La nouveauté, cette année, de la 16ème édition du Festival national du film (FNF) qui s’est ouverte le 20 février et qui sera clôturée ce samedi, fut la mise en place, en amont du festival, de comités de sélection pour arriver à présenter 15 longs m
Le 04-03-2015 à 15:30:05
d’univers différents

Un producteur réalisateur se demandant ce que cet homme savait du cinéma marocain, du cinéma tout court. Puis un scénariste refusant le replis sur soi-même, l’aveuglement outrancier, la fermeture de la fenêtre ouverte par NourEddine Sail et encore un réalisateur expliquant que la majorité des réalisateurs de sa génération sont allés dans des écoles étrangères pour apprendre le métier, proposant à Laroussi de lire les génériques des films, il y verra qu’une grande partie des films sont tou
és avec des chefs opérateurs étrangers, qu’ils sont aussi souvent montés et mixés à l’étranger, et surtout que des producteurs étrangers prennent les risques que personne ne veut prendre ici dans un système de financement unique. La plupart des professionnels du cinéma marocain vivent aussi à l’étranger, pourquoi?
ces sélections 2015 ?
Beaucoup de premiers films, du n’importe quoi qui engendrera un bémol face à ceux qui se glorifient d’une production riche en quantité. Ce ne sont pas les chiffres quantitatifs qu’il faut retenir mais le culot et la prétention de ceux qui se déclarent cinéastes avec une première réalisation de film. Un peu d’humilité serait bienvenue chez ceux qui se voient déjà sur la Croisette. Le chemin est long….
Le meilleur? Difficile à trouver cette année? Quelle est rude la tâche des jurys. En cours de semaine, pour prendre la température dans le groupe de réflexion, la question: «y-a-t-il des tentatives de suicide face au désespoir des projections?» La réponse fut «non mais on attend la fin avec impatience!» Voilà l’écho de la salle.
Tarik El Idrissi
A noter qu’un documentaire très académique mais précis et agréable à suivre s’est retrouvé dans la sélection. Alors comment le récompenser face aux larmes au coin de l’oeil de Laroussi à la fin de la projection?
Pas de jeu d’acteurs mais il peut prétendre au podium, peut-être avec une mention pour être revenu sur la dure période des années 1958-1959 dans le Rif.
Quant à la variété des sujets traités, on remarque 3 films sur le cinéma. Trois axes, trois aventures , une Indienne dans un bidonville, une dans une production actuelle dans le sud marocain et le court métrage sur le cinéma de campagne de Asmae El Moudir.

En fait, 6 longs métrages peuvent normalement avoir un avenir dans les salles du pays et à l’étranger si on aime le cinéma cinéma.
La moitié du ciel, de Abdelkader Lagtâa, une production très réussie sur les années 70, l’emprisonnement et les tortures du poète Laabi, un film difficile à réaliser, avec une musique hyper bien dosée et en harmonie avec les scènes difficiles. Lâagta est une valeur sure du cinéma marocain qui méritera d’être récompensé un jour. Cette
année à Tanger pour le Prix de la meilleure interprétation féminine? Peut-être, au minimum.
L’orchestre des aveugles de Mohamed Mouftakir. On revient dans les premières années du règne d’Hassan II avec une ambiance douce, des Peugeot 403, des SIMCA, des P60 dans les rues. Mouftakir pose un regard sur la vie quasi communautaire d’une famille et de voisins très proches avec tous les partages mais aussi les risques, la tentation, et au milieu, des enfants qui surprennent des scènes intimes d’adultes pour les recopier innocemment. Et puis il y a cet orchestre qui unit tout le monde. Une belle fresque des années 60.
Karian Bollywood de Yassine Fennane. La passion du cinéma habite le héros du film qui vit très modestement dans un bidonville du royaume. Il voue un culte pour le film «Disco dancer» et entreprend le tou
age de son rêve dans son quartier tout en attirant dans un rôle celle avec qui il envisage une relation. Avec rien, il tou
e avec un Iphone, la terrible passion va aboutir au prix de multiples handicaps, avec une violence qui est là en embuscade. Un film d’espoir réussi, car dans les bollywood, tout fini bien.
Dallas de Mohamed El Majboud. C’est un film sur le tou
age d’un film. Belle production, bien écrit , bien filmé, bien joué, des travellings et plans séquences comme dans les productions américaines. D’ailleurs, le film est tou
é dans les décors majestueux de Ouarzazate qui ont dû servir à des productions américaines. Peut-être le meilleur rôle masculin pour Dallas, un réalisateur au placard qui ressort avec énergie dans un film de commande semé d’embûches. Il devra pour sauver sa réalisation modifier le scénario et faire tou
er un mort. Une comédie vraiment très agréable qui nous invite sur le plateau de tou
age aux cotés d’une assistante au combien efficace. Certainement un beau succès en salle à venir.
Les Transporteurs de Said Naciri. Quel souffle ! Quel rythme! Naciri qui a écrit le scénario a certainement passé de longs mois à dérouler la quantité effarante de scènes et à l’écriture des dialogues. Il y a un débit surprenant. Des rebondissements, des cascades, des surprises, tous les ingrédient d’une comédie qui est restée déjà 3 semaines au cinéma Roxy totalisant 4000 entrées. C’est déjà un succès populaire. Comment le jury verra ce film?
Aïda de Driss Mrini. Encore un rôle de femme très bien joué. Un sujet délicat, la longue maladie, la fin de vie annoncée. Vient s’ajouter la jalousie qui s’invite d’un seul coup dans un couple à la vie stable, bourgeoise. L’amitié, armée de compréhension favorisera la place de l’amour au final et la vie continuera son chemin.

