En évoquant la plante du cannabis, c’est son aspect stupéfiant qui s’impose aux souvenirs de notre tendre jeunesse, en tant que « kif » fumé dans des cafés populaires où des hommes, appelés « hchaïchias »,assis sur une natte, à même le sol, se passaient, dans un cérémonial traditionnel, une sorte de calumet composé d’une longue tige creuse en bois ou en métal, appelée « Sebssi », avec, au bout, une petite pipe, sorte de mini-cuve en terre cuite, appelée « shkaf » (pluriel : shkofas), d’environ 10 mm de diamètre, garni d’une petite portion de kif (poudre de cannabis ou chira) mélangé à du tabac local moulu, le tout fumé en deux ou trois aspirations à des fins psychoactives.
Voilà donc l’usage récréatif ou la consommation du cannabis traité, en tant que drogue douce.
En 2014, l’Observatoire national des drogues et addictions évaluait à 800.000 le nombre d’usagers de drogue au Maroc, dont 95% de consommateurs de cannabis. Un mineur sur 10 a touché au moins une fois à ce produit, tandis qu’un jeune sur 30 en a fumé plus ou moins régulièrement.
L’impact socio-comportemental du cannabis consommé se traduit par l’impulsivité, la violence, des troubles organiques et psychologiques, la schizophrénie, voire l’amorce d’une maladie mentale.
Après maintes tentatives, le 3 décembre 2020, le cannabis a été retiré de la liste des stupéfiants et, depuis, les écrits scientifiques sont clairs sur les atouts positifs de cette plante désormais légalisée à des fins médicales et industrielles, notamment pour gérer les pathologies mentales lourdes.
Dès lors, on amorce, aujourd’hui, intelligemment, une conversion de l’usage de cette plante vers un usage thérapeutique, en mettant, du coup, fin au marché parallèle de trafic de Cannabis en tant que haschich (drogue), permettant ainsi au royaume de se débarrasser de son étiquette de pays trafiquant de drogue, une réputation surdimensionnée et répandue par certains individus qui ne portent pas les Marocains dans leur cœur. Suivez mon regard !
Quoique le bruit de cette conversion ressemble encore à un bruit inaudible, et que le parti au pouvoir s’y est longtemps opposé, la volonté politique existe au Maroc pour la production, l’exportation et la vente nationale de cannabis à des fins médicales et industrielles.
Le Conseil des ministres a discuté, jeudi 25 février 2021, du projet de loi 13-21 visant à légaliser le cannabis, mais de manière strictement réglementée, après un premier pas franchi avec l’Organisation des Nations Unies qui a accepté, en décembre dernier, d’extraire le cannabis de la liste IV des conventions sur les drogues, lors d’un vote historique ouvrant la voie à la fin de l’interdiction du cannabis.
Aujourd’hui, le marché mondial du cannabis médical est en nette évolution. Pour le Maroc, il s’agit d’une opportunité qui permettra de résoudre la problématique du trafic de drogues et la structuration de cette activité avec un meilleur rendement pour les producteurs.
Sur le plan religieux, le Maroc serait le premier pays islamique à légaliser le cannabis.
Grâce au projet de loi 13-21, relatif à l’usage légal du cannabis au Maroc, qui figurait à l’ordre du jour du Conseil de gouvernement du jeudi 25 février, une nouvelle filière devrait s’ajouter aux 19 filières agricoles déjà existantes au Maroc. Élaboré par le ministère de l’Intérieur, ce texte ouvre désormais la voie à la légalisation tant attendue de la culture du cannabis dans le royaume, à des fins médicales et thérapeutiques
En gros, le projet de loi propose de construire une industrie contrôlée et légaliste du cannabis produit dans six régions du royaume, en regroupant et en organisant les producteurs de cannabis dans des «coopératives» qui vendraient leur récolte, exclusivement à des entreprises locales ou internationales de transformation, abandonnant, du même coup, le trafic à des fins illicites et balayant la corruption dans le secteur.
Parmi les nouvelles conditions formulées par l’article 7 du projet de loi divulgué, il sera désormais exigé des cultivateurs réguliers de cannabis d’avoir la nationalité marocaine et l’âge approprié, d’habiter l’une des régions traditionnellement productrices de cannabis dans le royaume, et d’obtenir une licence appropriée.
Les articles 15 et 16 du nouveau projet de loi proposent, en outre, la création d’un organisme national public, doté de la personnalité morale, appelé « Agence nationale pour la légalisation des activités afférentes à la culture du cannabis » qui se chargera de la mise en œuvre de la stratégie de l’État en termes de culture du cannabis, des circuits de production, de fabrication, de transformation et de commercialisation, exclusivement à des fins médicales, pharmaceutiques et industrielles.
En somme, cette agence sera responsable du contrôle et de la légalité totale de l’ensemble des circuits de ce marché étroitement réglementé par des mesures spécifiques bien étudiées.
Selon un expert en la matière, « le projet de loi était en préparation depuis un certain temps. Aujourd’hui, cette loi est légitimée par l’Organisation des Nations Unies qui a accepté, il y a 3 mois, d’extraire le cannabis de la liste IV des conventions sur les drogues,
Il est important de mentionner que l’usage médicinal, pharmaceutique et industriel du cannabis constituera une source de revenus légaux pour les producteurs de cannabis traditionnels ».
Le spécialiste estime, néanmoins, que la loi 13-21 traitant de l’usage légal du cannabis au Maroc, devra être complétée par d’autres textes règlementaires, notamment des arrêtés et décrets : Concrètement, il s’agit de définir, avec précision, la liste des zones relevant des provinces du nord, concernées par la production du cannabis médical en plus des modalités de délivrance des autorisations régissant cette activité, ainsi que les formalités d’approvisionnement des semences et plants agrées par l’agence ad hoc. À cela s’ajoutent, la détermination des charges à respecter en plus du seuil légal du THC (tétrahydrocannabinol) qui est l’une des principales molécules actives du cannabis », affirme l’expert.
Sur le plan international, alors que le débat ressurgissait constamment autour de la légalisation du cannabis, cette question a été finalement tranchée par la dernière recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de reclasser le cannabis par la Commission des stupéfiants des Nations unies (CND) dans l’annexe IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, telle que modifiée par le Protocole de 1972.
Étant donné que le mercredi 2 décembre 2020, le Maroc faisait partie des 27 pays ayant voté pour ce reclassement, et que la Commission nationale des stupéfiants, tenue le 11 février 2021, a adopté la consigne de l’OMS, le royaume se trouve, ipso facto, en conformité avec l’évolution de la situation internationale.
Si toutes ces conditions sont réunies, le Maroc sera désormais considéré comme un producteur légal de cannabis à des fins exclusivement médicinales, thérapeutiques, pharmacologiques et industrielles.
Parallèlement, les autorités concernées devront redoubler de vigilance pour contrecarrer et sanctionner toute action tentant de s’écarter de la légalité de l’usage du cannabis…
Dr: Abdelhak BAKHAT