Lors d’un exposé exhaustif fait lundi 19 avril courant, sous la coupole du parlement, le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural, des Eaux et forêts, Aziz Akhannouch, s’est montré plutôt optimiste, affirmant que grâce aux dernières pluies, le cumul des précipitations a atteint l’équivalent de la pluviométrie d’une année normale, ce qui, selon le ministre, représente une augmentation de 42% par rapport à la même période de la campagne précédente.
C’est une aubaine, si l’on tient compte de la précédente campagne agricole 2019-2020 lors de laquelle le Maroc a vécu une conjoncture inédite marquée par un double-choc retentissant : les aléas climatiques dominés par une forte sécheresse et la pandémie du Covid-19 qui ont, non seulement provoqué une chute des récoltes pour presque toutes les filières agricoles, mais ils ont également anéanti la capacité financière des agriculteurs qui se sont retrouvés sans moyens conséquents, d’où la mobilisation de 4,5 milliards de dirhams par le Fonds de développement aux agriculteurs au titre de 2021, en hausse de 7% par rapport à 2020.
Cette année, le spectre de la sécheresse a disparu et les prémices d’une bonne campagne agricole se précisent, favorisés par le niveau abondant des précipitations qui a donné, à fin mars 2021, un cumul pluviométrique s’élevant à 272,4 mm, en hausse de 23,6 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années, et un taux de remplissage des barrages à usage agricole s’établissant à 49,4%, contre 46,4%, une année auparavant.
Ainsi, ces bonnes conditions climatiques, pour le moins exceptionnelles, ont favorisé le développement des cultures, le maintien du potentiel de la production céréalière et l’amélioration du couvert végétal, ce qui augure une bonne campagne agricole qui s’annonce d’ores et déjà sous de bons auspices, et qui se veut supérieure de 12,2 % comparée à la moyenne des cinq dernières années.
Néanmoins, malgré tout, les effets réels sur la situation matérielle des agriculteurs ne seront perceptibles qu’à la fin de la campagne agricole, si l’on tient compte des problèmes de logistique et de moyens qui planent à l’heure des moissons devant démarrer dans les régions sud du Royaume à partir de cette deuxième quinzaine d’avril courant.
Il faut tenir compte, également de l’abondance de l’offre qui donne, habituellement, lieu à une baisse des prix à la vente.
A ce propos, il faut savoir que l’hypothèse avancée par la Loi de Finances 2021 pourrait être nettement dépassée et la récolte nationale qui pourrait totaliser 80 à 90 millions de quintaux est plus que plausible, ce qui est, en soi très réjouissant.
Quoique cette profusion soit un facteur favorisant la baisse des prix de vente des produits, nous n’avons pas à nous en plaindre parce que l’agriculteur trouve son compte dans la masse des produits récoltés, et le consommateur dans la baisse des prix.
Nous devons plutôt remercier la providence pour cette bonne année agricole et célébrer l’essentiel qui réside dans le fait réjouissant que le royaume laisse derrière lui le spectre des dernières années de sécheresse et l’agriculteur retrouve ses moyens et son sourire, et avec lui toute la Nation !
Examinons les choses dans le détail !
La campagne agricole de cette année a bénéficié de tous les ingrédients nécessaires pour sa réussite, notamment un bon apport en eau avec un cumul pluviométrique en hausse de 42% par rapport à la même période de la campagne précédente.
Cependant, la saison agricole a démarré dans de mauvaises conditions puisque l’effet de deux années successives de sécheresse a impacté sérieusement la trésorerie des agricultures, qui ont trouvé beaucoup de difficultés pour entamer les différents investissements d’exploitation de leurs terres.
En outre, selon les régions, les précipitations ont pris du retard, entre trois à quatre semaines, générant, au cours des mois d’octobre et novembre 2020, de vives inquiétudes.
Mais l’apport en eau au cours du mois de janvier était si important qu’il a, fort heureusement, comblé le déficit hydrique.
D’un autre côté, on sait que les coûts de production augmentent sensiblement lors des campagnes favorables.
Par ailleurs, la faiblesse du parc des engins agricoles crée une pression au cours de la période des moissons, sachant que le nombre de moissonneuses-batteuses au Maroc dépasse à peine 5.000 unités. Ce parc s’avère insuffisant pour répondre aux besoins du territoire national, où la surface dédiée à la céréaliculture dépasse 5 millions d’hectares.
Par ailleurs, une bonne partie de ces engins a une moyenne d’âge dépassant 20 ans, ce qui impacte la qualité des produits.
Ces éléments conjugués sont à l’origine d’une augmentation des prix des prestations et, de ce fait, le prix de la moisson par hectare va être revu à la hausse.
