Coronavirus, Covid 19, pandémie, mesures sanitaires, masque, distanciation, hygiène, confinement, couvre-feu, mise en garde, test, vaccin, souches, mutations, variant britannique, virologie… !
Tels sont les termes qui nous sont devenus familiers, qui meublent nos discussions, hantent nos esprits depuis plus d’une année, et que nous trainons en ce deuxième Ramadan que nous sommes tenus de vivre en état d’alerte, sous le signe de la prudence.
Ceci est valable, non seulement pour les Marocains, mais pour l’ensemble du monde musulman qui vit ce Ramadan 1442 de l’Hégire (2021), pas comme les autres.
Ainsi, dans son intervention de lundi dernier, devant les deux chambres du parlement, le chef de gouvernement, Saâdeddine El Othmani a confirmé ce qu’avait déjà déclaré le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb qui avait annoncé, lors du Conseil de gouvernement tenu le 1er avril courant, que » la situation épidémiologique au Maroc n’est pas des plus rassurantes », précisant que le nombre de cas de contaminations au variant britannique du coronavirus a atteint 73, détectés dans 7 régions du royaume, que les cas critiques ou sévères ont connu une légère augmentation à l’heure où les efforts se poursuivent pour s’approvisionner en doses de vaccins pour mener à bien la campagne nationale, et que des mesures appropriées doivent être prises, notamment pendant le mois sacré du Ramadan, afin de préserver la santé et la sécurité des citoyens tout en prenant en considération la situation économique du pays.
Face à cette situation préoccupante, voire alarmante, où le mois sacré habituellement propice au rapprochement de Dieu et du cercle familial, connaîtra, cette année encore, une situation étrange, imposée par un virus indomptable partout dans le monde.
Ce qui est chagrinant, c’est que, à aucun niveau mondial, national, régional ou local, on ne peut rien entreprendre présentement, dans l’objectif maîtriser l’évolution de ce virus, sinon établir des mesures pour en atténuer la propagation, et c’est ce que fait judicieusement le Maroc en adoptant des mesures préventives très pertinentes.
« Le nombre de cas est reparti à la hausse, car certains pensent que le virus n’existe pas, d’autres ont confondu la fin du confinement avec la disparition du virus, d’autres ne prennent pas assez au sérieux les mesures sanitaires », a indiqué El Othmani, lundi sous la coupole du parlement, ajoutant : « Nous n’avons aucune visibilité sur l’impact des vaccins à moyen et long terme, et tant que l’immunité collective n’est pas atteinte, nous continuerons d’imposer des restrictions sanitaires ! ».
En fait, il existe trois volets qui priment pendant le mois sacré de Ramadan : l’aspect religieux, le côté économique et social et les retrouvailles familiales.
Concernant le premier cas, la question primordiale tourne autour des prières dans les mosquées, notamment celles des « Tarawihs » succédant à la prière d’Al Ichae, cinquième et dernière prière de la journée.
Or, l’heure de salat « Al Ichae » et celle d’ « Al fajr » à l’aube, tombent sous le coup du couvre-feu nocturne instauré de 20 heures à 6 heures, Du coup, les Tarawihs se trouvent, ipso fato, annulées.
Et là il s’agissait de choisir entre la sauvegarde de vies humaines et les Sunnas d’adoration, estime-t-on.
A ce propos, alors que le problème s’était déjà posé lors du précédent Ramadan, l’avis du Conseil supérieur des Oulémas avait tranché sur la question, affirmant que : « La préservation de la vie humaine contre tous les périls prime, du point de vue de la Charia, sur tout autre acte, y compris la réunion pour les prières surérogatoires », avait-on expliqué.
Dans un communiqué, ledit Conseil avait indiqué que « l’Imamat Suprême, Imarat Al Mouminine, est soucieuse de la protection de nos vies en premier lieu et de l’accomplissement de notre religion en deuxième, et elle veille sur la situation sanitaire au Royaume, comme elle est soucieuse de rouvrir les mosquées lorsque les conditions seront réunies dans le cadre du retour à la vie normale. Les dispositions de la Charia stipulent de se conformer à l’ordre de l’Imam de la Oumma et de suivre Ses conseils et Ses orientations » précisait le Conseil, notant que les actes d’adoration d’Allah, quels qu’ils soient, ne sont pas privés de rétributions en cas d’incapacité de les accomplir, qu’il s’agisse des actes obligatoires, comme le Hajj, ou des diverses autorisations dictées par la Charia, et à plus forte raison, pour les actions motivées par une intention sincère mais pratiquement impossible à exécuter parmi les actes de la Sunna, y compris les prières Tarawih et de l’Aid », indiquait le Conseil, ajoutant que l’accomplissement des Tarawih dans les mosquées peut être remplacé par la prière chez soi, individuellement ou collectivement, avec les membres de la famille, sans prise de risque, notant que du point de vue de la Charia, la prière en groupe est celle accomplie par plus d’un fidèle.
