Nous sommes à Tanger où il fait encore nuit quand Salima Kadaoui, présidente du sanctuaire local de la faune, commence sa journée.
En ces heures précédant l’aube, des chiens en liberté appelés « beldis » errent dans les rues de la ville.
Notons que, sur environ 3 millions de chiens errants au Maroc, 30.000 vivent dans les rues de Tanger, dans des conditions dramatiques, subsistant de restes de nourriture glanée dans des bacs à ordures et souffrant de maladies telles que la gale et, plus rarement, la rage, ou parfois de blessures.
« On estime que 80 personnes meurent chaque année de cette maladie au Maroc, et la peur de l’attraper constitue la principale cause poussant des personnes à éviter les chiens errants » affirme Salima Kadaoui qui, en 2017, elle et ses collègues avaient lancé le projet « Hayat » (Vie) dans le but de faire de Tanger la « première ville sans rage » en Afrique, à travers la vaccination et la stérilisation de 30 000 chiens, à l’horizon 2025.
Jusqu’à présent, cette mesure a concerné 2 500 animaux, et on prévoie d’augmenter ce nombre avec l’aide financière du ministère de l’Intérieur.
Toujours à Tanger, les chiens malades, actuellement au nombre de 470, qui ne peuvent pas être relâchés, sont accueillis dans un espace de 8000 m2 appartenant au sanctuaire de la faune.
Depuis 2017, ce sanctuaire a fait adopter une soixantaine de chiens par des familles en Europe et au Royaume-Uni, sachant que, malheureusement les adoptions ont été suspendues en juillet dernier, aux Etats Unis, lorsque les « Centers for Disease Control and Prevention » ont interdit l’importation de chiens en provenance de pays considérés comme étant à haut risque en matière de rage.
De ce point de vue, Salima Kadaoui estime que la solution n’est pas vraiment dans l’adoption, mais plutôt dans le fait que les humains apprennent à vivre en harmonie avec les chiens et à prendre soin d’eux.
Pour ce faire, elle souhaite que la population de Tanger devienne une communauté modèle de coexistence avec ces animaux,.
Par exemple, un citoyen pourrait avoir la sensibilité de déposer un bol d’eau dans un coin de rue par une journée de grande chaleur, quoique de son point de vue, cela ne suffirait pas vraiment à assurer la sécurité de la faune.
Dans certaines zones, on abat ou on empoisonne des chiens errants pour en débarrasser l’espace public et réduire les risques.
A ce propos, en 2019, le ministère de l’Intérieur avait annoncé qu’e l’on cesserait d’éliminer ces chiens et que l’on se concentrerait sur leur stérilisation et leur vaccination, répondant ainsi aux demandes du National Geographic Cependant de nombreuses vidéos publiées par la suite, sur les réseaux sociaux ont révélé que des chiens continuaient d’être abattus.
A Tanger, afin de modifier la perception de la société envers les chiens, et bien qu’elle rencontre beaucoup de difficultés, Salima Kadaoui affirme avoir fait des progrès significatifs dans la réduction de la transmission de la rage, à la fois en vaccinant les animaux et en éduquant les citoyens. Dans cette démarche, elle se rend régulièrement dans les écoles pour enseigner aux enfants des stratégies permettant de vivre avec les chiens de rues, comme, par exemple le fait de ne pas approcher ou provoquer ces animaux.
« L’un des plus gros problèmes est qu’on nous apprend à craindre les chiens, ce qui nous donne une impression de danger en approchant ces animaux » explique la présidente du Sanctuaire de la faune à Tanger, donnant l’exemple du chien qui aboie et court après quelqu’un, laissant craindre une agression, alors qu’en réalité cette bête agit simplement par « curiosité ».
Avec un brin de satisfaction, Mme Kadaoui admet que de nombreux habitants de Tanger sont devenus protecteurs de chiens beldis.
« L’année dernière, une vidéo est devenue virale, montrant un gendarme marocain interrompre la circulation pour sauver un chiot égaré.
La présidente conclue en ces termes : « Ce n’est pas toujours facile à admettre par certains, mais l’amour et la joie que donnent ces animaux n’ont pas de prix. Parvenir à les adopter est un travail des plus gratifiants au monde ».