Nous sortons de dix ans de gouvernance un peu spéciale,. faisant partie d’une transition exceptionnelle dans la vie politique du royaume du Maroc.
Aujourd’hui, sans revenir sur des détails de bilans tantôt positifs, tantôt mitigés, on constatera qu’on n’a pas reconduit, à quelques exceptions près, de ministres du gouvernement sortant. C’est que l’on aspire, tout simplement, à un avenir annonciateur de changement prometteur.
Cela s’annonce probable avec les ministres du gouvernement Akhannouch qui sont majoritairement jeunes, avec des profils de technocrates, qui semblent plus ou moins répondre à des conditions prédéfinies, et, de prime abord, aucune équipe gouvernementale n’a suscité autant d’attentes et d’espoirs de la part des Marocains.
Pour ne pas brouiller le tableau, la première des importantes priorités que nous recommandons à ces nouveaux cadres de l’Etat, est celle de s’attacher à nourrir, dès le départ, le souci de prouver au peuple Marocain que l’on ne s’est pas trompé en leur faisant confiance.
Finies, donc, les prouesses et promesses électorales. Maintenant, il s’agit de regarder dans les tiroirs pour prendre connaissance des priorités auxquelles il faut s’attacher bec et ongles.
La nouvelle équipe gouvernementale donne l’impression d’être composée de chargés de mission, beaucoup plus que d’éléments politiques, avec un objectif principal commun, celui de donner corps au fameux projet de développement, pas seulement sur le plan économique, mais aussi sur des questions qui touchent au social, au culturel, à l’humain.
Concrètement, quelles priorités souhaitent les Marocains ?
En fait, les regards se tournent, depuis toujours, vers quatre secteurs , les plus mal en point et qu’aucun gouvernement n’a jamais pu redresser de façon pragmatique, à savoir l’Enseignement, la Santé, la Protection sociale, ainsi que l’Emploi des jeunes.
En s’attaquant de front à ces secteurs-clés, le gouvernement Akhannouch aura gagné le pari en redonnant confiance au citoyen.
Le caractère d’urgence que revêtent ces secteurs n’est un secret pour personne.
Dans le domaine de l’Education, les tentatives mises en chantier jusqu’à présent n’ont réussi que partiellement à améliorer la qualité et la réhabilitation de l’école publique.
La réforme de l’Education reste tributaire de la consolidation de la gouvernance relative à la gestion des ressources humaines dans ce domaine, notamment en matière de recrutement contractuel et de gestion décentralisée.
Par ailleurs, les problèmes auxquels fait face le secteur de la Santé, en particulier dans le volet relatif à sa gouvernance, à la répartition territoriale des établissements de soins, à la disponibilité des équipements médicaux et des médicaments, des ressources humaines et au niveau de l’accès aux prestations dans des conditions préservant la dignité des patients, sont tributaires d’importants crédits.
En outre, il s’agit de préserver le pouvoir d’achat du patient concernant, entre autres, l’exonération de la TVA avec une remise sur certains médicaments onéreux.
Pour ce qui est de l »emploi, en particulier des jeunes diplômés, le renforcement de l’employabilité des jeunes est intimement lié à la consolidation du rôle du système éducatif en matière d’intégration des jeunes dans le marché du travail. Il s’agit donc de favoriser l’intégration de l’enseignement des langues à tous les niveaux de l’enseignement, à promouvoir l’orientation éducative et à réformer la formation professionnelle pour la mettre au niveau des exigences du marché de l’emploi.
Ce qui est nouveau sur le plan pratique, c’est que le gouvernement aura l’avantage de pouvoir compter sur une majorité parlementaire pour l’appuyer.
D’autre part, dans son discours du 8 octobre, à l’occasion de l’ouverture de la nouvelle année législative, le Roi Mohammed VI incite le gouvernement à établir et mettre en œuvre des stratégies tridimensionnelles, à un moment où le Maroc entre dans une phase nouvelle qui requiert la mutualisation des efforts autour des priorités stratégiques, afin de poursuivre le processus de développement et de relever les défis extérieurs, ainsi que de consolider la place occupée par le Royaume, renforcer la sécurité stratégique du pays et assurer la liaison entre la gestion de la crise pandémique et la poursuite de la relance économique, d’autant plus que cette crise a révélé le retour en force du thème de la souveraineté, qu’elle soit sanitaire, énergétique, industrielle, alimentaire ou autre, et l’enjeu de sa préservation.
Le discours royal a souligné que le Maroc a réussi à gérer ses besoins en produits de première nécessité, et à assurer un approvisionnement normal et suffisant de ses marchés, à un moment où de nombreux pays ont connu d’importants dysfonctionnements dans ce domaine.
Les transformations qui s’accélèrent dans le monde nécessitent la création d’un dispositif national intégré ayant pour objet d’assurer une réserve stratégique de produits de première nécessité, notamment alimentaires, sanitaires et énergétiques répondant aux besoins nationaux en la matière, afin de consolider la sécurité stratégique du pays.
Le nouveau gouvernement doit donc assurer l’opérationnalisation effective du modèle de développement et lancer une nouvelle génération de projets et de réformes intégrés, partant du fait que « le Pacte national pour le Développement » représente un levier essentiel pour la mise en œuvre de ce modèle constituant un engagement national à l’égard des Marocains.
Pour ce faire, le gouvernement doit mobiliser les ressources nécessaires pour assurer la mise en œuvre du nouveau modèle de développement, et parachever les grands projets déjà lancés, au premier rang desquels le chantier de généralisation de la protection sociale revêt une importance capitale aux yeux du Roi et du peuple.
Dans cette optique, le défi majeur consiste, répétons-le, à opérer une véritable mise à niveau des systèmes de l’Enseignement, de la Santé, de la Protection sociale et de l’Emploi des jeunes, conformément aux meilleurs standards et en synergie totale entre secteurs public et privé.
Le gouvernement et le parlement, majorité et opposition, ont l’entière responsabilité d’œuvrer de concert avec toutes les institutions et les forces vives de la Nation pour le succès de cette étape, et de faire preuve d’esprit d’initiative et d’engagement responsable, loin des bas calculs politiques.
Enfin, le chef de gouvernement et certains ministres souffriront, sans doute, de manque de temps pour leur agenda ministériel du fait qu’is occupent déjà des fonctions locales à la fois hypersensibles et complexes, comme celles de maires de grandes villes.
Ne serait-il pas judicieux de créer une loi pour mettre un terme à ce genre de cumul, sachant que la bonne gouvernance plaide pour le partage des tâches et des responsabilités.
Dr Abdelhak BAKHAT