Il ne se passe pas une heure sans remarquer le passage d’une ambulance roulant à tombeau ouvert, avec sirènes hurlantes, se frayant un chemin vers les urgences de l’hôpital.
Neuf fois sur dix, il s’agit de l’évacuation d’une victime de la route.
Au Maroc, la circulation routière fait chaque année 4 000 morts et des dégâts matériels estimés à 14 milliards de dirhams, soit environ 2% du PIB, dans des accidents principalement dus à l’inadvertance des conducteurs, au non respect du code de la circulation et du roulage et à l’excès de vitesse, auxquels il faut ajouter l’imprudence des piétons en milieu urbain.
A Tanger, le phénomène est réellement inquiétant à cause de certaines spécificités en relation, notamment, avec le transport du personnel d’entreprise et la débâcle causée par les taxis.
Dans notre ville, trois grandes artères sont réputées pour être meurtrières en matière de circulation automobile. Il s’agit de l’avenue des FAR menant à la sortie de Tanger vers Rabat; l’avenue Moulay Rachid conduisant à l’aéroport, surnommée, à juste titre, « le boulevard de la mort » et, à moindre mesure, la route de sortie vers Tétouan.
Malgré les quelques radars récemment installés sur ces trois artères, la plupart des automobilistes, insoucieux de leur sécurité et de celle d’autrui, se donnent à cœur joie en appuyant comme des forcenés sur le gaz.
C’est le cas, notamment, de ces conducteurs de minibus affectés au transport du personnel aux usines situées au sein des zones industrielles de Gzenaya et de Moghogha.
Ces forcenés du volant, tenus par le respect d’un horaire très rigoureux imposé par des patrons d’usines, n’ont qu’une idée en tête : transporter un maximum de personnel en faisant plusieurs voyages, allers et retours, en un temps record chronométré.
Ce genre de comportement rend ces chauffeurs, la plupart jeunes et inconscients, totalement insensibles aux dangers de la route.
C’est ainsi que, lorsqu’ils tombent dans le piège de leur imprudence, et cela arrive souvent, les résultats sont catastrophiques : on compte des pertes humaines et des blessés par dizaines, quant aux véhicules, la plupart sont irrécupérables. Cela outre les préjudices pour les familles.
Un véritable drame pour la société.
Pour ce qui est de l’anarchie causée par les chauffeurs de taxis, le problème est autre. Certains sont de véritables névrosés qui s’approprient délibérément la chaussée, roulant comme des forcenés , dépassant dans tous les sens, s’arrêtant n’importe où et n’importe comment au beau milieu de la chaussée, et dictant leur propre loi aux autres automobilistes qui n’ont pas droit à la parole.
Nous pourrions aussi évoquer le cas de ces chauffeurs de bus et de poids-lourds qui profitent de la masse de leurs véhicules pour s’imposer sur la route, ou encore ces motocyclistes qui arrivent en pétaradant avec des échappements sonores, faisant des acrobaties pour se faufiler dans tous les sens entre les files de voitures afin de se frayer un chemin, bon gré, mal gré.
il y a aussi ces gardiens de voitures qui se croient permis d’entraver la circulation en bloquant des files de voitures pour donner la priorité à leur client de stationner ou de quitter un parking.
Il y a enfin, ces piétons étourdis qui foncent à travers la chaussée, pour traverser, tête baissée, en dehors des passages pour piétons, ou qui délaissent le trottoir pour marcher au beau milieu de la chaussée, parfois trainant des enfants en bas âge, qu’ils exposent inconsciemment au danger probable d’être renversés par un véhicule.
Devant ces lourds constats, que peut-on donc faire ? Surtout que les forces de l’ordre ne peuvent pas être toujours présentes partout et en tout temps?
Selon des experts en circulation routière, il y aurait, entre autres, quatre formules à adopter : la sensibilisation, la dissuasion, la répression et la pénalisation.
Des séances de sensibilisation au respect du code de la route, peuvent, en effet, se faire par voie de presse écrite et électronique, à la télévision, à la radio et à l’école. C’est aussi le rôle des associations de la société civile.
La dissuasion peut se faire à travers une signalisation routière avancée et la multiplication de radars incitant à la limitation vitesse.
La répression et la pénalisation se fera, en dernier recours, à l’aide de procès-verbaux dressés les forces de l’ordre, pour toute infraction constatée, et à travers la nouvelle formule qui s’avère efficace, des ordres de paiement par voie électronique, comme c’est le cas pour les chauffards pris en flagrant délit d’excès de vitesse, au passage devant un radar.
Rappelons qu’en 1978, à la suite d’une recrudescence à Tanger, d’accidents mortels provoqués par des chauffards de minibus affectés au transport du personnel d’entreprise, la police de la circulation avait déclenché une campagne de contrôle ciblant ces véhicules dont certains ne respectent ni la limitation de vitesse, ni la priorité et encore moins les piétons qui traversent la chaussée.
Quoique ce tour de vis de la police ne semblait pas plaire aux responsables des sociétés propriétaires de ces véhicules qui avaient organisé, un sit in de protestation contre ces mesures qui, selon eux, occasionnaient une perturbation dans le travail, la situation s’était relativement améliorée, soulageant l’opinion publique qui commençait à désespérer devant tant de terreur semée dans les artères de la ville.
En fait, le problème de la circulation routière est très épineux et ce qui serait souhaitable, c’est la contribution de tous pour une prise de conscience collective afin de mettre fin, ou du moins atténuer les effets de cette guerre des routes, sans cesse menaçante pour la vie, la santé et les biens des citoyens.
Khaoula NACIRI