Mohamed Chioua Larbi lors de la marche verte, 3eme de gauche à droite.
« L’homme de l’avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue », écrivait le philosophe Nietsche, soulignant par là le lien inextricable liant le passé, le présent et l’avenir. Au moment où les souvenirs de la Marche Verte resurgissent ce 6 novembre, et illuminent de fierté patriotique le cœur de tous les marocains, l’occasion est offerte de revisiter cet évènement, véritable coup de génie de Feu Sa Majesté Hassan II, à travers la mémoire des acteurs ayant participé à sa réussite. Dans une série de tribune, issue d’une conférence donnée à l’ISIT le 3 novembre, Mohammed Chiaou Larbi, guide touristique à l’époque à des faits et volontaire, se souvient sans fard du contexte, de sa détermination et de l’ambiance ayant entouré cette marche inédite dans l’histoire de notre pays.
« […] La Mache verte fut une marche à pied, sans véhicules ni blindés, avec pour seules armes le Coran et la foi en Dieu, et à une cause sacrée. Dans son âme, elle était l’alliage de notre détermination, l’amour de notre partie, et le symbole de la convergence séculaire entre le roi, le peuple et notre territoire.
Avant d’entamer le vif du sujet, j’aimerais revenir brièvement sur l’histoire du conflit, qui a commencé, bien des années avant, entre-les espagnols et les habitants du Sahara. Ces derniers, ayant depuis toujours démontré leur loyauté et leur attachement aux différents souverains du Maroc, ont toujours refusé la colonisation.
Conscient de cette réalité atemporelle, le Royaume du Maroc n’a cessé de demander le retour du Sahara Marocain à la mère patrie, notamment depuis l’indépendance du pays des jougs du protectorat franco-espagnol. A cette fin, l’affaire a été portée devant la cour internationale de la justice (CIJ), l’organe judiciaire de l’ONU basée à la Haye aux Pays Bas (Hollande). Ainsi, le 16 octobre 1975, la CIJ a rendu son jugement sous forme d’avis consultatif sur le Sahara et les liens historiques qu’il entretenait avec le Maroc. La cour est parvenue aux conclusions suivantes :
-Au moment de la colonisation espagnole, le Sahara Occidental n’était pas un « TERRA NULLIUS », c’est-à-dire un territoire sans maitre.
-Il y avait bien des populations qui y vivaient et qui avaient des relations Makhzéniennes, sociales, juridiques et historiques entre elles et le reste du pays. C’est ce qu’on appelle le lien de la « BaY3A » appelé aussi « AL BAY3A CHAR3IYA »
-Ces relations étaient concrétisées par les liens d’allégeance entre les tribus nomades du territoire et les différents Sultans du Maroc. La cour a insisté sur ces liens d’allégeance pour rendre sa décision.
A partir de cet instant, et fort de la décision de la cour de la Haye, consacrant la demande et la thèse marocaine, soit que le Sahara n’était nullement territoire sans maitre, puisqu’il était bel et bien habité par des populations liées au Maroc et à ses Sultans par les liens de la « AL BAY3A CHAR3IYA », l’idée géniale de feu Hassan II germa dans son esprit.
Les contours de cette idée seront précisés à l’occasion de discours dans lesquels le souverain a d’abord tenu à réaffirmer sans équivoque la marocanité du Sahara. « Nous n’attendrons pas à ce que le Sahara vienne au Maroc, nous y allons rejoindre et saluer les habitants de notre territoire. », affirma le Souverain, tout en précisant dans la foulée « nous devons préparer une marche verte avec 350.000 volontaires ».
Suite à ce discours retentissant dont l’Echoc traversa nos frontières, les listes d’inscriptions des volontaires ont été ouvertes, et, dès la première semaine, les inscriptions ont atteint 2.500.000 volontaires. Face à une telle déferlante, le roi Hassan II s’est de nouveau adressé au peuple pour expliquer que le nombre de participants à cette initiative visant à recouvrir une partie de notre territoire devait être limité à 350.000 personnes, dont 10% de femmes. Lors de ce discours, il apporta également d’autres précisions d’importance capitale : la Marche verte devait se dérouler sans paralyser les activités quotidiennes, encore moins le fonctionnement des administrations publiques (la poste, les écoles, le hôpitaux…) ou la bonne marche de l’activité économique du pays. Pour arriver à cette fin, la priorité pour la sélection des participants a été accordée aux personnes exerçant des professions libérales, et chaque ville et région du pays a eu un quota de participants. Le quota de la région Tanger-Asilah, avait été fixé à 500 volontaires dont 10% de femmes, soit 50 femmes.
A cette époque, j’exerçais la profession de guide touristique national officiel. J’avais donc le profil adéquat. Convaincu et enthousiaste, j’ai eu la ferme volonté de participer à cet évènement national et patriotique. Avec quelques amis et collègues du domaine du tourisme (guides, bazaristes, hôteliers.), nous nous sommes inscrits sans hésitations. Nous avons voulu démontrer que nous étions bien des volontaires, contrairement à ce que colportaient les ennemis du Maroc, à travers des chaines radios et de télévisions étrangères prétextant, par les allégations mensongères, que le Maroc était en train de réunir par la force les citoyens dans les rues afin de les obliger à participer à la marche verte. En m’inscrivant comme volontaire, j’avais l’espoir de rencontrer des journalistes étrangers et leur montrer ma licence de guide touristique national, datant du mois d’Avril 1972, et démontrer par-là que nous, les participants à cette marche, étions inscrits de notre propre gré et sans aucune contrainte, à part celle de l’appel à la conscience et du devoir de citoyen patriote.
Mes collègues et amis avec lesquels nous nous étions inscrits pour cette marche histotique étaient tous animés par le même sentiment. Parmi ceux-ci, on comptait de grands professionnels opérant dans le secteur touristique, le commerce et d’autres activités libérales. Il y avait Haj Abdellah Soussi, propriétaire de l’hôtel continental et grand bazariste ; M. Youssef M’narli Ahmed, guide national de tourisme maitrisant 5 langues ; il y avait également dans notre groupe de grands commerçants comme Haj Mostafa Loudiyi et Haj Moscou qui était accompagné de son épouse ; ainsi que d’autres professionnels tels que Messieurs Bachir, Aziz, El Moudden et El Gharbi, et j’en passe. Nous étions tous animés par la même détermination et la ferme conviction d’aller jusqu’au bout de cette aventure quelle qu’en soit l’issue et qui ne pouvait être qu’au bénéfice de notre cher Maroc, quitte à ce que nous y perdions la vie. Car l’HOMME libre meurt pour sa parier avant tout… à suivre.