Du rapport Professionnel / Film
[color=#999999][size=09]Le 23-10-2017 à 09:51:14 [/size][/color]
[justify][size=12][color=#000066]Les débats entre professionnels de cinéma, ou plutôt les polémiques, car ils polémiquent plus qu’ils n’échangent et discutent, m’ont toujours rebuté ! A tel point que j’avais décidé d’éviter de discuter avec un collègue cinéaste à propos de son film, pour éviter tout quiproquo ou malentendu. Aujourd’hui j’ai envie de parler de ce blocage pour l’exorciser, car cela fait mal. Le de
ier échange polémique entre Mohamed Choubi et Hicam Lasri m’a interpellé et pousser à en parler.
Commençons par le commencement. En quoi consiste le rapport d’un « professionnel de la profession » à un film ? Pour moi, la chose est très simple : le rapport d’un cinéaste au film est assimilable au rapport d’un boulanger au pain, d’un technicien d’une chaîne de montage à une voiture ou d’un agriculteur à un légume/fruit. Le film étant la raison d’être principale du cinéaste, il doit, comme postulat de départ, le respecter, quel qu’il soit. Dès lors, pour un professionnel, dire que « je n’aime pas » ou « je déteste » tel film n’est pas important et n’a pas lieu d’être exprimé, du moins en public. C’est que le rapport d’un professionnel à un film est un rapport d’appréciation non de jugement, d’échange et de dialogue non de notation et de valorisation.
Personnellement, quand je vois un film de Hicham Lasri, ou d’un autre réalisateur, ce qui m’intéresse c’est de relever les spécificités dudit film. Je le regarde attentivement tout en me demandant sans cesse : pourquoi Hicham choisit-il ses thèmes en référence directe ou indirecte à des situations, faits ou personnages réels ? Pourquoi opte-t-il pour ce style de découpage haché, cet incessant cadrage de bougé, ce montage nerveux ? Pourquoi choisit-il de ne montrer ses personnages que dans des moments de perturbation, d’inquiétude et d’obsession jusqu’à la limite de la caricature ? Pourquoi ces dialogues brutaux et crus jusqu’à la limite de la vulgarité et de l’obscénité ?… Ces choix doivent donc avoir des raisons et répondre à des préoccupations esthétiques ou intellectuelles que je dois essayer d’interpréter et de comprendre. Et justement, c’est cela le cinéma : un mode d’expression avec une infinité d’écoles, de styles, de traitements thématiques, esthétiques et techniques…
Aussi, mon rapport à un film de Hicham, comme à n’importe quel film de n’importe quel autre réalisateur, dépasse le niveau de consommation d’un produit anodin, a celui d’un échange indirect, à travers ce film, avec cet autre réalisateur ayant une vision, une conception et des choix cinématographiques différents des miens propres, et peut-être même à l’opposé des miens. Et justement la richesse du cinéma national est dans sa diversité. Si nous nous mettons à faire tous le remake du même film, dans le même style, nous finirons par tuer notre cinéma. En plus chaque film a nécessairement son public, qui lui a parfaitement la latitude et le droit de l’aimer plus au moins, ou de le détester carrément. Mais regarder un film, ne demeure-t-il pas un choix libre et personnel ?
Donc, j’estime que tout « professionnel de la profession », qu’il soit réalisateur/producteur, comédien ou acteur, technicien…, a un devoir de respect et de défense envers tout film marocain, en dehors du fait qu’il l’aime personnellement ou pas. Pour la simple raison qu’on dénigrant le film d’un autre on se dénigrerait soi-même, en dénigrant la profession et en portant atteinte à tout le secteur.
Déjà notre cinéma fait face, depuis bientôt trois ans, à des coups durs qui sont en train de l’asphyxier. Le de
ier en date est cet incroyable choix/parti pris de limiter l’Avance sur Recettes à un montant maximal de trois millions de dirhams par film ! Idée saugrenue, basée sur le « faux argument » qui consiste à estimer que les réalisateurs/producteurs marocains font leurs films à des budgets réels d’environ deux millions de dirhams, mettant la différence dans leurs poches ! Or, aucun des honorables membres de l’actuelle commission qui ont pris cette « décision historique » (l’ont-ils fait tous seuls comme des grands ? Là est une autre question ?) n’a jamais ni produit, ni réalisé un film ! Ils n’ont qu’une idée très vague et très théorique de la réalité de la production d’un film ! Je défie quiconque de produire dans les conditions actuelles, et dans les normes, un film à moins de six millions de dirhams, comme « minimum syndical ». Mon de
ier film « FIDAA » a coûté six millions de dhs sans compter les participations bénévoles et en nature d’amis et de cinéphiles. Et encore, j’ai dû réduire mes ambitions par rapport aux prévisions initiales pour pouvoir terminer le tou
age.
Cela je l’atteste. Et je suis sûr qu’aucun des collègues qui ont eu l’avance sur recettes lors de la de
ière cession ne pourra faire son film dans des conditions normales (ni Laraki, ni Lagtaâ et son producteur notre doyen Latif Lahlou, ni les autres). A moins de pouvoir trouver un complément de budget ailleurs, ce qui m’étonnerait : Les patrons des télévisions refusent toujours de respecter leurs cahiers de charges qui instituent la participation à la production des films nationaux (les grands manitous Laraichi et Cheikh se foutent du cinéma comme de l’an 14000 !), les fonds étrangers sont de plus en plus excédés et le marché des salles s’est rétréci à une peau de chagrin et risque de disparaître complètement ! Là, il faut bien entendre que je suis dans le cas général qui n’exclue pas l’exception : il peut y avoir, effectivement, quelques personnes qui peuvent faire des films à bas coût. Saut que le bas coût suppose un autre bas ! Et puis, on ne peut pas construire une politique sur des données exceptionnelles, sinon c’est l’aberration totale.
Bref, notre cinéma risque l’asphyxie à court terme si la politique actuelle, qui vise justement sa mort clinique, continue. Alors, donnons-lui solidairement de quoi respirer un air plus frais au lieu de l’asphyxier davantage par nos futiles polémiques et nos petits calculs personnels.
Déjà, rien que pour avoir une autorisation de tou
age, « il faut se lever tôt », comme dit l’adage de chez nous.
Attention : les ennemis de notre cinéma s’activent.. [/color][/size][/justify]
[right][size=9][color=#999999] Par :Driss Chouika [/color][/size][/right]
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