Constat général
En pleine période de sécheresse exceptionnelle et de la vague de chaleur que connaît le Royaume, des incendies se sont déclarés le mercredi 13 et jusqu’au 17 juillet 2022, dans plusieurs forêts au Nord du pays, situées dans les provinces de Larache, Tétouan, Ouezzane, El Ksar El Kébir, Chefchaouen et Taza où la situation était jugée dramatique à cause de la progression rapide des flammes, attisées par des rafales de vent soufflant jusqu’à 45 km/h.
Causes probables
L’enquête n’a pas encore livré toutes les causes réelles qui sont à l’origine de ces incendies et, tant que les investigations ne sont pas bouclées, on continuera à se demander si ces causes sont dues à l’intensité inhabituelle du réchauffement climatique qui sévit en ce début d’été 2022, ou à un autre phénomène. On va jusqu’à évoquer sérieusement l’origine humaine.
A ce propos, l’expert en environnement, développement durable et changement climatique, Said Chakri, est formel : « les incendies de forêt déclarés dans plusieurs forêts de la région du Nord du Maroc seraient d’origine humaine, mais exacerbés par le changement climatique » a-t-il affirmé dans une interview accordée à la MAP, précisant que les causes de ces feux de forêt peuvent être classées en deux catégories : les causes naturelles qui sont en fait rares et représentent moins de 5% des causes des incendies, et celles humaines liées au comportement irresponsable des humains, à l’indifférence ou la méconnaissance des dangers de certaines pratiques (mégots de cigarettes, allumage de feux dans les forêts pour cuisiner des repas, brûlage du couvert forestier pour exploitation agricole).
La probabilité de l’action humaine évoquée par l’expert Said Chakri est corroborée par l’arrestation par les gendarmes à Tanger, d’un suspect se disant garde-forestier auxiliaire ayant perdu son poste de travail.
Après avoir allumé le feu une première fois, pour prouver qu’il était indispensable au gardiennage de la forêt, le pyromane a tenté de récidiver le dimanche 17 juillet courant, mais il a été pris sur le fait.
Concernant la propagation et l’intensité des incendies déclarés dans la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, l’expert estime que les pluies tardives qui sont tombées au cours des mois de mars et d’avril ont entraîné la croissance d’une herbe épaisse, tandis que les températures élevées enregistrées durant le mois de juin et le début de juillet ont provoqué le dessèchement de ces herbes, qui sont devenues très inflammables, et donc toute petite étincelle peut déclencher un grand incendie.
M. Chakri explique que les vents forts qui ont soufflé dans la région ont compliqué la tâche des équipes d’intervention, en plus du déclenchement de cinq incendies distincts à des moments quasi simultanés, notant que le changement climatique est devenu une réalité, et les causes du déclenchement des incendies peuvent se poursuivre dans les années à venir, d’où la nécessité d’adopter une stratégie claire avec la mobilisation des moyens nécessaires pour lutter contre les feux de forêt.
Mobilisation
2.000 éléments des Eaux et Forêts, de la Protection civile, des Forces Armées Royales, de la Gendarmerie Royale, des Forces auxiliaires et des autorités locales, dotés de camions-citernes de première intervention mobilisés avec tous les autres moyens classiques, outre 5 avions « Canadair » et 8 avions de type « Turbo Trush » de la Gendarmerie Royale, sont entrés en action de façon ininterrompue pour affronter simultanément les foyers agressifs des feux de forêts en cinq lieux différents.
Et pour la première fois, des drones ont été utilisés pour détecter et suivre les foyers d’incendies afin de déterminer les priorités des interventions aériennes et terrestres, après étude et analyse des images infrarouges
Dégâts
et conséquences collatérales
Les bulletins de suivi simultanément diffusés par les responsables de l’Agence nationale des Eaux et Forêts (ANEF) ont fait état d’une superficie de 7.800 hectares de massifs forestiers endommagés par le feu, incluant chênes, conifères, pins, arbres fruitiers, espèces végétales secondaires, flore, outre une faune multiple et du bétail.
Tôt dans la journée de mercredi 13 juillet au niveau de la forêt urbaine La Hipica, le feu a engendré la suspension du trafic autoroutier entre Larache et Kénitra. Un autre incident du genre s’est produit sur l’autoroute reliant Tanger à Tétouan.
On déplore le décès tragique d’une personne dont le corps a été découvert atteint de brûlures multiples dans un foyer de feu de la région de Larache et on a annoncé l’évacuation et le transfert vers des lieux sûrs, de 1331 familles réparties sur 20 douars où leurs habitations ont été endommagées ou menacées par le feu, et dont la majorité a pu regagner sa demeure, une fois le danger écarté.
Enseignements à tirer
Comme le recommande plus haut l’expert en environnement, développement durable et changement climatique, Said Chakri, il est nécessaire d’adopter une stratégie claire avec la mobilisation des moyens utiles pour lutter contre les feux de forêt,
Le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, à travers l’Agence nationale des Eaux et Forêts (ANEF), a procédé au diagnostic de la situation et des statistiques, ainsi qu’à l’identification des effets et répercussions sur la programmation des projets intégrés en vue de réhabiliter les écosystèmes touchés, en utilisant des types de forêts adaptés aux spécificités naturelles de chaque zone et ce, à partir de la prochaine campagne de boisement.
Concernant le volet social, et dans le cadre des stratégies « Génération Green » 2020-2030 et « Forêts du Maroc » 2020-2030, une cellule a été mise en place aux niveaux central et local, en coordination avec l’ensemble des acteurs, afin d’identifier les mesures nécessaires et urgentes pour accompagner la population touchée par ces incendies et la programmation des projets intégrés de développement.