Pour ce qui est de la vente du produit, bien que l’Etat fixe un prix-plancher pour le blé, les effets sur les produits vendus restent limités, puisque le soutien ne touche que le blé tendre, alors que l’orge, le blé dur et les autres céréales ne sont pas concernés. La paille, autre produit de la moisson, voit son prix chuter vertigineusement, passant de 20 ou 30 DH pendant une saison aride, à moins de 5 DH lors d’une année humide. Mais il faut tenir compte du fait que cela constitue une aubaine pour les éleveurs.
Le ministère de l’Agriculture devrait livrer, dans les semaines à venir les résultats prévisionnels de la campagne agricole qui sont habituellement annoncés au cours des Assises de l’Agriculture organisées au courant du mois d’avril, en marge du SIAM à Meknès. Ce ne sera pas le cas, cette année, à cause de la crise sanitaire, l’événement étant annulé en 2021, comme ce fut le cas pour 2020.
Les chiffres qui seront donnés permettront assurément de bien cadrer les projections de croissance dans le Royaume, d’autant que l’économie nationale table sur l’agriculture pour assurer la relance. On s’attend à plusieurs indicateurs devant conforter la saison.
Il faut noter que la nouvelle stratégie agricole, «Génération Green», lancée par le Roi Mohammed VI en février 2020, a prévu la mise en place de nouvelles incitations pour la progression des investissements.
Depuis avril 2020, sous la présidence du ministre de l’Agriculture, des Pêches maritimes, du Développement rural, des Eaux et forêts Aziz Akhannouch, cette stratégie est centrée sur l’agriculteur. Les investissements agricoles réalisés, sont passés de 8,6 milliards de dirhams en 2019 à 9,7 milliards de dirhams en 2020 et se poursuivent en 2021, avec un niveau prévisionnel de 10 milliards de dirhams.
Les projets réalisés permettront la création d’environ 19.850 emplois à temps plein et de générer un chiffre d’affaires additionnel de 22,2 milliards de dirhams, dont 28% à l’export.
Les incitations distribuées ont également permis l’équipement, à ce jour, de près de 647.000 hectares en irrigation localisée. Il s’agit aussi du renforcement du niveau de la mécanisation des exploitations agricoles à travers l’acquisition de 2.600 tracteurs en moyenne par an et de l’amélioration du cheptel national par le soutien à la production de reproducteurs ovins de races sélectionnées, dont le nombre est passé de 54.000 têtes en 2010 à 234.000 têtes en 2020.
Pour ce qui est des légumineuses, les cultures s’étalent sur 173.000 ha, soit 4 % de hausse par rapport à la campagne précédente. S’agissant des légumes d’automne, elles concernent 100.000 ha, soit 96% du programme tracé au cours de cette saison. Parallèlement, le programme des légumes hivernaux a été déjà activé. Il concerne 15.000 ha, soit 18 % du programme qui cible 85.000 ha. Cette superficie produira l’équivalent de 2,7 millions de tonnes alors que les cultures fourragères concernent 5.400 ha.
Rappelons que les principales espèces de cultures maraichères d’hiver sont : la pomme de terre (38 % de la superficie programmée), l’oignon (21 %), la pastèque et melon (11,5 %), carotte et navet (6 %), légumineuses en vert (5 %) et la tomate (3 %). S’agissant de la culture sucrière, elle a connu une contraction en raison de la pénurie d’eau (barrage à usage agricole), passant de 53.600 ha programmés lors de cette année contre 56.400 ha au cours de l’année précédente. Déjà, une superficie de 46.000 ha a été déjà plantée, ce qui représente 86 % du programme prévu.
En matière d’exportations, le Royaume a exporté 474.900 tonnes de fruits et légumes du premier septembre 2020 au 20 janvier 2021.
Selon le ministre Akhannouch, cette quantité représente une hausse de 9% par rapport à la saison précédente. Il s’agit notamment de 260.100 tonnes de tomates, soit 1% d’évolution de cette culture et 286.300 d’agrumes avec une augmentation de 12%. De plus, le jus de fruits et nectar se sont soldés sur 21.200 tonnes à l’export, soit 28 % de progression en plus de 69.800 tonnes de fraise congelée (+2 %).
Bref, d’une manière générale, en dehors des aléas climatiques qui sont indépendants de la volonté de l’homme, le secteur de l’agriculture se porte bien et cela fait la fierté, non seulement de nos braves agriculteurs, mais de l’ensemble des Marocains.
En témoignent les marchés nationaux qui regorgent, à profusion, de produits entièrement marocains, vendus au consommateurs à des prix stabilisés.
Dr Abdelhak BAKHAT