence.
« Une limitation de l’offre peut entraîner des abus de pouvoir de marché et des tarifs, et des prix plus élevés pour les consommateurs », prévient l’Organisation.
Le surdimensionnement des navires soulève par ailleurs quelques préoccupations. Entre 2006 et 2022, la taille des plus grands porte-conteneurs du monde a plus que doublé, passant de 9.380 équivalents vingt pieds (EVP) à 23.992 EVP. La taille du plus grand navire dans chaque pays a presque triplé, de sorte que les navires ont augmenté plus rapidement que les volumes de cargaison pour les remplir. La Cnuced recommande de la vigilance aux autorités de régulation de la concurrence et aux autorités portuaires afin d’éviter des pratiques de position dominante et d’entente. (Avec Inspirations ECO )