33 partis pour une population de 33 millions de Marocains.
En politique nationale, le fauteuil de « Zaïm » (chef de parti) semble si confortable qu’une fois dessus, personne ne consent à céder sa place. Ce qui n’est pas pour servir la démocratie.
Cet amer constat est observé chez la grande majorité des partis, sachant, tout de même, qu’une minorité de partis bien structurés dans le sens du rendement fructueux, fait l’exception en fournissant un excellent travail. Cette tranche de partis rentables pour le pays, sont connus et catalogués par la population.
Ce qui explique cette recrudescence de formations politiques chez nous, c’est d’abord l’aide directe de l’Etat, sachant que, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, des partis sont financés par un soutien public allant de 76,65% à 100%. Par contre, la contribution des membres dans le financement de leur parti est très modeste, voire insignifiante.
Outre cette aide publique directe, les partis bénéficient d’avantages fiscaux ce qui permet, entre autres, à certaines personnes physiques de frauder en transférant des biens de fonds et biens immeubles inscrits en leur nom, à la propriété des partis, bénéficiant ainsi de l’exonération de tout impôt et taxe, en plus du non paiement des droits d’enregistrement.
Sur le plan de l’encadrement et de la formation de leurs adhérents, deux indicateurs permettent de mesurer la défaillance de plusieurs partis, apparaissant notamment dans le faible taux d’abstention lors des échéances électorales dont les dernières n’ont mobilisé que 42,29% des électeurs inscrits.
Une autre lacune flagrante des partis est relevée depuis l’apparition de la pandémie du Covid 19 et les crises sanitaire et économique qu’elle a engendrées : de nombreuses forces actives du pays qui devaient se mobiliser aux côtés des autorités sanitaires et des forces de l’ordre, pour vaincre le mal, se montrent désintéressées en observant un silence radio irresponsable. Au lieu de constituer une force active qui mobilise et fédère, lors de cette tempête, ces politiciens trouvent la tranquillité au cœur du typhon et se transforment en de simples écornifleurs.
Cette politique de « Silence on dort ! » n’est pas tellement nouvelle chez une majorité de nos partis politiques qui observent toute l’année une longue période d’hibernation pour ne se réveiller qu’à l’occasion d’événements sensés rapporter gros, comme ceux des élections législatives.
Ce sont, en effet, les élections qui leur permettent de reconstituer les réserves qu’ils puisent pendant la période de leur sommeil.
Ce réveil en fanfare s’explique, en partie, par le fait que les pouvoirs publics prennent en charge une partie substantielle des frais d’organisation des campagnes électorales.
Nous concevons que, si certains partis politiques ont une chance de convaincre l’électorat, parce qu’ils ont fait preuve d’un rendement positif, d’autres, par contre, ont des boulets attachés à la cheville qui les empêchent d’accéder, de revenir ou d’évoluer normalement sur la scène politique.
Il serait mal indiqué de citer des exemples précis en cette période pré-électorale pour éviter tout semblant de prise de parti pouvant fausser la concurrence, mais le moment viendra où nous n’hésiterons pas à appeler les choses par leur nom.
Il s’agit maintenant de savoir comment se présentent les choses en cette période pré-électorale, quoique nos pronostics puissent paraître incertains, pour le moment, étant donné que quelques mois nous séparent encore de l’échéance électorale dont la rituelle campagne n’a pas encore été officiellement ouverte.
Néanmoins, ce semblant de diagnostic nous permettra, sinon d’avoir une idée édifiante sur le déroulement et les résultats probables des prochaines législatives, au moins de scanner l’état des lieux politique actuel.
Les élections législatives 2021 sont programmées pour le 8 septembre prochain.
En dépit de plusieurs incertitudes liées à la crise sanitaire et économique dont les effets semblent perdurer, le ministère de l’Intérieur, les partis politiques et les autres institutions concernées ont convenu de leur maintien à l’échéance normale.
La nouveauté, c’est la tenue des élections communales, régionales et législatives à la même date, dans l’objectif de mobiliser, une seule fois, les électeurs dans un contexte sinistré.
