C’est parce que la clinique de la Faculté des Sciences Juridiques, Economique et Sociale de Tanger est une structure qui se préoccupe des personnes en situation de vulnérabilité qu’elle a décidé d’organiser en partenariat avec l’Agence Belge de Développement dans le cadre du projet EMPOWERMENT juridique soutenu par l’Union européenne ce qu’il a été convenu d’appeler la semaine des portes ouvertes, autour du thème « Le droit des étrangers au Maroc », du 22 au 26 Mars 2021 à la faculté des sciences juridiques économiques et sociales de Tanger (salle des réunions annexe).
La semaine a été pensée dans un contexte où la question du respect des droits fondamentaux de l’être humain et en l’occurrence les droits des étrangers se trouvant au Maroc, constitue une question d’actualité et extrêmement importante pour les instances décisionnaires du pays en tête desquels se trouve Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
L’objectif est de contribuer à l’amélioration des conditions juridiques des étrangers se trouvant au Maroc à travers l’influence des décideurs publics et la sensibilisation des étrangers sur leurs droits. Parmi les participant(e)s, on comptait des spécialistes renommé(e)s de plusieurs universités du royaume et institutions publiques marocaines, des ONG, la société civile des représentants étrangers, des intervenants externes des doctorants et enfin des étudiants en Master. La SPO s’est déroulée en 5 jours et était articulée autour de plusieurs ateliers thématiques, mini-conférence, formations, simulations, jeux de rôle, réunion parallèle, signature de partenariat.
Ce rapport synthétise globalement les opinions présentées au cours des interventions et les discussions qui ont eu lieu. Il fournit les points saillants notamment les différentes thématiques abordées, les problématiques soulevées ainsi que les recommandations qui ont été faites durant la semaine du 22 au 26 Mars 2021 à Tanger.
Déroulement de la première journée de la SPO et les recommandations faites
A l’occasion de cette première journée les interventions ont été ponctuées par des réflexions qui s’intéressent au droit social. Plusieurs présentations ont eu lieu sur plusieurs thématiques telles que : les Droits des migrants à la santé dans les conventions internationales, les droits sociaux des étrangers au Maroc, les mécanismes institutionnels favorisant l’accès aux soins des migrants, la santé et la sécurité au travail des étrangers. En effet, si ces droits demeurent affirmés par les textes juridiques internationaux et nationaux plusieurs problématiques ont été soulevées entre autre :
1- La problématique de l’opérationnalisation des mécanismes juridiques internationaux et nationaux relatifs au droit de la santé des migrants au Maroc ;
2- La problématique de l’accès au soin des étrangers ;
3- La problématique de solidarité en faveur des personnes en situation irrégulière
4- La problématique de la garantie des droits sociaux des migrants au Maroc notamment l’accès aux intérêts patrimoniaux à la fin du contrat de travail
5-La problématique de la prise en charge des étrangers
6-La problématique de la saturation des hôpitaux etc…
C’est sur la base de ces différents problèmes que les recommandations suivantes ont été faites :
* L’inscription du droit des étudiants dans le cadre des études doctorales
* Le renforcement des partenariats de la clinique pour réaliser des projets et renforcer le plaidoyer en faveur des étrangers
* La création d’une unité mobile proche des personnes en situation de vulnérabilité
Déroulement de la deuxième journée de la SPO
et les recommandations faites
Dans la même continuité et dans le respect du programme de la Semaine des Portes Ouvertes, les activités ont repris le lendemain le 23 Mars 2021. Contrairement à la journée du 22/03/2021, celle du 23/03/2021 s’est inscrite dans une démarche pratique reposant sur deux ateliers Focus le matin. Ils étaient présentés par la Pr SOUMIA RAFFACH et le Pr. JABRANI ABDELLATIF. Un autre atelier pratique était animé par le Docteur Tarik Essaid l’après-midi.
Les deux intervenants du matin se sont intéressés notamment à la question du droit d’accès à la justice par les étrangers et celle de la contribution de la coopération décentralisée dans la résolution des difficultés de la migration. Dans ce cadre, plusieurs mécanismes juridiques ont été cités. Seulement et là encore, il a été soulevé que ces derniers demeurent difficiles à mettre en œuvre à cause :
- De la vacuité des textes juridiques
- Des facteurs de blocages politiques et géopolitiques
- La dépendance politique du juge administratif en matière de protection des droits des étrangers
- La non implication des collectivités locales dans la résolution de la crise migratoire
- L’absence d’une autonomisation juridique et financière des collectivités locales pour prendre en charge les questions migratoires.
S’agissant de l’atelier l’après-midi, il portait sur un cas pratique de management intégré appliqué à la migration. L’objectif de cet atelier interactif était d’élaborer un modèle fondamental propre à la clinique juridique de Tanger qui lui permettra d’être structurée et de fonctionner de façon pragmatique.
Plusieurs recommandations ont été faites dans cette deuxième journée
- Repenser le rôle du juge administratif à travers la création des outils juridiques efficaces
- La mise en place d’une procédure spécifique relative aux étrangers
- La mise en place une coopération interafricaine innovatrice et pratique
- La promotion d’une coopération décentralisée basée sur la sincérité et la solidarité
- Faire de la Charte des Collectivités Territoriales un document de référence pour la mise en place des politiques migratoires, notamment au niveau local
- Envisager des plans stratégiques de développement durable
- La mise en place d’un modèle de gouvernance pour la clinique juridique en affectant les rôles aux étudiants cliniciens.
