C’est là que Bachir DEMNATI eut l’audace de montrer à la légendaire formatrice ses « pyramides ».Eberlué, dut me conter l’artiste, elle lui dit :
« ca, ce n’est pas vous ». Le déclic fut déterminant.
Choqué, Bachir lance le défi. Et ce sera une première sortie au Casino de Tanger, sous l’œil orgueilleux de ses contemporains à l’époque, Ahmed Ben Driss Yakoubi et Mohamed CHABAA.
Ayant créé jusqu’alors en autodidacte convaincu, une formation doit se faire attendre. Et c’est direction Bruxelles pour des études à l’Ecole Nationale Supérieure et d’Architecture et des arts visuels. C’est là qu’il s’évertuait paradoxalement à éviter tout attrait de la peinture y compris les galeries et lieux d’Art, oubliant qu’à l’école d’Architecture, il suivait des cours d’esthétique des formes, outre différents modules ayant trait à l’art, en général, de toute évidence, tout en continuant à dessiner spontanément dans ses nombreux carnets.
Fort de son diplôme en 1969, Bachir DEMNATI se distingue très tôt comme architecte d’intérieur au plus grand cabinet du nord dit «Guy Steiner ». Un élan d’architecte qui ne laissera pas passer inaperçue sa vocation de peintre. Il expose alors ses travaux au Casino municipal de Tanger en 1970.
Deux années plus tard, il est membre fondateur de l’AMAP. Entre 1976 et 1978, il participe à des expositions mais les offres dans son cabinet l’emportent sur son élan en matière de peinture.
En 1978, de retour de Marrakech pour une visite de chantier, c’est un terrible accident qui le condamna trente jours au coma. Mohamed Ben AAISSA et feu Mohamed MELEHI ont bien été à son chevet pour l’encourager et lui souhaiter bon retour à la scène artistique.
Sitôt rétabli, l’emprise du cabinet d’architecture et de décoration était la plus forte. L’homme disparut presque totalement de la scène plastique sans pour autant bouder ses dessins et croquis.
Il aura fallu attendre trente six-ans ou un peu plus pour que Bachir DEMNATI cède au joug de la création artistique. Et ce n’est qu’en l’an 2014 que le retour fut déterminant, après que l’homme eut assuré de quoi mener une vie confortable et sans soucis matériels.
Ce ne fut point une simple réconciliation sur un coup de tête ou suivant quelque caprice éphémère mais une décision murement réfléchie. Il s’agissait bien de revenir, nanti de moult expériences, à ses idées et esquisses trop longtemps tues, dont certaines depuis les années 1960, et de créer sur la toile avec de l’acrylique, pour de nouvelles créations.
Autant de charges créatives que Bachir DEMNATI, avec cette fois, sa casquette de peintre, laissa émerger, avec cet esprit inventif tels ces collages sur plexiglas, au lieu des projets de collages d’antan sur bois laqué. Et c’est un autre pari que sous-tendent ses vieux soucis de perfection.
Ses recherches des années soixante, ne le satisfont guère, selon ses propres aveux. A chaque démarche, il sentait continuellement un certain manque au point que toutes ses œuvres lui paraissaient inachevées car il avait ce sentiment que l’œuvre aspirait à rechercher à s’étendre sur une surface beaucoup plus vaste et qu’il faudrait une certaine transparence à même de présager un mouvement vif et continu, d’où ces collages parfois même transparents en bandes de vinyle sur fond de panneau laqué à l’extrême, de façon à oser déborder le champ de son œuvre, une manière tangible de signifier que son concept allait au-delà du support, pour un champ, et donc une vision plus vaste.