La date retenue tombe exceptionnellement un mercredi, alors qu’auparavant, les élections avaient lieu un vendredi, une date loin d’être anodine. En effet, habituellement, les élections législatives se jouent entre fin septembre et début octobre, alors que la rentrée parlementaire a lieu le deuxième vendredi d’octobre. Cette fois-ci, les Marocains verront donc se dessiner la carte politique nationale en amont de cette rentrée et sauront donc très vite quelle majorité émergera pour gouverner le pays.
Cette journée s’inscrit, par ailleurs, dans un véritable marathon électoral. Elle sera précédée par les élections professionnelles, le 6 août, et suivie, le 21 septembre, par les élections indirectes pour la constitution des conseils provinciaux et préfectoraux, réservées aux nouveaux élus communaux. Enfin, les élections indirectes auront lieu le 5 octobre à la Chambre des conseillers, quelques jours avant la grande rentrée parlementaire inaugurée par le Roi Mohammed VI.
En liaison avec leurs enjeux, toutes les formations politiques commencent d’ores et déjà à se préparer à ce précieux rendez-vous à travers des communiqués, sorties médiatiques, réunions et autres meetings par visioconférence.
A travers la multiplication de ces sorties médiatiques, les formations politiques veulent se positionner dans l’objectif de séduire un maximum d’électeurs
A priori, cela entre dans le rôle et les activités normales des partis, mais le contenu englobe des déclarations et des orientations qui dégagent le parfum d’une campagne électorale prématurée.
Selon un enseignant universitaire politologue, « c’est une pratique courante dans tous les pays, y compris dans les démocraties les plus développées. Outre la promotion des idées du parti, l’objectif est d’attaquer les autres formations, surtout concurrentes. Il est question de baliser le terrain en séduisant le maximum de citoyens en prévision des prochaines élections».
Nous allons commencer en partant de constats sur le terrain, concernant la formation qui tient le gouvernail de l’exécutif du pays depuis bientôt une décade : le parti de la justice et du développement (PJD).
La question récurrente est celle que se posent la plupart des Marocains, serait celle de savoir si le PJD est « grillé » ou toujours apte après les hauts et les bas de ses 10 années de gouvernance ?
Le 25 novembre 2011, les législatives donnaient, en effet, la majorité aux Islamistes, qui promettaient de changer la façon de gouverner et de réformer le pays.
Aujourd’hui, ce parti a-t-il une chance de rempiler pour un troisième mandat en septembre 2021 ? Séduira-t-il autant les électeurs qu’il ne l’a fait lors des deux précédentes élections législatives ? Difficile de répondre à ces interrogations pour l’instant. Ce que l’on sait, par contre, c’est que les autres partis politiques comptent également se mobiliser en force, mais les Islamistes, quoiqu’affaiblis par des dissensions internes et l’adoption du nouveau quotient électoral, ne s’avouent pas vaincus, pour autant.
En fait, le PJD est dans une posture moins favorable que lors des précédentes élections et, après dix ans au pouvoir et des compromis que certains jugent douteux, voire à l’opposé de leurs références idéologiques, les Islamistes n’ont plus leur verve d’antan.
En outre, contrairement à ce qui a toujours fait la force des Pjdistes, c’est à dire leur unité et une adhésion unanime autour des valeurs qu’ils incarnaient dont certaines ont été bafouées en public par certains membres qui ont fait preuve de légèreté dans les mœurs ou dans le comportement personnel, qui ont fait scandale, le PJD offre aujourd’hui l’image d’une formation politique divisée, où les dissensions et les querelles intestines, quoique parfois discrètes, sont de plus en plus nombreuses, avec, en toile de fond, une guerre de deux clans : d’une part celui de Saâd Eddine El Otmani, secrétaire général du parti et actuel chef du gouvernement, et d’autre part, celui soutenu par l’ex-SG Abdelilah Benkirane, qui, le moins que l’on puisse dire, a «pourri» la législature de son successeur, allant jusqu’à l’inciter à démissionner des responsabilités qu’il assume, n’ayant, apparemment jamais digéré le fait qu’il ait pris sa place à la tête du parti et du gouvernement.
