Après une décennie à la tête de deux mandats gouvernementaux (2011-2021), le Parti de la Justice et du Développement (PJD) de Abdelilah Benkirane et Saad Dine El Othmani, a enregistré une défaite surprenante aux élections législatives. Seuls 12 de ses candidats siègeront dans la Chambre basse.
Ce résultat serait-il le résultat d’une gouvernance mitigée durant les 10 dernières années ?
En tout cas, ce n’est pas l’avis de Saad Dine El Othmani.
Mais, survolons d’abord le mandat de son prédécesseur Abdlilah Benkirane par qui le recul aurait commencé, estime-t-on.
Ayant pris la tête du gouvernement le 3 janvier 2012, Benkirane a dû gérer une majorité vacillante et s’est vu contraint de se séparer de collaborateurs empêtrés dans des scandales : Mohamed Ouzzine, à cause d’un stade inondé lors du match d’ouverture de la Coupe du monde des clubs, ou encore le couple Choubani-Benkhaldoun, dont l’idylle a tenu en haleine l’opinion, eu égard à l’image qu’on donnait du PJD. Des affaires, pour ne citer que ces deux cas, qui ont donné du grain à moudre aux adversaires de Benkirane. Si l’on ajoute à cela une série de manifestations et des mesures, peut-être judicieuses, mais impopulaires, comme celle de la caisse de compensation, entre autres, qui ont altéré le capital sympathie de Benkirane , on comprend que son mandat 2011-2016 se soit achevé en queue de poisson.
Lui succéda alors Saad Dine El Othmani qui a présidé deux gouvernements durant le dernier mandat des cinq dernières années 2016-2021 et qui vient d’ exposer un bilan de l’action gouvernementale en séance plénière conjointe des deux chambres du Parlement, s’attachant à refléter l’image d’une majorité “unie”.
Voyons d’abord quel organigramme s’est tracé le gouvernement El Othmani pour mener son action dès le départ.
Le programme gouvernemental 2016-2021 comportait 38 objectifs chiffrés ayant une relation avec les aspects socio-économiques de la vie des citoyens. Le gouvernement a communiqué à plusieurs reprises pour présenter les efforts déployés pour atteindre ces objectifs. En finale, 34% des objectifs cibles du programme du gouvernement ont été réalisés et 32% ont connu un niveau de réalisation très avancée. En revanche, 13 % des objectifs ont enregistré un rythme de réalisation moyen et 18% des objectifs ont connu un rythme de réalisation relativement faible, principalement sous l’effet de la pandémie du covid 19.
Malgré tout, saluant le rendement de tous les ministres de son gouvernement, El Othmani a défendu “ un plan exécutif ” qui comprend des objectifs et des mesures prises dans chaque secteur grâce à une implication collective des membres, malgré les conditions imposées par la pandémie”,
Le chef de l’Exécutif a cité les mesures prises en matière d’appui social (Programme tayssir, appui financier aux veuves, bourses…) tout en faisant un focus particulier sur les secteurs de l’Enseignement et de la Santé. “Une attention particulière a été accordée à ces deux secteurs, tant sur le plan de l’augmentation du budget que des postes budgétaires”, dira-t-il.
Par ailleurs, le chef de gouvernement a aussi insisté sur les réalisations de secteurs productifs, l’amélioration du climat des affaires grâce aux réformes législatives et organisationnelles qui ont été menées ainsi que l’évolution enregistrée par le secteur industriel (augmentation des exportations, politique de substitution des importations par des industries locales…) et ce, «en dépit des aléas de la pandémie» dira-t-il.
El Othmani a également cité le chantier de l’amélioration du volet de la gouvernance à travers, entre autres, le lancement du grand chantier de la simplification des procédures administratives qui a franchi des étapes importantes et qui sera soutenu par la généralisation de la digitalisation de l’ensemble des administrations.
Côté affaires étrangères, le chef de gouvernement sortant a indiqué, de façon réaliste, que la diplomatie marocaine a remporté de grands succès, sous la conduite éclairée du Roi Mohammed VI, qui ont freiné les adversaires de l’intégrité territoriale au niveau international, renforcé la présence marocaine sur le continent africain, et révélé au grand jour les intentions et les fausses revendications de nos opposants”, soulignant, à juste titre, que l’ouverture de 22 consulats étrangers à Dakhla et à Laâyoune reflète la teneur de ce succès diplomatique”.
Sur un autre volet, El Othmani a indiqué : «Nous avons pu tenir de nombreux engagements pris dans le cadre du programme gouvernemental en menant à bon port de nombreuses réformes structurelles qui impacteront positivement la vie des Marocains», dira-t-il, soulignant que l’Exécutif a réussi à fixer le cap et baliser le terrain pour les prochains gouvernements pour poursuivre la mise en œuvre de nombreux chantiers, notamment la réforme de l’Education, l’implémentation du projet de décentralisation, la simplification des procédures et bien d’autres.
Si l’on n’a pas encore enregistré de véritables réactions à cet exposé plutôt optimiste du chef de gouvernement sortant, il faut tenir compte des habituelles interventions musclées des groupes de l’opposition dans les deux chambres du parlement.
Certains s’attachent à démontrer les lacunes du mandat gouvernemental d’El Othmani qui, selon eux, auraient été rythmé par des imperfections ayant impacté l’action gouvernementale. L’Exécutif, avance-t-on, serait taxé de manque d’homogénéité entre ses composantes et de tensions intestines entre les partis formant la coalition gouvernementale, ce qui auriait créé des blocages et des lenteurs au sein de la majorité gouvernementale, en déphasage avec les attentes urgentes des citoyens et des opérateurs économiques.
On retiendra aussi que le taux de chômage s’est accru de deux points entre les premiers trimestres de 2020 et de 2021, passant de 10,5 % à 12,5 %?
Si le gouvernement attribue ce recul aux répercussions de la crise sanitaire, il faut noter que même avant la pandémie, ce taux était loin de l’engagement gouvernemental.
En ce qui concerne la croissance, le gouvernement s’était engagé à réaliser un taux situé dans la fourchette entre 4,5 % et 5,5 %, mais cet engagement n’a pas été concrétisé.
D’un autre côté, pour souligner la droiture de son exécutif, le Chef de gouvernement s’est dit prêt pour la reddition des comptes. “Autant nous sommes fiers du résultat positif, honorable, et même sans précédent dans un certain nombre de secteurs, autant nous sommes prêts à la discussion et acceptons la critique et la prise de responsabilité” dira-t-il, ajoutant :“nous sommes conscients que les attentes et les aspirations des citoyens sont très grandes, mais nous pensons que nous n’avons ménagé aucun effort pour servir notre pays et travailler dur pour le développer au mieux sous les hautes dirctives du Roi Mohammed VI”.
Toujours est-il que Saad Dine El Othmani reste convaincu que son mandat touchant à sa fin est “exceptionnel” à tous points de vue et que, d’une manière générale, son bilan est ” très honorable”.
Il s’est dit conscient qu’il aurait pu mieux faire et s’est approprié un adage populaire : “Celui qui prétend que la bouillie est froide n’a sûrement pas mis son doigt dedans”.
Dr Abdelhak BAKHAT