par le Docteur Abdelhak BAKHAT
Bilan de la première année
Contrairement au précédent gouvernement de Saâdeddine El Othmani, qui a nécessité 196 jours pour se former, au lendemain des élections législatives de 2016, il aura fallu moins d’un mois après les scrutins du 8 septembre 2021 pour connaître le gouvernement d’Akhannouch.
Le jeudi 7 octobre, au palais royal de Fès, le Roi Mohammed VI a présidé la cérémonie de nomination des membres du nouvel Exécutif, mené par le président du RNI, Aziz Akhannouch.
Ainsi, les consultations pour la formation du nouveau gouvernement ont duré moins d’un mois, ce qui attestait, apparemment, du degré de cohésion et de synergie entre les trois partis politiques qui semblaient partager une vision commune aux contours bien définis, le rassemblement national des Indépendants (RNI), le parti authenticité et modernité (PAM) et le parti de l’Istiqlal (PI),si bien que cela constituait, à priori, un gage de réussite.
Une année après, l’appréciation de ce gouvernement par des experts, des observateurs et la presse, lui attribuera la note : « Passable ! Peut mieux faire ! ».
Ce n’est pas pour trouver des excuses à Akhannouch et son équipe, mais il y a des circonstances atténuantes qu’il faut retenir.
A peine investi par le parlement, le 13 octobre 2021, le nouvel exécutif a dû faire face à plusieurs urgences : finalisation du projet de loi de finances préparé par le gouvernement El Otmani, ouverture du dialogue avec les syndicats, relance économique post-Covid-19… ensuite il y a une eu une avalanche de problèmes, entre autres la crise ukrainienne, l’inflation importée, les derniers soubresauts du Covid 19, la sécheresse et une croissance moribonde (0,8%), si bien que l’exécutif était tenu d’être au four et au moulin au gré des crises qui se pointaient et qui devaient être maitrisées, tant bien que mal.
Malgré certaines difficultés de parcours, l’exécutif peut inscrire à son actif la mise en œuvre du chantier de la protection sociale, le lancement de programmes destinés à la création d’opportunités d’emplois à l’instar d’Awrach et Forsa, ainsi que la subvention des produits de première nécessité.
Evidemment, cela ne pardonne, néanmoins, pas l’absence de souffle politique. En raison d’une communication bancale, voire inexistante, les citoyens, désorientés, étaient et demeurent en peine d’identifier l’horizon qui anime la team Akhannouch.
Et puis, il y a eu insuffisance de vigilance concernant deux grands projets portés par le Roi et touchant de plein fouet le citoyen : la réforme de l’Education et la refonte du système de Santé, qui jouissent, certes d’une attention particulière de la part des décideurs, mais, hormis cela, le projet général tombe à plat. On peut tout de même retenir deux choses positives : les différents accords signés avec les syndicats de la Santé et le règlement du problème des enseignants contractuels.
Bref, d’une manière générale, l’action de ce gouvernement a surtout consisté à expédier les affaires courantes, sans faire très attention à ce qui se préparait sur le terrain de désagréablement surprenant pour les familles marocaines, en matière de pouvoir d’achat des citoyens.
Si, à un moment donné, les débats se sont concentrés sur la question de la hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat, on a vite compris que cette année a été marquée par une inflation et la crise a été supportée par le consommateur alors que l’État était absent : ni discours, ni paroles rassurantes ni mesures concrètes.
Les sorties médiatiques du porte-parole du gouvernement, Baitas, qui semblait être sur une autre planète, dénotaient d’une incompréhension du sujet. Il était en train de voir le monde un peu rose alors que tout le monde le voyait noir.
Difficilement, le citoyen ordinaire a fini par comprendre et admettre que les causes de la cherté de vie ascendante sont dues à des circonstances indépendantes de la volonté du Maroc, dont notamment la guerre en Ukraine qui a fait propulser les prix des carburants et envoler le prix du transport.
Pour atténuer le choc, le gouvernement a opté pour le rallongement du budget de la compensation qui a tout simplement doublé pour garantir la stabilité des prix, notamment du blé, du gaz et du sucre.