Ainsi, avec une ligne aussi fortement décriée en interne, et tant de fractures dans ses rangs, le PJD a-t-il une chance de rempiler pour un troisième mandat, surtout que plusieurs autres éléments devraient jouer en sa défaveur, notamment la grogne sociale qui sévit actuellement et qui touche de nombreux secteurs, ou encore la gestion de certains dossiers comme ceux relatifs à la libéralisation des hydrocarbures et aux enseignants contractuels.
Le seul atout positif qui pourrait encore jouer probablement en faveur des Islamistes, c’est la force de frappe que constituait leur base électorale. Une base longtemps fidèle, qui a su se mobiliser lors des échéances importantes. A moins qu’à force de déceptions, cette force ne se reconnaisse plus dans les idéaux véhiculés par le PJD, les considérant comme périmés.
« Force est de constater que leur bilan n’est pas brillant » écrit notre confrère Jeune Afrique, sous le titre : » Grandeur et décadence du PJD »
Dans la course à la Primature, on trouvera, entre autres, aux côtés du PJD, le Rassemblement national des indépendants (RNI) ; le Parti authenticité et modernité (PAM) ; le Parti du progrès et du socialisme (PPS) ; le Parti de l’Istiqlal (PI) ; l’Union socialiste des forces populaires (USFP) qui sont d’ores et déjà tousdans les starting-blocks.
Néanmoins, pour les observateurs avertis, ce sont le Rassemblement national des indépendants (RNI) et probablement le Parti de l’Istiqlal (PI) qui seraient les grands favoris des prochaines législatives.
Le RNI, dont le leader, Aziz Akhannouch, ne cache pas ses ambitions de tenir les rênes du prochain Exécutif, a lancé une grande offensive pour toucher la masse populaire, à travers notamment son programme «100 jours 100 villes», dont l’objectif est d’être à l’écoute des vraies préoccupations des citoyens et de connaître les problèmes des villes, ce qui permettrait à l’avenir de faciliter la tâche aux élus du parti en termes d’accomplissement et d’efficacité, sur la base d’un ensemble d’indicateurs tels que le chômage, la pauvreté et la densité de population.
Cela suffira-t-il cependant à séduire l’électorat populaire ? Difficile à dire, d’autant que le RNI risque de souffrir d’un handicap psychologique, celui de trainer derrière lui l’image d’un parti élitiste, avec des hommes d’affaires symbolisant la réussite; tout ce que semblent honnir certains citoyens, encore davantage en ces temps de crise.
En outre, le programme «100 jours 100 villes» est freiné net par la pandémie.
De son côté, le Parti de l’Istiqlal déploie méthodiquement, sa stratégie de reconquête de l’électorat, avec comme postulat «l’égalitarisme social et économique».
Pour les connaisseurs versés dans l’histoire profonde du pays, ce slogan serait en flagrante contradiction avec certaines précédentes démarches imputées, à tort ou à raison, au parti de la Balance, dont celle de la présumée conspiration contre l’école publique marocaine. Il s’agirait d’un cas de conscience dont n’arriverait pas à se défaire le parti de la Balance, affirment ses adversaires, au vu du désastre dans lequel se débat aujourd’hui encore le système de l’Education nationale qui a du mal à s’en relever.
Le pire c’est qu’il existe encore de nos jours, des voix qui continuent à crier au maintien de l’arabisation des matières scientifiques dans l’école publique. Un désastre !
La course aux législatives tiendra, sans doute, compte de ce genre de faiblesses historiques dans le parcours de chaque parti candidat.
Ceci se voit dans la fièvre préélectorale qui semble s’être emparée des protagonistes qui essaient, chacun, de jeter le discrédit sur l’autre sans tenir compte de la logique majorité-opposition.
Déjà, dans des accusations et des contre-accusations, des escarmouches verbales, des guerres larvées menées par réseaux sociaux interposés, les différentes formations politiques ne se font pas de cadeaux, s’affrontent, s’accusent et chaque acteur attaque et cherche à discréditer l’autre, au fur et mesure de l’approche des élections législatives.
Nous y reviendrons !
DR: Abdelhak Bakhat