Ceci pourrait aussi concerner les manifestations d’adoration qui marquent le mois sacré dans le Royaume, en particulier les causeries religieuses présidées par Amir Al Mouminine, la célébration de la nuit du Destin (Laylat Al Qader), et de l’Aïd Al Fitr.
Le Conseil avait rappelé que notre pays, comme tous les pays du monde, vit une situation d’urgence sanitaire pour se protéger contre l’épidémie, avec des mesures d’interdiction des rassemblements qui font planer le risque de contagion menaçant la santé, voire la vie, raison pour laquelle ledit Conseil avait émis une Fatwa stipulant la fermeture des mosquées, sur la base de cette même urgence.
Le deuxième volet concerne la situation économique
pendant le Ramadan, un mois réputé pour ses grands besoins et ses grosses dépenses. Qu’en est-il de l’approvisionnement et des prix des produits de base, mais aussi et surtout du pouvoir d’achat en ces temps de restrictions, et de chômage technique ?
Selon les autorités concernées, les marchés disposent d’une offre abondante et variée de produits de base et de première nécessité pour passer un bon mois de Ramadan 1442.
Les mêmes sources assurent que les prix de ces produits seraient, en majorité, stables; On noterait même une baisse relative des prix des légumes, des viandes rouges, des légumineuses et des fruits secs; par contre les prix de certains produits comme les huiles alimentaires, la viande blanche et les œufs afficheraient une hausse.
Maintenant, même si pour le gouvernement, la décision n’a pas été facile à prendre parce qu’il fallait trancher entre tuer l’économie ou casser la courbe des contaminations, cela n’exclue pas le fait de penser au pouvoir d’achat des citoyens souffrant des retombées de la pandémie, sachant que toute activité nocturne est interdite pendant le Ramadan.
C’est le cas, entre autres, des restaurants, des cafés et des métiers de bouche qui ont subi de lourdes pertes financières depuis le début de l’épidémie et dont les salariés sont acculés à un chômage technique.
Comment parviendront ces gens à mettre quelque chose dans le panier de leur ménagère ?
Les groupes de la majorité et de l’opposition à la Chambre des représentants ont appelé, lundi, aussitôt après le discours d’El Othmani, le gouvernement à prendre des mesures sociales urgentes pour soutenir les catégories impactées par les mesures restrictives décidées pendant le mois de Ramadan pour lutter contre Covid-19, estimant que le couvre-feu nocturne aura des effets « dramatiques » sur de larges catégories de la société, notamment les salariés ou non-salariés, non-inscrits à la sécurité sociale, soulignant la nécessité d’accompagner cette décision de mesures de soutien et d’accompagnement pour limiter les effets négatifs sur ces catégories qui « souffrent en silence » et que certains tentent de passer sous silence.
Pour leur part, des syndicats appellent le gouvernement à « prendre des mesures urgentes pour soulager les professionnels dans la tourmente, faisant remarquer que la situation est tellement grave qu’une intervention de l’État est nécessaire pour sauver ce qui peut être sauvé»,
Dans sa réponse, le Chef de gouvernement, Saâdeddine El Othmani a indiqué : « Nous sommes conscients des répercussions sociales de nos restrictions, mais nous sauvons des vies. L’Histoire retiendra cela. Restreindre les activités en journée reviendrait à tuer l’économie nationale. Nous avons donc choisi d’instaurer un couvre-feu nocturne, pour limiter la propagation du virus », dira-t-il, soulignant la poursuite du soutien destiné aux catégories souffrant des impacts de la crise sanitaire, faisant savoir que ce soutien sera élargi pour couvrir, à chaque fois, de nouvelles catégories, après consultation des départements gouvernementaux concernés et des professionnels dans le cadre du Comité de veille économique.
« Le gouvernement ne ménage aucun effort dans la prise de toutes les mesures possibles, et qui sont à même d’alléger la souffrance économique et sociale des citoyens » dira El Othmani, appelant à une mobilisation nationale totale et assurant que « le gouvernement va accélérer à la mise en place des contrats-programmes pour venir en aide à tous les secteurs concernés par la crise : restauration, tourisme, crèches, presse, événementielle… ».
Le mois sacré de Ramadan a commencé mercredi, au Maroc et les choses se déroulent, à peu près, comme prévu, sauf pour les couches défavorisées qui ont réellement besoin de soutien…le parti du progrès et du développement (PJD) au pouvoir est conscient. Il reste la nécessité de joindre le geste à la parole… !
Le dernier volet concerne les retrouvailles familiales habituelles au mois sacré de Ramadan. La particularité de cette année, c’est que personne ne pourra sortir le soir pour se détendre les jambes après le Ftour, pour jouer sa partie de cartes avec ses amis à la terrasse de leur salon de thé préféré, pour rendre visite à un parent malade, ou pour assister à l’anniversaire de la petite nièce…C’est le prix exigé par le Coronavirus et sa pandémie dont on ne voit pas le bout du tunnel !
Dr Abdelhak BAKHAT