D’autre part, l’exécutif a aussi veillé à ce que, malgré tout, le pays ne connaisse aucune pénurie, les marchés nationaux n’ont souffert d’aucun manque ou perturbation par rapport à l’approvisionnement et le ravitaillement, notamment, le secteur de l’énergie et nonobstant la fermeture d’une manière unilatérale et hostile par l’Algérie du gazoduc qui traverse le territoire marocain.
On peut donc porter à l’actif de l’exécutif Akhannouch, qu’au-delà des positions et des points de vue, le Maroc n’a pas connu, depuis le début des crises, ni pénuries, ni ruptures de produits énergétiques, alimentaires ou pharmaceutiques.
Certes, on estime que le gouvernement aurait pu réduire les prix des carburants mais il a refusé le recours aux moyens fiscaux, la reprise des activités de la raffinerie « La Samir », la baisse des marges de profit des sociétés opérant dans ce secteur, de même qu’il n’a élaboré aucun plan global et clair pour faire face à cette situation.
Pour certains, il faut chercher ce refus aussi dans le fait que Aziz Akhannouch est directement concerné en sa qualité d’opérant dans le secteur des carburants.
Toujours est-t-il que cette épreuve de recul du pouvoir d’achat vaut désormais à l’équipe d’Akhannouch l’étiquette de «Gouvernement de la hausse des prix !».
Si l’on s’attend désormais à mieux, cela voudrait dire que Aziz Akhannouch et son équipe doivent trouver les moyens de briser la spirale inflationniste.
Maintenant, on se demande quelles couleurs pourrait-on imaginer pour le prochain mandat du gouvernement Akhannouch ?
En plus de tous les dossiers ouverts et non encore réglés pendant sa première année de gouvernance, l’Exécutif devra faire face à de nouveaux défis.
Mais, d’abord, il s’agir de savoir s’il existe une réelle cohésion entre les partis de la majorité ?
Selon l’opposition, « tandis que la coalition gouvernementale bénéficie d’une majorité confortable à la Chambre des représentants et d’un format resserré qui ne compte que trois partis, la cohésion et la solidarité ne semblent pas vraiment évidentes, avec un bilan est très mitigé et des dissensions apparues au sein du gouvernement, notamment entre les ténors des trois partis politiques formant la majorité, avec un grand écart qui se crée particulièrement entre le président du RNI et le SG du PAM», avance-t-on, citant pour preuve l’éventuel « remaniement » annoncé.
Concernant les nouveaux défis à relever, référons-nous au Discours prononcé par le Roi, vendredi14 octobre courant à l’ouverture de la session d’automne de la 2e année législative, dans lequel le Souverain a fixé deux nouvelles priorités : l’Eau et l’Investissement.
En ajoutant ces deux dossiers à ceux du pacte national de développement, de la réforme des retraites, des réformes du code de la famille, de l’Education, de la Santé et de la Justice ; mais surtout au volet économique pour actionner tous les leviers de développement et de croissance, dont l’ l’industrialisation ; on peut considérer que le gouvernement Akhannouch démarre sa deuxième année avec beaucoup de pain sur la planche.
Pour n’évoquer que le volet de l’Investissement, le Roi a exhorté le gouvernement, en partenariat avec les secteurs privé et bancaire, à traduire leurs engagements respectifs dans un «Pacte National pour l’Investissement ». Ce dispositif vise à mobiliser 550 milliards de dirhams d’investissements et à créer 500.000 emplois, au cours de la période 2022-2026.
La question de l’Eau constituera aussi un véritable test pour la capacité du gouvernement à poser une politique de gestion pérenne et durable au Maroc.
On peut conclure que la première année de Aziz Akhannouch et son équipe au Gouvernement n’était certes pas de tout repos. Mais, le fait de vouloir toujours rejeter les échecs sur la « conjoncture » ne résout pas les problèmes.
La première année du gouvernement, qui était une année de rodage est terminée, et les Marocains ont laissé du temps aux nouveaux ministres de s’acclimater avec leurs nouvelles fonctions.
À Aziz Akhannouch, Ouahbi et Baraka de trouver les moyens de rattraper les retards et de foncer inconditionnellement vers l’avenir, en mettant de côté les petits calculs et en cessant de jeter des pavés dans la marre.