Nous avons déjà développé, dans une précédente édition de notre hebdomadaire, les effets de la pandémie du Coronavirus sur l’économie marocaine. Mais, vu l’importance et la pertinence du sujet, nous revenons sur la question à la lumière des résultats de la troisième enquête du Haut-Commissariat au Plan (HCP) relative aux effets de la pandémie du Covid-19 sur les activités des entreprises, présentée en sept points-clés, publiés mardi 26 janvier dernier et que nous reproduisons intégralement, ci-après.
La crise liée à la propagation du Covid-19 a eu un impact considérable sur l’économie marocaine, comme c’est le cas partout dans le monde, appelant le royaume à faire preuve de vigilance et de flexibilité afin de s’adapter à ce contexte instable.
L’Etat s’est ainsi mobilisé en proposant différentes mesures dès le début de la crise sanitaire afin de minimiser l’impact de cette pandémie et de préserver la stabilité sociale, d’un côté, et le maintien d’une activité économique stable, d’un autre, et ce malgré le ralentissement que celle-ci a connu.
Mais, la crise sanitaire n’a pas tardé à se transformer en une réelle crise économique.
Aussi, beaucoup d’entreprises de service ou de production opérant dans différents secteurs tels que le Tourisme ou l’Industrie, ont été en arrêt provisoire ou définitif engendrant une baisse, voir un arrêt d’activité et par conséquent beaucoup de pertes d’emploi.
Afin de faire face à cette situation compliquée, l’Etat Marocain n’a épargné aucun effort dans sa gestion de la première phase de cette pandémie. Des décisions rapides et fermes ont été prises, ce qui lui a permis d’être classé parmi les premiers pays à avoir bien géré cette crise et qui ont consacré le plus de moyens financiers. Un comité de veille économique a également été constitué dans le but de discuter et de décider les différentes mesures à entreprendre afin de préserver la situation économique et sociale du pays contre cette pandémie.
Où en est-on aujourd’hui ?
L’étude qualitative exploratoire suivante, porte sur un échantillon de 5 entreprises opérantes dans le secteur industriel pour mieux cerner et répondre à la problématique de départ.
1. Impact sur l’activité des entreprises:
– L’enquête a été menée via la collecte assistée par tablette et téléphone du 22 au 30 décembre 2020 auprès d’un échantillon de 3.600 entreprises organisées représentant l’ensemble des unités opérant dans les secteurs de l’industrie manufacturière, de la construction, de l’énergie, des mines, de la pêche, du commerce et des services marchands non financiers.
– 83,7% des entreprises ont déclaré avoir maintenu leurs activités, alors que 8,1% des entreprises sont toujours en arrêt temporaire, 6% ont dû arrêter temporairement leur activité après une reprise et 2,2% ont déclaré avoir cessé leurs activités de manière définitive.
– Près de 30% des entreprises des branches du transport et entreposage, de l’hébergement et de la restauration sont en arrêt temporaire d’activité.
– 17% des entreprises n’ont pas enregistré une baisse de leurs activités au deuxième semestre 2020.
– La majorité des entreprises de l’hébergement et restauration enregistrent une baisse de 50% et plus de leur activité.
2. Les échanges extérieurs:
– 81,3% des entreprises exportatrices ont déclaré avoir subi une baisse du volume de leurs ventes à l’extérieur pendant le S2-2020, par rapport à la même période de l’année précédente.
– Dans ce contexte marqué par une incertitude et sur l’horizon des douze prochains mois, la vision des chefs des entreprises exportatrices semble un peu pessimiste quant à l’évolution de leurs ventes à l’extérieur. En effet, près de 40% des chefs d’entreprises anticipent une diminution de leurs exportations et 22% en prévoient une légère augmentation sur la même période.
– 79,4% de l’ensemble des entreprises qui s’approvisionnent à l’étranger ont déclaré avoir connu une baisse du volume de leurs importations par rapport à la même période de l’année 2019.
– Les difficultés relatives aux flux des exportations et des importations sont principalement l’augmentation des coûts de transport et les restrictions qui y sont liées pour limiter la propagation du coronavirus, comme l’affirment respectivement 54,9% et 53,7% des entreprises.
3. Impact sur l’emploi privé:
– 37,5% des entreprises organisées ont déclaré que leurs effectifs employés auraient connu une diminution au S2-2020 par rapport à la même période 2019, alors que 2% des entreprises auraient connu une augmentation de leurs effectifs durant cette période.
