En marge des travaux du 1er Congrès sur le cannabis, tenu du 20 au 22 mai courant à Tanger, le Professeur Abderrahmane Merzouki, responsable d’un laboratoire de recherche sur la flore, la végétation, l’ethnobotanique et l’ethnopharmacologie à la faculté de sciences de Tétouan et président honoraire de l’association consultative sur le cannabis, a bien voulu se déplacer, mercredi, au siège de la rédaction de notre hebdomadaire où l’expert a consenti à nous accorder une seconde interview dans laquelle il revient sur les éléments justifiant l’évolution du débat autour du cannabis à usage médical.
Entretien
Le Journal de Tanger : Pourquoi avoir choisi Tanger pour organiser le 1er congrès sur l’usage médical du cannabis ?
Pr Abderrahm Merzouki : L’association marocaine consultative sur le cannabis dont je suis président honoraire, a bien voulu organiser cette importante rencontre dans la ville de Tanger. Et cela s’explique par plusieurs raisons. Je mentionnerai par exemple que cette association a été créée, ici même à Tanger, à l’initiative d’un groupe de médecins et d’entrepreneurs dans le domaine de l’industrie pharmaceutique. Les membres fondateurs de cette association se sont donnés pour objectif principal d’accompagner et de suivre le développement, avant son approbation, de la loi 13. 21 qui va légaliser et réglementer la culture et l’usage du cannabis dont la production est concentrée dans le nord de notre pays.
Comment expliquer la célérité qu’on observe aujourd’hui autour de cette évolution du débat sur le cannabis ?
Cette célérité s’explique par l’évolution des législations qui reposent sur les résultats des recherches montrant les vertus et les usages médicaux du cannabis, depuis que l’organisation des Nations Unies (ONU) a procédé à la reclassification du cannabis qui n’est plus considéré comme une drogue à risque, et retiré, à ce titre, du tableau IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, où ce produit figurait aux côtés d’opioïdes mortels et toxicomanogènes, dont l’héroïne. Cette décision de l’instance mondiale s’est appuyée sur les recommandations de l’organisation mondiale de la Santé (OMS) sur la marijuana et ses dérivés. Bien évidemment, notre pays ne pouvait pas rester en marge de cette évolution, ce qui explique la célérité des pouvoirs publics qui ont compris les différents enjeux derrière cette évolution.
Quels seraient ces enjeux ?
Ils sont multiples. Il y a d’abord la nécessité de donner une base juridique à la culture du cannabis qui permettra aux cultivateurs de savoir ce qu’ils sont autorisés à faire et ce qu’ils doivent éviter, ce qui devrait les rassurer et les écarter des irrégularités.
Ensuite, il y a l’enjeu thérapeutique : les recherches actuelles sur le cannabis et ses dérives ont montré que cette plante a des potentialités thérapeutiques importantes. On savait déjà que le THC, la molécule psychotrope de la plante, entre dans la composition de plusieurs médicaments. Aujourd’hui, on sait que le CBD, qui est le cannabidiol, n’a pas d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine. A ce propos, l’OMS souligne que cette molécule posséderait « une certaine valeur thérapeutique contre les crises épileptiques et maladies assimilées ».
Un autre volet aussi important : la légalisation du cannabis devrait mettre fin aux activités illicites et mettre un terme au pouvoir des réseaux criminels qui tirent profit de ce commerce prohibé, au détriment des cultivateurs concernés.
Doit-on comprendre que la légalisation du cannabis serait synonyme de l’amélioration des conditions de vie des cultivateurs ?
Tout à fait ! Cette évolution juridique contribuera énormément à l’amélioration des conditions de vie des cultivateurs impliqués dans ce secteur , puisque le projet de loi prévoit l’organisation de ces professionnels en coopératives, et leur accompagnement à travers une agence nationale qui s’occupera d’effectuer des contrôles, la sélection des semences et la centralisation des productions. Il faudrait souligner ici que le cannabis médical sera produit à partir d’une sélection des graines ayant un taux de THC inferieur à 0,2. Ce travail de sélection et mise à disposition des graines aux cultivateurs sera dévolu à l’agence nationale. Mais ce qu’il faut retenir c’est que, l’ensemble de ces acteurs, au sens du projet de loi, travailleront et collaboreront à la base des dispositions légales et des cahiers de charges.
Sur quel aspect particulier portez-vous personnellement le plus l’attention ?
Je m’intéresse à plusieurs aspects, notamment médical, social, ethno-pharmacologique, etc. Néanmoins, mes dernières interventions sur la culture du cannabis se sont particulièrement intéressées à la résolution du problème de classification de la plante, pour savoir de quoi on parle précisément !
Propos recueillis par Sali B.O