par le Docteur Abdelhak BAKHAT
Dans le cadre d’une tournée au Proche-Orient et en Afrique du Nord, l’ayant conduit en Israël, en Cisjordanie, au Maroc et en Algérie, du 26 au 30 mars 2022, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken , est arrivé dans la soirée de samedi 26 mars en Israël pour une rencontre avec le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid et ses homologues des pays arabes ayant normalisé leurs relations avec l’Etat hébreu, à savoir les Emirats arabes Unis, le Bahreïn, l’Egypte et le Maroc.
Le ministre marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’Étranger, Nasser Bourita dont c’est la première visite en Israël, a atterri, dans l’après-midi du lendemain dimanche 27 mars, à l’aéroport de Bar Yahuda en Israël, pour prendre aussitôt part à un sommet diplomatique dans la ville de Sde Boker, dans le désert du Néguev, avec ses homologues israélien, américain, émirati, égyptien et bahreïni.
Ce sommet de 2 jours, qualifié d’«historique» par le chef de la diplomatie israélienne, était l’occasion pour ces ministres de mener des discussions sur différents défis régionaux, suivies de déclarations à la presse lors desquelles les six ministres ont principalement évoqué la résolution du conflit israélo-palestinien et un possible retour au programme nucléaire de l’Iran, outre d’autres sujets d’actualité, préoccupants, comme le problème palestinien ou la guerre en Ukraine.
Pour Antony Blinken, « les gains liés à la normalisation entre Israël et des pays arabes ne doivent pas faire oublier le conflit israélo-palestinien », dira-t-il, réaffirmant son soutien à la solution à deux Etats, une Palestine viable au côté d’Israël.
Le ministre israélien, quant à lui, partage au même titre que les Emirats Arabes Unis et Bahreïn, une inquiétude vis-à-vis des activités iraniennes dans la région.
On ira jusqu’à imaginer la création préventive d’une force militaire commune au Moyen Orient, genre d’un mini « Otan (Nato) » incluant Israël et des Pays Arabes.
Le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, qui s’est félicité de la réussite de ce sommet, a émis le souhait de voir ce même rendez-vous se renouveler, «dans un autre désert» cette fois-ci: le Sahara Marocain.
Condamnant ensuite l’attaque terroriste survenue la veille, revendiquée par l’organisation Etat islamique, et qui a coûté la vie à deux policiers israéliens à Hadera, dans le nord israélien, a affirmé : « Notre présence ici est la meilleure réponse à apporter à cette attaque ».
Pour le ministre marocain des Affaires étrangères, la présence marocaine au sommet du Néguev, sur instructions du Roi Mohammed VI, se veut un moyen de livrer deux messages essentiels. Le premier est dirigé à Israël et son peuple : « Le rétablissement de nos relations n’est pas un coup opportuniste. C’est une action traduisant une conviction et une décision naturelle concernant les deux pays mais aussi unissant les Rois du Maroc à la communauté juive marocaine.
« Depuis la signature de la déclaration tripartite (Maroc, Israël, Etats-Unis) suite à laquelle le Royaume et l’Etat hébreu ont normalisé leurs relations, bien du chemin a été parcouru » a poursuivi le diplomate marocain ajoutant : « Et nous comptons poursuivre sur cette voie en relevant davantage le niveau de nos relations bilatérales officielles».
Le second message de Nasser Bourita a été un message de paix : «je ne vous parle pas de cette paix où on se tourne passivement le dos, en s’ignorant. Je parle d’une paix agissante, génératrice d’une dynamique positive et créatrice de valeurs. C’est la seule bataille qui mérite d’être livrée », dira-t-il.
Concernant le problème palestinien, le ministre marocain a réitéré la position constante du Royaume à «une solution à deux Etats avec un Etat palestinien viable avec pour marqueurs les frontières d’avant 1967 et Jérusalem-Est (Al Qods) pour capitale», ce qui constituerait une garantie de sécurité pour Israël et de paix dans toute la région.
A signaler que le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken a rencontré, lundi, le Premier ministre israélien Naftali Bennett et le président palestinien Mahmoud Abbas à Ramallah avec qui il a eu des entretiens.
Le même jour, le chef de la diplomatie américaine a été reçu à Rabat, par son homologue Marocain Nasser Bourita avec qui il a échangé des points de vue sur des questions régionales et la coopération bilatérale, avant de rencontrer également le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammed ben Zayed qui se trouve au Maroc.
Lors d’une conférence de presse tenue conjointement, les deux ministres ont souligné l’importance des relations des deux pays dans les domaines sécuritaire, économique et technique.
« Ces relations sont « fortes, diversifiées et enracinées dans l’histoire, et nous soutenons l’agenda des réformes de Sa Majesté le Roi», dans divers domaines, a affirmé Antony Blinken.
Le diplomate américain a mis en exergue le soutien de son pays au plan marocain d’autonomie au Sahara, en déclarant, «Nous sommes en faveur de la promotion d’un avenir pacifique et prospère pour la région et nous continuons à voir le plan d’autonomie comme crédible et sérieux!», dira Antoy Blinken.
Le secrétaire d’Etat américain a en outre réitéré le soutien de son pays à la mission de Staffan de Mistura, l’envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara.
Interrogé sur la récente position de l’Espagne en faveur de l’autonomie, Nasser Bourita a expliqué que le Maroc a accueilli « favorablement la décision de l’Espagne ». Il a indiqué que la même position a été exprimée par la France et l’Allemagne. Pour lui, il est temps que d’autres pays européens sortent du «confort». « Il faut soutenir fortement le processus et ne pas rester figé », a déclaré en substance le ministre marocain en soulignant l’importance et l’intérêt que revêt le projet d’autonomie dans le cadre de la souveraineté et le respect de l’intégrité territoriale du Royaume.
Répondant à une autre question sur la présence et le partenariat américains dans les provinces sahariennes et l’accord Etats-Unis-Maroc-Israël, le ministre a indiqué que cet accord tripartite est important alors que l’application des termes dudit accord suit son cours normal avec « un agenda et un timing ».
« La contribution sécuritaire du Maroc dans la région du Sahel est importante autant que ses efforts contre l’intégrisme et le terrorisme », a souligné le haut responsable américain.
Au terme de sa tournée, Antony Blinken s’est rendu en Algérie où il devait s’entretenir avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune et son ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra au sujet des questions de sécurité régionale et de relations commerciales, sachant qu’Alger fournit du gaz naturel à l’Europe, jouant un rôle crucial après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février dernier, qui a suspendu un projet de gazoduc controversé reliant la Russie à l’Allemagne.
Alger qui a fermé, en octobre 2021, le gazoduc desservant l’Europe en passant par le Maroc, a refusé de le rouvrir à la demande de la Secrétaire adjointe américaine Wendy Sherman. Antony Blinken réussira-t-il à convaincre les Algériens ?
D’autre part, la question du Sahara oppose depuis un demi-siècle le Maroc aux indépendantistes du front polisario, soutenus par l’Algérie et les deux pays traversent une période de tensions. En août 2021, après des mois de frictions, Alger a rompu ses relations diplomatiques avec Rabat, l’accusant “d’actions hostiles” imaginaires.
Par contre, les États-Unis, eux, ont reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara. Ils ont récemment réitéré leur soutien au plan d’autonomie proposé par Rabat pour régler le conflit, suivis par plusieurs autres pays dont l’Espagne tout récemment.