– La réduction des effectifs employés atteint 50% et plus pour 43% des entreprises ayant déclaré une baisse de leur emploi (37,5%) au 2e semestre 2020, en comparaison avec la même période de 2019.
– Par secteur d’activité, les entreprises de la construction (56%) et celles opérant dans l’hébergement et de la restauration (64%) ont réduit de plus de la moitié leurs effectifs durant le deuxième semestre 2020 par rapport à la même période 2019.
4. Impact sur les investissements futurs:
– Près de 81,1% des entreprises ne prévoient aucun projet d’investissement en 2021, 3,9% entrevoient une baisse du niveau d’investissement alors que 6,4% anticipent une augmentation en 2021.
– Près de 19% des entreprises opérant dans le secteur de l’énergie prévoient une augmentation de leurs investissements en 2021. Ce taux est de 12% pour les entreprises qui exercent dans le secteur des industries agroalimentaires et 11% pour celles qui opèrent dans les industries chimiques & parachimiques.
5. Impact sur la trésorerie:
– 40% des entreprises ont déclaré ne pas disposer de réserve de trésorerie, 8% ont une réserve permettant de tenir moins d’un mois.
– Selon l’ancienneté des entreprises, les résultats de l’enquête révèlent que 44% des entreprises âgées de moins de 10 ans n’ont aucune réserve de trésorerie
– 54% des chefs d’entreprises de l’hébergement-restauration déclarent ne pas avoir de réserve de trésorerie et 9% ont une réserve de moins d’un mois.
– Au terme du S2-2020, environ un quart des chefs d’entreprises anticipent un risque sévère d’insolvabilité contre 32% qui ne prévoient aucun risque. Pour la moitié environ des TPME, l’insolvabilité représente un risque sévère à modéré contre 35% chez les grandes entreprises (GE).
6. Mesures d’accompagnement:
– Face au Covid-19, le Maroc a mis en place un ensemble de mesures d’accompagnement pour soutenir le tissu économique et assurer la survie des entreprises, notamment le report des échéances de crédits pour les entreprises en difficulté, le report des échéances fiscales et d’autres mesures de soutien visant la préservation de l’emploi et de la trésorerie des entreprises.
– 25,8% des entreprises des industries chimiques & parachimiques ont déclaré avoir bénéficié des prêts garantis par l’Etat, 24,8% pour les mines contre 12,2% pour les entreprises de l’hébergement et restauration. Au total, 16% des entreprises déclarent avoir bénéficié des prêts garantis par l’Etat
– Une entreprise sur cinq a bénéficié d’un report des échéances de crédit dans le secteur du commerce, transports et entreposage, industries électriques & électroniques et des industries métalliques & mécaniques.
– Les entrepreneurs bénéficiant de ces mesures de financement sont moyennement satisfaits. En effet, la moitié d’entre eux estiment que ces mesures ont contribué à l’amélioration de la situation de leurs entreprises.
7. Difficultés et stratégies adoptées:
– Faiblesse de la demande et difficultés financières sont les principales contraintes rencontrées. Cette difficulté est considérée comme principale contrainte par 98% des entreprises opérant dans l’hébergement et restauration et par 89% de celles qui exercent dans les industries du textile et cuir.
– Les entreprises ont mis en action un ensemble de stratégies d’adaptation face au prolongement de la crise sanitaire. La réduction temporaire des heures de travail vient en tête de ces stratégies, elle est adoptée par 39,5% des entreprises, suivie par d’un ajustement des effectifs employés pour 24,4% ainsi que le recours au télétravail pour 22,9%.
– 65% des entreprises opérant dans le secteur de l’information et communication affirment avoir eu recours au télétravail pour assurer la continuité de leur activité, suivi par le secteur de l’Energie (47%) et les services aux entreprises (44%).
Concluion :
Personne ne peut nier les retombées et les conséquences économiques et financières de la crise du COVID 19 sur l’économie d’une manière globale et sur les entreprises marocaines, d’une manière plus spécifique. L’impact de cette pandémie à l’échelle nationale voire régionale est très difficile à cerner. À l’heure actuelle, les études menées, qu’elles soient qualitatives ou quantitatives, ne sont basées que sur des estimations approximatives et partielles à cause du flou qui règne toujours. L’exactitude des chiffres ne sera atteinte qu’avec une meilleure visibilité prospective sur les dégâts collatéraux.