Nous aurons vu la confirmation d’une cinéaste qui présente toutes les qualités pour un avenir très prometteur. Asmae El Moudir est la pépite qui illumina le festival. Nous avons encore en tête le court métrage qu’elle était venue présenter l’an passé, «Mémoires anachroniques», un film produit par la FEMIS de Paris, dans lequel Asmae avait écrit le scénario, réalisé, monté le film, dans lequel elle jouait aussi. Bref une élève très sérieuse qui entre dans l’univers du 7eme art en confirmant cette année son amour et son savoir faire .
Bout à bout. C’est la belle histoire d’un cinéma de campagne tenu par un grand père qui va se voir remplacé par son petit fils de 11 ans. Une très belle photo, Asmae a utilisé un drone pour le début du film qui nous emmène dans l’histoire d’une fermeture annoncée. Le gamin ne l’entend pas pareil, il passe aux machines avec des yeux remplis de bonheur que nombreux vont partager.
Jennha de Meryem Ben M’barek. Un film de 18 minutes produit par l’INSAS de Bruxelles. Jennah, une jeune adolescente, grandit. Cette évolution se passe à travers une relation difficile avec sa mère et la découverte de sa féminité. C’est le film de fin d’étude de la jeune réalisatrice. Il a remporté le Grand Prix du meilleur court-métrage de fiction au Rhode Island Inte
ational Film Festival et par conséquent a été en lice pour les nominations aux Oscars 2015.
Voilà ceux qui se détachent du lot proposé et qui répondent à la définition de ce qu’est le cinéma.
Les questions entendues au bord de la piscine: «fallait-il faire un festival pour 8 films montrables? Ne faut-il pas dans ces conditions, au constat d’un grand déchet,faire le festival tous les 2 ans?»
Encore: «les distributeurs étrangers présents au festival n’ont rien retenu, aucun film sélectionné parmi les longs métrages»….
«C’est bien de se réjouir que 50% des films présentés sont des premiers films, c’est la preuve que les jeunes sont bien là disait le Directeur du CCM mais avec quelle formation? Aucune, avant de présenter un long métrage, un long chemin d’apprentissage est nécessaire. Ce n’est pas valoriser le cinéma marocain que de montrer dans un festival national des créations opportunes, prétentieuses, nourries d’orgueil mal placé. Cela ne suffit pas pour faire des cinéastes» dira un responsable étranger d’un centre de formation.
Un réalisateur producteur: «mais les jeunes manquent d’inspiration, ils ne rêvent pas ils ne peuvent donc pas nous faire rêver. Ils racontent ce qu’ils voient de mal, de l’alcool en abondance et des putes».
«Il est temps de se ressaisir dans la bonne direction. Un livre blanc avait été produit par l’équipe précédente du CCM, deux ans de réflexion de concertation. Aujourd’hui ce travail est à la poubelle. On recommence à parler, parler encore. IL faut agir sur la méthode de financement, sur la formation, les deux grandes priorités. Il faut de la rigueur, arrêter de se recroqueviller sur nous même sur nos couleurs. Ouvrons nous mais soyons intransigeant avec les nouveaux venus, ces jeunes maladroits qui viennent nous narguer dans leurs belles voitures et en jouant aux arrivistes que l’on voit à Miami ou à Hollywood.»
Sur ces bonnes paroles qui reflètent l’ambiance et les attentes du monde du cinéma, ce soir le palmarès sera connu. Quelles grilles de notation les jurys auront-ils utilisées? Quels critères leurs auront servi pour choisir à leurs yeux les meilleurs.
Nous en reparlerons dans notre prochaine édition.
N.M