Déroulement de la troisième journée de la SPO
et les recommandations faites
Les séances de la troisième journée ont soulevé plusieurs questions notamment la question du droit foncier, des investissements des étrangers au Maroc ainsi que l’enregistrement à l’état civil. C’était une journée riche qui regroupait 2 ateliers. Un Atelier de Droit et de procédures spécialement en Français qui s’est déroulé le matin et une autre séance portant sur le code et procédures en Arabe qui a eu lieu l’après-midi.
Après avoir mis en exergues les différents instruments juridiques qui encadrent ces droits notamment la loi 67-12 qui a des objectifs précis notamment : La stabilisation des relations contractuelles entre le bailleur et le locataire et la loi 37-99 relative à l’état civil ainsi que son décret d’application de 2002. Les intervenants ont soulevé les difficultés suivantes :
- Le non accès à tous les étrangers aux biens à usage agricoles
- La pluralité des lois d’investissement qui sont inadaptées au contexte Marocain
- La culture entrepreneuriale marocaine qui est purement contentieuse
- La lenteur des procédures administrative en matière d’investissement
- La lourdeur des procédures pour les enfants étrangers nés dans les hôpitaux alors que leurs mamans ne disposent pas de justificatifs d’identité valide.
- La lourdeur des procédures de l’enregistrement l’état civil pour les enfants étrangers nés en dehors des hôpitaux
Comme recommandations, il a été noté qu’il faut :
- Privilégier le traitement des contentieux d’investissement à l’amiable
- Adapter les lois d’investissement au contexte Marocain
- Simplifier les procédures administratives d’investissement
- Traduire les attestations de non enregistrement d’état civil en Français pour faciliter la procédure d’enregistrement aux étrangers
- Rallonger le délai de 30 jours pour la déclaration de naissance des enfants étrangers
- Alléger les conditions d’octroi du certificat de naissance des enfants étrangers
Le déroulement de la quatrième journée de la SPO
et les recommandations faites
Concernant la quatrième journée, les interventions portaient sur la thématique relative à la migration, traite et protection pénale. La problématique posée était celle de la protection pénale des migrants en déplacement avec l’apparition du phénomène de l’esclavage moderne. Ce fut l’occasion de définir la notion de traite des personnes et précisé les 3 éléments qui la déterminent à savoir : Une action, un moyen et un but. Il a été souligné que plusieurs textes internationaux et nationaux contre la traite ont été adoptés et ratifiés par le Maroc mais toutefois, ces textes parviennent difficilement à protéger les étrangers en raison de :
- L’existence des entreprises de la guerre
- L’existence de la politique nécro frontière
- L’existence des entreprises criminelles
- L’utilisation de la migration comme un busines par les mafias
Sur la base de ces difficultés, les recommandations suivantes ont été faites
- La facilitation de l’enregistrement des plaintes des personnes victime de la traite
- Sensibiliser les personnes victime de la traite de ne pas avoir peur à engager une procédure en justice
- Inciter les personnes victimes de la traite à s’entretenir individuellement avec la CRDH ou avec les autres associations ou ONG spécialisées afin d’être aidé.
- Le renforcement des stratégies de résistances contre la traite
- Renforcer et multiplier les associations des femmes dans les luttes civiles pour le respect des droits humains
Le déroulement de la cinquième et la dernière journée
de la semaine de la SPO
Pendant la cinquième et la dernière journée de la SPO, un accent a été porté sur la digitalisation au service de la migration impowerment 2.0 pour les migrants. L’objectif était de montrer et sensibiliser sur l’importance du digital et l’opportunité de son utilisation pour élaborer des solutions concrètes aux problèmes que vivent les migrants en leur apportant à travers des applications digitales les solutions à ces problèmes vécus au quotidien.
Cet atelier a permis de dresser les besoins prioritaires des migrants au Maroc sur la base du retour du questionnaire réalisé en amont qui a concerné un échantillon de 40 personnes, tous étudiants âgés de 20 à 27 ans. Il en est ressorti les faits saillants suivants :
- 88% estiment avoir besoin de protection
- + de 75% estiment que les besoins prioritaires en matière de santé sont l’accès à une couverture médicale, l’accès aux soins et l’accès aux médicaments ;
- + de 40% ont subi des violences ou de l’exploitation au Maroc ;
- 50% estiment que le dispositif d’accueil mis en place pour les migrants est peu satisfaisant ;
- Quant à leurs relations avec les associations, 58,3% estiment qu’elles sont bien ;
- + de 75% estiment avoir besoin d’un guide juridique leur permettant l’information sur les lois et procédures administratives.
Sur la base de cette enquête les recommandations suivantes ont été faites :
- La transposition des applications sur l’empowerement des migrants au niveau de la clinique juridique de Tanger
- Penser une application dédiée au migrant au Maroc
- Sensibiliser les migrants et les administrations par rapport à la nécessité et à l’importance de la digitalisation
- Mettre en avant la digitalisation pour fédérer les différentes parties prenantes à la question migratoire
Après cette séance qui s’est déroulées le matin, les séances ont repris l’après-midi et étaient réservées aux discours de remerciements des différents invités et acteurs qui ont pris part à l’organisation de cette SPO. Après le discours de la directrice de la clinique juridique de Tanger, une présentation des différents rapports de la SPO a eu lieu. Il s’en est suivi de la séance de remise des attestations de participation. La SPO a été par la suite clôturée après le souhait des organisations que les travaux qui ont été effectué puissent impacter les politiques d’intégration des étrangers au Maroc et que des projets similaires tels que la semaine des portes ouvertes puissent être envisagés.