La Guerre du Rif : Mohamed Ben Abdelkrim (5)
Le 27-04-2015 à 13:17:39
Mémorial du Maroc (Tome V) : 5ère partie
Il faut noter aussi que la politique espagnole dans le Rif connut des changements notables au lendemain de la mort du Général Jordana, résident général, connu pour sa « politique du souplesse » et son attention au « courant populaire » . Le nouveau style reste attaché au nom de Général Sylvestre désigné commandant général de Melilla, sous le proconsulat du général Berenguer. Il repose avant tout sur l’usage de la force et sur l’affirmation du rapport de vainqueur à vaincu.
Dès sa désignation en janvier 1920, il s ‘emploie à attaquer les parties non encore conquises du Rif, selon un plan élaboré par lui. Bourré d’ambition, il avait le soutien personnel d’Alphonse XIII. Il rêvait de sauver l’Espagne. Dans l’exercice de ses fonctions au Maroc ; il se montra plein d’orgueil, de suffisance, de mépris pour les Marocains, et tout particulièrement, les rifains. A l’encontre de la pondération de son chef hiérarchique Berenguer, il était pour le mouvement et l’attaque.
Son plan visait à soumettre les Rifains, en brisant leur forces par le milieu, c’est à dire en les brusquant par une attaque surprise dans la baie d’Alhucemas, au cœur même du territoire des Beni Ouriaghel, principale tribu du Rif qui était considérée comme son fer de lance. En s’emparant d’Ajdir, Sylvestre pensait être au bout de la victoire définitive. Si les Beni Ouriaghel baissaient pavillon ; toutes les autres tribus ne pourraient que suivre les exemples.
Il disposait à Melilla d’une force de 24.000 soldats, et comptait sur le soutien de la ga
ison de l’île Nékour qui devait prendre à revers les résistants rifains, à l’approche de son armée. Il disposait, également, d’une section aérienne. En l’absence d’un armement efficace, les Beni Ouriaghel n’avaient pour défense que leurs montagnes. Il leur fallait, donc, empêcher l’ennemi à tout prix d’y mettre pied.

Plus que tout autre, le Cadi Abdelkarim se sentit conce
é. C’est lui qui prit la tête du mouvement de résistance. Il fallait élaborer rapidement un plan de défense. L’entrée des troupes de Sylvestre à Dar Drius met en état d’alerte diverses tribus, qui se sentaient directement menacées, notamment les Beni Saïd et les Temsamane. A la mi-juin, le Cadi Abdelkrim put établir une alliance entre ces diverses tribus pour envoyer une harka commune à Tafersit. Reconnu de tous comme chef, le Cadi avait à ses côtés son fils Mohamed, qui était chargé d’une tâche primordiale, celle d’organiser le système de défense. Mais quelques semaines plus tard, la mort devait terrasser le Cadi Abdelkrim, le 7 Août 1920.
Ben Abdelkrim : renversement de la situation
La harka de Tafersit fut affecté par cette disparition subite, à tel point qu’elle s’en trouva désorganisée et sylvestre put entrer dans cette localité. Il poursuivit son avance dans le territoire des Beni Oulichek et dans celui des Beni Saïd et hissa son drapeau sur le sommet du Mont Mauro le 11 décembre. L’atmosphère était à l’optimise dans le camp espagnol. Un Te Deum de la victoire fut chanté à Melilla le 31 décembre 1920. L’occupation de la ville de Chefchaouen à l’ouest du Rif venait renforcer, entretemps, cette tendance à l’optimisme chez les Espagnols.
La situation semblait désespérée chez les Rifains et le défaitisme gagnait les tribus. Les Temsamane, voisins des Beni Ouriaghel, venaient eux-mêmes offrir leur soumission aux Espagnols. C’est là que Mohamed Ben Abdelkrim, qui prit la succession de son père à la tête du mouvement de résistance fit preuve de décision et de caractère. Ses premières initiatives eurent pour effet de renverser la situation en faveur des Rifaines. Avec quelques partisans de sa propre tribu Beni Ouriaghel, il alla occuper une partie du territoire Temsamane qui surplombe la zone de la baie d’Alhucemas. C’est là qu’il établit sa ligne de défense et bientôt il put faire remonter le moral chez les Temsamane et d’autres tribus.
L’Espagne essaya, entretemps, d’utiliser l’influence de ses amis, parmi les notables Beni Ouriaghel. Mais ces de
ières impressionnées par l’adhésion massive que rencontrait l’appel d’Abdelkrim, se trouvèrent isolés et durent se plier à la discipline commune. Pour mette fin à toutes sortes de rivalités intempestives, Ben Abdelkrim se fit proclamer chef des combattants rifains au cours d’une cérémonie, connue depuis sous le nom de serment d’al Qama, qui eut lieu le 10 mai 1921.
C’est l’une des décisions prises par un conseil de cinquante délégués, représentant les cinq fractions des Beni Ouriaghel et la tribu des Beqqioua, qui se tint là même ou se trouvait la harka, du Jbel Al Qama. Outre l’investiture de Ben Abdelkrim comme chef des combattants les délégués firent serment de rester unis, de ne pas fléchir dans le combat et décidèrent la levée de cent hommes dans chaque fraction à titre de renfort.
Avant de se lancer dans le combat, Ben Abdelkrim essaya d’ouvrir un dialogue pacifique avec les Espagnols. Mais Sylvestre refusa et occupa DharAberrar le 1er juin 1921, mettant la harka sous la menace directe de son artillerie. Mais la harka réagit immédiatement et parvint, le jour même, à reprendre cette position stratégique, en anéantissant les troupes espagnoles.
à suivre – 4ère partie